Infos Sports of Tuesday, 22 May 2018

Source: www.camerounweb.com

Football: Karl Toko-Ekambi parle de mensonges, d’hypocrisie dans le monde du foot

Karl Toko-Ekambi  lauréat du prix Vivien Foé Karl Toko-Ekambi lauréat du prix Vivien Foé

Prolifique avec Angers, Karl Toko Ekambi marche sur les défenseurs de Ligue 1 depuis le début de saison. Et alors qu’il aurait pu rejoindre la Premier League, l’hiver dernier, l’international camerounais a préféré rester au SCO. Rencontre avec un « casseur de portes ». De jeudi à samedi, découvrez notre entretien XXL avec KTE.

Troisième partie de notre interview avec Karl Toko-Ekambi.

Retrouvez notre portrait de Karl Toko-Ekambi dans le magazine Onze Mondial numéro 316, disponible ici.


Qu’est-ce qui a fait de Karl un homme ?



Je ne sais pas. Depuis que j’ai 16 ans je suis un homme, je fais ce que j’ai envie de faire, je prends mes décisions. .. Je suis un homme depuis assez longtemps.

Quand on est un gars entier comme toi, ça ne doit pas être facile de vivre dans le monde du foot qui est plein de mensonges, d’hypocrisie… Ce n’est pas un monde très vrai.

Ça je te le confirme, ce n’est pas un monde très vrai. Ce n’est pas que dans le foot c’est partout dans la vie. Dès qu’il y a une relation d’argent avec quelqu’un, il va y avoir des divergences et c’est là où il va falloir faire la part des choses. Moi, le football c’est mon travail, mon job. C’est sûr qu’il y a des gens qui me mentent et qui ne sont pas vrais, mais c’est leur problème tant que moi je fais ce que j’ai à faire, je ne mens pas aux gens. Quand tu mens, ça te rattrape toujours. On ne maitrise pas ça. Quand tout tourne autour de l’argent, il y a souvent des soucis.


Tu n’as jamais voulu te laisser submerger par tout ça ?



On joue en Ligue 1 donc forcément on gagne assez d’argent pour faire ce qu’on a envie. Je n’ai pas besoin de mentir ou d’être faux avec les gens. Vous pouvez demander à Angers, je suis quelqu’un qui rigole avec tout le monde. Je suis tout le temps souriant. Même quand j’ai des problèmes, personne ne peut le savoir. Je souris à tout le monde, je ne suis pas ami avec tout le monde mais quand je suis avec les gens, je suis respectueux parce que le foot c’est une aventure où on est ensemble et je vis la chose à fond. Quand j’ai quelque chose de difficile à dire à un collègue, je ne vais pas mentir, je lui dis directement même si ça peut s’embrouiller un peu. Je ne peux pas bouder quelqu’un pendant une semaine parce que je vais lui dire quelque chose qui va lui faire mal. Non, je lui dis tout de suite et c’est réglé pour moi. Après chacun fait comme il veut.


Qu’est ce que ça représente pour toi la sélection ?


C’est mon pays d’origine, le pays de mes parents, le pays de toute ma famille. C’est une fierté pour moi. Le fait d’avoir gagné la CAN, c’était fort parce que le Cameroun n’était pas au premier plan. On a surpris tout le monde. De nos jours, la CAN est la compétition la plus prestigieuse à gagner pour un joueur africain et je l’ai fait pour ma première participation. C’est extraordinaire et ça restera un gros souvenir.


Tu n’as pas beaucoup joué pendant la compétition, tu n’étais pas un peu dégoûté ?



Non pas du tout, je n’étais pas dans cette mentalité et je pense que c’est pour ça qu’on a gagné. On n’avait pas le meilleur effectif, mais on avait un groupe solidaire avec une énorme force mentale. Il n’y a aucun joueur qui boudait, on a tous fait les efforts à l’entrainement parce que les titulaires ne s’entrainent pas seuls. On a vraiment créé un truc qui nous a permis de remporter cette compétition. On était tous très heureux et je pense que nous les remplaçants étions plus heureux que les titulaires parce que finalement, tout le monde gagne.


