Elle aura suffisamment duré, cette mangeoire à travers des dotations financières annuelles aux députés de l’Assemblée nationale savamment dénommée micro-projets parlementaires, sans réel effet sur les populations censées en être les bénéficiaires finaux. Avec sa fin annoncée pour l’année budgétaire 2023, de nombreux observateurs estiment qu’il s’agit là d’un juste retour à l’orthodoxie.
Le budget de l’Etat du Cameroun a été voté la semaine dernière par l’Assemblée nationale au cours d’une session longue et houleuse qui s’est achevée au petit matin du 5 décembre 2022. En définitive, le Cameroun table sur un budget pour l’année 2023 de 6 345 100 000 000 Fcfa. Ce budget se décompose en un budget général de 6 274 800 000 000 Fcfa et des comptes d’affectation spéciale d’un montant de 70 300 000 000 Fcfa. Si l’on a pu noter que ce budget accorde une part belle aux ministères de souveraineté comme la Défense, la sécurité, l’éducation ou les travaux publics, il n’a échappé à personne que ce budget 2023 consacre une hausse vertigineuse de certaines taxes, mais surtout, la suppression de l’enveloppe dédiée aux micro-projets parlementaires jadis accordés aux députés. Une dotation de 8 millions de Fcfa annuelle qui était supposé être destinée à la réalisation, dans leurs circonscriptions électorales respectives, de microprojets dits parlementaires, notamment en matière de services sociaux de base. Seulement, à y regarder de près, force est de constater que cet argent supposé provenir du fameux chapitre 65 du ministère des Finances en cours d’audit, ne servait finalement que d’argent de poche à certains députés. D’ailleurs, l’on se souvient que, récemment, le président de l’Assemblée nationale, le très honorable Cavaye Yeguié Djibril, député du Mayo Sava, s’est officiellement offusqué de l’emploi que ses collègues députés de sa même circonscription électorale en faisaient. C’était à l’occasion d’une cérémonie au cours de laquelle, il est allé distribuer quelques sacs de mil et de sorgho aux populations. Il avait même laissé entendre qu’il demandera aux questeurs d’auditer l’emploi de ces fonds.
Malheureusement, des observateurs avertis n’ont pas hésité à lui rétorquer que si un audit sérieux serait ouvert sur cette dotation en micro-projets parlementaires, il y a longtemps que des problèmes comme l’accès à l’eau potable ne se poseraient plus dans son Mayo Sava natal. En d’autres termes, l’homme serait loin d’être un modèle dans l’utilisation des fonds destinés aux micro-projets parlementaires dont il bénéficie également au titre de député de la Nation. En tout cas, cette suppression qui a été diversement appréciée dans la communauté des députés de la Nation permettra au Trésor public de faire des économies de l’ordre de 1,44 milliard Fcfa par an. Ce qui n’est pas rien.
CABINETS PARLEMENTAIRES
Si cette innovation vient également réparer une injustice en mettant au même pied d’égalité l’Assemblée nationale et le Sénat, tant il est vrai que les sénateurs ne bénéficient pas de cette dotation depuis son entrée en service en 2013, force est de constater que ce que les députés étaient censés réaliser dans leurs circonscriptions en faveur des populations sera désormais réservé exclusivement à l’Etat central et aux collectivités territoriales décentralisées (Ctd). Ce qui milite en faveur de la libération totale des transferts de compétences et de moyens vers les Ctd.
Des députés qui ont soutenu cette coupe sans avertissement, indiquent que l’absence d’un dispositif officiel de contrôle a posteriori de l’utilisation de ces fonds pour les besoins de la cause et donc, de l’effectivité des réalisations au profit des populations, restera la seule raison de cette suppression. Exactement, pendant que certains députés comme Paul Eric Djomgoué du Mfoundi se sont toujours illustrés par leurs appuis multiformes aux populations (largement sur fonds propres), d’autres dans le Wouri, avec 3 mandats de parlementaire en poche, auront toutes les peines du monde à montrer un forage construit dans leurs circonscriptions électorales, ou une école repeinte comme a voulu le faire récemment un certain Joshua Osih.
Des sources concordantes indiquent aussi que plusieurs parlementaires défenseurs de la thèse de la suppression de l’enveloppe allouée aux députés pour les micro-projets soutiennent l’argument selon lequel le rôle du député ne consiste pas à réaliser des actions ou des projets dans leur circonscription électorale, mais ils sont davantage investis d’une double mission : le vote des lois et le contrôle de l’action gouvernementale. Doit-on comprendre que l’ère des députés donateurs de tables-bancs et du pain-sardine et autres victuailles aux populations est révolue ? Difficile à dire. Surtout que connaissant l’ingéniosité des Camerounais à recourir aux raccourcis lorsqu’il s’agit de se faire de l’argent facile, il est évident que nos députés ont déjà trouvé la stratégie pour compenser cette suppression des fonds destinés aux microprojets parlementaires.
D’ailleurs, une source proche du parlement indique que l’enveloppe budgétaire de l’Assemblée nationale elle-même a connu une hausse considérable qui pourrait voir les députés bénéficier d’une enveloppe plus consistance que celle des micro-projets qui serait alors destinée à l’appui à leurs cabinets parlementaires. Dieu seul sait combien de députés camerounais songent même à ouvrir un cabinet parlementaire dans leur circonscription électorale. Qui vivra verra !