Actualités of Tuesday, 14 January 2025

Source: Le Messager n°8430 du 7 janvier 2025

Adresse à la nation : voici les vérités cachées dans le discours de Biya

Discours du président de la République Discours du président de la République

Esquisse d’analyse linéaire et structurelle du message du président de la République à la Nation le 31 décembre 2024.

Rappelant le septennat en cours qu’il considérait comme « décisif » devant permettre à notre pays « de poursuivre résolument sa marche vers l’émergence », cet objectif qu’il voulait une « véritable cause nationale » et un « engagement collectif » permettant de « rétablir la sécurité, conforter notre croissance économique et améliorer sensiblement les conditions de vie des camerounais » , un regard rétrospectif du Chef de l’État sur les années qui se sont écoulées depuis lors, lui aura permis de constater que des « avancées considérables ont été accomplies dans chacun de ces domaines » . Ainsi peut-on structurer le discours du 31 décembre 2024 en trois grandes parties : (i) les efforts sécuritaires, (ii) les indications macro-économiques, (iii) la gouvernance et les politiques générales devant permettre l’amélioration des conditions de vie de ses compatriotes.

Les combats sécuritaires

« Condition essentielle du progrès économique et social » , le Chef de l’État rappelle que la sécurité reste au centre de ses priorités et que « Grâce à l’action conjuguée de nos forces de défense et de police, des autorités administratives et des populations, notre pays est resté stable, malgré un environnement international particulièrement troublé » et qu’en dépit du fait que quelques-unes de nos localités demeurent confrontées aux « attaques lâches » liées aux « groupes terroristes et à la grande criminalité » , la criminalité dans nos centres urbains et zones rurales selon lui « est combattue vigoureusement par les forces de maintien de l’ordre » . Paul Biya se réjouit « particulièrement des progrès enregistrés » dans le combat contre Boko Haram, « les opérations menées ces dernières années » … ayant permis de réduire fortement les capacités de nuisance de ces terroristes, « qui en sont réduits à ne s’attaquer qu’à des civils innocents ».

Le chef de l’État, après avoir constaté que le processus de reconstruction des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest se poursuit « en dépit des atrocités commises par quelques bandes armées, qui continuent leurs exactions principalement contre la population civile », poursuit sans ambages : « Je ne le dirais jamais assez. La cause séparatiste que ces groupes d’illuminés prétendaient défendre est vouée à l’échec. Le Cameroun restera un et indivisible… C’est l’essence même du mandat qui m’a été confié. Et je ne faillirai point », martèle-t-il. Néanmoins, Paul Biya rappelle « aux membres de ces bandes armées, que la Nation leur tend toujours la main », et les invite à saisir l’offre de paix qui leur a été faite, et de déposer les armes dans les Centres de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) créés à cet effet.

Une économie résiliente

En dépit des « chocs exogènes » que le président de la République ne cesse d’évoquer dans ses trois derniers discours : « guerre en Europe de l’Est, conflits au Proche-Orient, morosité du marché des capitaux et des matières premières, perturbations climatiques, tensions inflationnistes, fluctuations des cours du pétrole » , des chocs exogènes qui selon lui ont ralenti nos perspectives de croissance, l’économie camerounaise a néanmoins enregistré un regain d’activité avec un taux de croissance estimé à 3,8% en 2024, et qui se situerait en à 4,1% en 2025. « Les mesures prises pour limiter les comportements spéculatifs et accroître l’offre des produits de première nécessité, ont contribué à réduire l’inflation de 7,4% en 2023 à 5% en 2024, pour se situer en 2025 à 4% ».

Dans l’optique de réduire le déficit de notre balance commerciale et garantir notre souveraineté alimentaire, l’homme du 6 novembre annonce que « le plan intégré d’import-substitution agropastoral et halieutique… commence à produire des résultats visibles ». Ainsi donc dans le cadre de l’import-substitution, le Chef de l’État annonce que des tonnes de semences ont été produites pour encourager la culture du blé sur place, l’aluminium commence à rentrer dans la gamme des produits industriels exportés, et que cette dynamique devrait connaître une accélération en 2025, à la faveur de la réforme de la Société Nationale des Investissements (SNI).

Des embryons d’industrialisation

Le gouvernement, dit le chef de l’État, poursuit également des efforts de redressement et de transformation structurelle de notre économie, à travers l’opérationnalisation progressive des zones économiques, en l’occurrence la Zone industrielle intégrée du Port Autonome de Kribi, qui devrait opérer dans la transformation des matières premières telles que le cacao, le café et l’hévéa. Pour le cas spécifique du cacao, « la politique de promotion de l’excellence qualitative » mise en œuvre ces dernières années a abouti à des niveaux de prix exceptionnels au profit des paysans.

