Actualités Régionales of Monday, 13 February 2017

Source: cameroon-info.net

Scandale foncier dans l’Adamaoua

Des terres bradées à des entreprises chinoises dans le département du Mbéré Des terres bradées à des entreprises chinoises dans le département du Mbéré

Alors que la question de la responsabilité des entreprises multinationales pour les violations des droits de l’homme soulève des problèmes complexes dans de nombreux États africains, le Cameroun n’est pas épargné par les ambitions malsaines de certaines entreprises étrangères qui accaparent de grands espaces de terre.

Le 25 avril 2016, le Ministre des Domaines du Cadastre et des Affaires Foncières (MINDCAF)prenait l’Arrêté N° 000375/MINDCAF/SG/D1/D14 « déclarant d’utilité publique les travaux de constitution des réserves foncières destinées à l’agro-industrie dans le département du Mbéré, Région de l’Adamaoua ». Toutefois, cet Arrêté a été pris sans le moindre respect de son cahier de charge gouvernemental qui lui prescrit de réaliser « toutes études nécessaires à la délimitation des périmètres d’intégration cadastrale, à la constitution et à la maîtrise des réserves foncières en relation avec le ministère chargé du développement urbain et des collectivités territoriales décentralisées concernées ».

Le MINDCAF en totale contradiction avec le décret n° 76/ 167 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier a servi un chèque en blanc à Monsieur le Préfet du Département du Mbéré. En effet, l’Arrêté du MINDACF ne comporte aucune spécification quant à la nature de cette « agro-industrie », encore moins quelques précisions sur les superficies à placer sous les « réserves foncières », ou même le ou les bénéficiaires et qui viole la Circulaire N° 001/CAB/PM du 1er avril 2014. Pourtant, le Préfet du Département du Mbéré prendra deux Arrêtés préfectoraux N° 074/AP/H.51/SAAJP du 27 juillet 2016, et N° 082/AP/H.51/SAAJP du 08 août 2016 qui contreviennent aux articles 2 Section 1, 7 Section 2 ; 9, 10, 11, 12 du Décret n° 87/1872 du 16 décembre 1987 portant application de la loi n° 85/9 du 4 juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux modalités d’indemnisation.

Par ailleurs, les opérations de bornages se déroulent sans tenir compte des dispositions du Décret N° 2005/481 du 16 décembre 2005 (modifiant et complétant certaines dispositions du décret Nº 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier), de même que les articles 4, 5 et 6 de l’Ordonnance n° 74/3 du 6 juillet 1974, relative à la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Il est sans conteste que l’Arrêté a ouvert une salve d’abus dont les populations du Mbéré en font les frais. Le doute est largement dépassé quand on scrute avec quelques attentions le modus operandi de cette constitution de réserve foncière. Aucun délai tel que prévu par la Législation en la matière n’a été respecté. Aucune assise n’a eu lieu entre les autorités et les populations. Au contraire, les autorités frisent le flagrant délit de faux et d’usage de faux. De plus, les chefs traditionnels, Lamibés, Djaouros, Ardibés, n’ont jamais été consultés. Les populations n’ont jamais été sensibilisées, jamais consultées.

Il convient de noter que par la réalité locale et par les effets dominos consécutifs à la « chute » de l’Arrondissement de Dir, la paix sociale de toute la Région, et donc du Cameroun est compromise. En effet, la réserve foncière va impacter sur un peu plus de 65 000 âmes, possédant plus de 72 715 bœufs et plus de 90 000 petits ruminants. Avec le rétrécissement de l’espace vital de 3650 km2 à quelque 840 km2, la densité de la population va exploser pour être de 88,9 habitants au km2. Ceci dans une zone où les populations ne vivent que de la chasse, de l’élevage et de l’agriculture.

Ces conflits vont s’intensifier, créant et accentuant les risques de conflits interethniques. Comme l’actualité le démontre à suffisance, cette absence de toutes formes d’études de faisabilité socioéconomique, environnementale, etc. par le MINDCAF est grandement préjudiciable à la paix sociale, à la sécurité, au développement et à l’harmonie du vivre-ensemble, et dire que nous n’avons pas encore comptabilisé toutes les conséquences, c’est peu dire. Notre lutte étant pour la survie de toute une population et pour la stabilité d'un département mis en péril par les conflits agro-pastoraux accentués par la réduction des aires d'activité, nous comptons sur la diligence du gouvernement camerounais pour mettre fin à ces tumultes. Ceci ne pourra se faire que par une étude de faisabilité et la consultation de toutes les élites comme préalable à toute décision finale