La non-qualification au Mondial n’était-elle pas trop difficile à vivre ?



Non parce que dans notre groupe, il y avait l’Algérie et le Nigeria et il n’y avait qu’une place. Algérie, Nigeria, Zambie, Cameroun et il n’y a qu’une place… On n’a pas pris assez de points mais on n’a pas êtres déçus parce que le Nigeria est passé et ce n’est pas une petite équipe. Le problème est ailleurs. Il n’y a pas assez de pays africains en Coupe du Monde. On ne peut pas se retrouver avec une poule aussi difficile avec de si grandes nations africaines pour une seule place. Il est là le problème.


Tu as remporté la CAN et inscrit beaucoup de buts en Ligue 1. Est-ce que le Ballon d’Or africain te traverse l’esprit ?


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Non, franchement je ne peux pas penser à ça. Pour être honnête avec toi, je n’y pense pas, je ne sais même pas comment ça se passe pour le gagner. Je vois juste dans les journaux « tel joueur africain a gagné le Ballon d’Or », mais je ne sais pas comment ça se passe, je n’y ai jamais pensé.

C’est quoi la philosophie de Karl Toko Ekambi ?

Je ne sais pas du tout. Kiffer avec ma famille et mes proches. Profiter des moments où je joue au foot parce que c’est court. Essayer de trouver de belles choses à faire après le foot pour bonifier ce parcours.


Tu aurais envie de faire quoi après le foot ?



Je ne sais pas encore.

Il n’y a pas un métier qui te fait kiffer aujourd’hui ?

Moi, après le foot, je veux être libre. Je veux me réveiller à l’heure que je veux. Je veux travailler en étant libre.

Tu peux devenir un artiste et peindre des tableaux…

Je ne sais pas peindre, ni dessiner. Mais je vais trouver quelque chose.


Consultant ?


Ouais, consultant, agent. Rester dans le foot peut me plaire.


Tu n’as pas un discours formaté et tu es très à l’aise. Pendant que d’autres footballeurs passés par des centres de formation ont plus de mal. Tu la sors d’où cette facilité à t’exprimer ?



Je ne sais pas. J’ai bien suivi mes cours à l’école (sourire). J’ai bien été éduqué, c’est pour ça que j’arrive à bien m’exprimer. Je suis quelqu’un de réfléchi donc je fais attention à ce que je dis. Même si bon, c’est assez naturel. Je sais bien m’exprimer depuis tout petit. C’est assez facile pour moi.


Tu as un discours très rare au niveau de l’argent quand même…


En fait, je regarde plus derrière que devant. Je fais attention à ce qu’il y a derrière. Il ne faut pas se tromper à cause de l’appât du gain. Et comme j’ai dit, si je veux vraiment de l’argent, j’appelle mon agent et je lui demande de me trouver un truc en Chine avec un pactole. Ce n’est pas parce que je vais gagner 50 000 euros de plus à Brighton que je vais être heureux. Ce n’est pas ce qui va changer ma vie. J’ai préféré attendre six mois de plus pour avoir le temps de choisir. Je préfère prendre mon temps. Là, c’était un peu forcé. Et je ne veux pas forcer mon destin.


Ça ne doit pas être facile d’être l’attaquant d’Angers…



Ouais. Quand on fait les statistiques à la fin du match à chaque fois, on se compare aux adversaires. Un attaquant de Monaco, un attaquant de Lyon, un attaquant de Nice, il court environ 8 kilomètres par match. Il ne court pas beaucoup, du coup, il est lucide et dans la zone de vérité, il fait son appel, il reçoit le ballon, puis il finit. Moi, je cours 12 kilomètres par match.


Quand on est un mec de Paris et qu’on marque au Parc, c’est comment ?



Bah… Je n’ai même pas eu le temps de le célébrer. Comme on perdait, je me suis dit : « Ça ne le fait pas de célébrer alors qu’on perd 2-1 et qu’on doit revenir au score ». Je suis parti chercher le ballon pour foncer et repartir. Si ça avait été le but du 2-2, du 1-1 ou du 1-0, je l’aurais célébré à fond ! Je pense même que j’aurais couru jusqu’à chez moi, j’aurais demandé le changement au coach (rires). J’aurais fait la totale. Personne n’aurait pu m’arrêter, j’aurais pris le carton, j’aurais enlevé le maillot, j’aurais tout fait. Là, on perdait 2-1, je ne voulais pas penser à ma gueule.



Pourquoi être discret au niveau médiatique alors que tu t’exprimes bien ?



Je préfère qu’on parle de moi par rapport au terrain et pas par rapport à ce que je fais en dehors. Je préfère qu’on parle de moi sans que je ne m’exprime.


Mais tu sais que c’est important ?



Je sais. Mais, je ne suis pas comme ça. Je n’y arrive pas, ce n’est pas dans ma nature. Je joue au foot avec mes pieds, pas avec ma bouche. C’est difficile pour moi d’aller me vendre pour qu’on me prenne quelque part parce que ça finit mal, tout ça. Je préfère qu’on parle de moi pour mes qualités de footballeur. Après, parler dans les médias, oui, ça peut venir avec le temps. Mais, je ne solliciterai pas les médias pour qu’on parle de moi. Ça finit toujours mal.


Comment tu occupes tes journées à Angers ?



À la maison avec mon fils. Je regarde des films et des séries avec ma femme. Je suis très casanier. Quand je suis à Paris, je sors souvent avec mes frères, mais à Angers, je reste à la maison.

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Combien de frères as-tu ?



J’ai un grand frère et une petite sœur. Quand je dis « mes » frères, je comprends mes cousins, mes potes, tout le monde. Je suis très famille.


Comment expliques-tu qu’on mette plus en avant certains joueurs aux statistiques quasiment similaires ?



Peut-être parce que je suis à Angers. Peut-être parce que je suis international africain.


Beaucoup de joueurs africains disent ça…



Oui, je le pense. Si j’avais été international français, je pense qu’on parlerait beaucoup plus de moi. Thauvin est un excellent joueur, il fait la saison de sa vie. Ça, c’est sûr. Mais, moi à côté, on ne parle pas beaucoup de moi… Ça ne me dérange pas.


Si tu devais finir l’interview par une phrase qui te représente ?



Ce n’est pas le départ qui compte mais l’arrivée. Même si je ne suis pas encore arrivé, je suis quand même en route. On peut voir beaucoup de joueurs qui ont fait toutes les équipes de France de jeunes et qui évoluent aujourd’hui en DH…

Déjà, avoir arrêté le foot pendant deux ans et arriver ici, on peut dire que tu es un miraculé…

Ouais. En fait, quand je suis revenu en 19 nationaux, j’ai eu le déclic. On avait fait une opposition interne avec l’équipe d’Alexandre Monier. On avait fait un match de détection entre les joueurs à l’essai et l’équipe des 19 nationaux. On avait gagné 3-0 et j’avais mis deux ou trois buts. Derrière, on avait fait les tests de vitesse. Après il avait dit : « Mais c’est pas possible, tu vas trop vite » (rires). Alors qu’à la base, il n’y avait soi-disant pas de place. Pour te dire, il m’avait appelé la veille pour un essai. J’arrive le jour J, il me sort : « J’ai trop d’attaquants à ton poste, ça ne sert à rien que tu joues en fait. Mais comme tu es là, habille-toi, je vais te faire jouer un peu même si ça ne sert à rien ». Et puis, il s’est passé ce qu’il s’est passé. J’ai mis mes buts et explosé le test de vitesse. Après, on avait fait un match amical contre je ne sais plus qui, j’avais mis un triplé. Et c’est parti de là… Il m’a dit : « On te prend ».


On peut dire que ce match là a changé ta vie…



J’avoue que ce match m’a fait revenir dans le circuit. S’il ne m’avait pas pris, j’aurais peut-être arrêté définitivement. Et puis même si on m’avait pris ailleurs en 19 nationaux, j’aurais stoppé. Je voulais rester à côté de chez moi.