Paul Barthélémy Biya Bi Mvondo annonce la création deux zones économiques spécialisées pour la transformation du bois, en cours de démarrage respectivement à Edéa et Bertoua ; il en est de même de la technopole agro-industriel d’Ouassa-Babouté par Nkoteng, qui sera consacrée à la production et à la transformation des céréales, des tubercules, du lait et de ses dérivés. L’homme Lion est convaincu que « l’industrialisation de notre pays devient une réalité » avec l’ouverture dans la localité de Bipaga à Kribi, de la plus grande usine de production des carreaux en Afrique centrale, projet qui génèrera plus de 2500 emplois directs et plusieurs autres emplois indirects. Le chef de l’Etat vante les perspectives de développement du riche potentiel minier camerounais qui selon lui sont porteuses d’espoir, avec notamment le démarrage imminent de l’exploitation des gisements du fer de Kribi-Lobé, Bipindi-Grand Zambi et Mbalam-Nabéba ; c’est aussi le cas dit-il, de la bauxite de Minim-Martap dont la convention d’exploitation a été signée au mois de juillet 2024. Le chef de l’Etat reste persuadé par ailleurs, que « la maîtrise des circuits de commercialisation de nos minerais, va accroitre le volume des ressources financières nécessaires à la réalisation de nos projets de développement ».

Gouvernance et bien-être des populations

Il est tout de même curieux d’entendre le président de la République dire que, depuis son accession à la magistrature suprême, l’amélioration des conditions des camerounaises et camerounais n’a jamais cessé d’être au centre de ses préoccupations. Il en veut pour preuve « des efforts significatifs consentis ». Seulement, pour justifier l’échec de cette politique, il évoque « la forte poussée démographique » qui relativise selon lui l’impact des efforts, en raison d’une demande de plus en plus croissante des services sociaux de base. Ces services publics de base ont pour noms l’eau potable dans les ménages, les soins de santé publique, l’énergie électrique, les routes, l’éducation, entre autres, qui sont loin de satisfaire les attentes des populations.

Mais le président de la République, d’un optimisme béat qu’on lui connait, déclare que l’offre en énergie électrique a connu une amélioration substantielle en 2024, avec l’achèvement de la construction de l’usine de pied du barrage de Lom Pangar, et la mise en service du barrage de Nachtigal. De plus, il affirme que « le volume des investissements dans ce secteur stratégique est appelé à s’accroître, à la faveur de la maturation de plusieurs projets hydroélectriques et photovoltaïques ». Paul Biya évoque pour s’en convaincre, « la quatrième phase du projet d’électrification de mille localités par l’énergie solaire, à l’issue de la construction de 360 centrales solaires dans les unités administratives non encore électrifiées », le raccordement des réseaux interconnectés sud et nord, des projets qui permettront à terme de réduire les délestages et de résorber la fracture énergétique entre les régions méridionales et septentrionales de notre pays.

L’approvisionnement en eau potable constitue également un défi majeur que le gouvernement s’est attelé à relever ces dernières années, avec une détermination louable, dit-il. De même, l’amélioration des offres de soins de santé est une préoccupation du président de la République, via le renforcement des plateaux techniques, la densification de la carte sanitaire, la contractualisation de 9944 personnels de santé sur une période de 5 ans.

Pour ce qui est du réseau routier, l’homme du 6 novembre est conscient du sentiment de frustration qui anime ses compatriotes, au regard de la très forte dégradation des voiries urbaines et interurbaines, et ses incidences sur la vie économique et les accidents de la circulation. Pour ce qui des contraintes, l’homme évoque les problèmes de financements, la pluviométrie et les problèmes de gouvernance, qui nécessitent selon lui « des mesures fermes et diligentes », tout en précisant qu’il y veillera. Pour cela, il a instruit « la réorganisation du Fonds Routier, dans le sens d’accroitre sa capacité à mobiliser les financements nécessaires à la réalisation des projets de construction, de réhabilitation et d’entretien des routes ».

L’urgence d’améliorer la gouvernance dans tous les secteurs d’activité

Si nous voulons atteindre les objectifs de développement que nous nous sommes fixés, affirme le Chef de l’État, « nous devons améliorer la gouvernance dans tous les secteurs d’activité ». Et cela passe par l’intensification de la lutte contre la corruption et les détournements des deniers publics, garantir une sécurité juridique aux investissements privés, et assurer la protection de la propriété foncière où certaines dérives ont été constatées » ; et le chef de l’État de conclure sur ce point précis : « Soyez assurés d’une chose : des sanctions appropriées seront infligées aux auteurs des infractions qui seront établies ». Pour les échéances électorales qui arrivent, Paul Biya en appelle à la maturité et à la responsabilité de tous les acteurs, qui devront veiller à ce que le calme règne avant, pendant et après les élections. Il est cependant conscient que certains compatriotes éprouvent des difficultés pour s’inscrire sur les listes électorales, en raison du défaut de cartes nationales d’identité.

Sur son éventuelle participation à la prochaine élection présidentielle prévue normalement en octobre 2025, voici ce que l’homme lion dit de manière sibylline : « Je suis particulièrement sensible au soutien massif que vous n’avez cessé de m’apporter toutes ces années. C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais ménagé aucun effort pour répondre à vos aspirations. Votre confiance m’honore et me sert de boussole dans l’action que je mène à la tête de notre cher et beau pays. Je puis vous assurer que ma détermination à vous servir demeure intacte et se renforce au quotidien, face à l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés ».