Actualités of Wednesday, 23 April 2025

Source: www.camerounweb.com

Candidature de Biya : un gros dilemme se pose

La candidature de Paul Biya La candidature de Paul Biya

L’analyste politique Christian Emvolo Emvolo a publié une tribune. Elle porte sur le dilemme des universitaires camerounais face à la candidature de Paul Biya en 2025 et ses implications sur la liberté et la démocratie.

L'engagement des universitaires dans le processus électoral camerounais, en particulier en vue des élections présidentielles de 2025, est révélateur des profondes fractures sociales et politiques qui traversent le pays. Cette situation mérite une attention particulière sur plusieurs aspects.

Tout d'abord, le contexte historique du Cameroun est important pour comprendre la position des universitaires. Depuis l'indépendance, le pays a connu une succession de régimes autoritaires, souvent caractérisés par une répression violente des opposants politiques et une restriction des libertés d'expression. Dans ce cadre, les universitaires se trouvent dans une position ambivalente. D'une part, ils sont souvent vus comme des vecteurs de changement potentiel, capables de remettre en question le statu quo. D'autre part, leur engagement politique peut les exposer à des représailles, ce qui incite certains à adopter une posture plus prudente.

En outre, la prise de position des universitaires peut être interprétée comme une réponse à une crise de confiance envers les institutions politiques. Les élections sont souvent perçues par les citoyens comme une occasion de changement, mais l'absence de réelles alternatives politiques peut engendrer un sentiment de désespoir. Dans ce contexte, le soutien des universitaires à des candidats spécifiques peut être perçu comme un acte de désespoir ou de désobéissance civique, visant à inciter un changement démocratique dans un environnement où les voix dissidentes sont souvent étouffées.

Par ailleurs, la question de l'éthique dans l'engagement politique des universitaires est délicate. En soutenant des candidats, ces derniers risquent de perdre leur crédibilité académique, car leur impartialité et leur objectivité peuvent être mises en doute. Cela soulève des interrogations sur la responsabilité sociale des universitaires : jusqu'où peuvent-ils aller dans leur engagement politique sans compromettre leur rôle d'analystes objectifs de la société ?

Le rôle des réseaux sociaux et des nouvelles technologies ne doit pas être sous-estimé. Ces outils permettent aux universitaires de diffuser leurs idées et de mobiliser l'opinion publique d'une manière qui n'était pas possible auparavant. Cependant, cette même technologie peut également être utilisée pour la désinformation et la manipulation, ce qui complique davantage le paysage électoral. L'engagement des universitaires sur ces plateformes soulève la question de la nécessité d'une éducation critique des citoyens face à la propagande et aux discours politiques manipulatoires.

Enfin, la dynamique de la globalisation et l'influence des acteurs internationaux sur les processus électoraux camerounais ne peuvent être ignorées. Les universités, en tant qu'institutions académiques, doivent naviguer entre les pressions internes et externes. L'interaction avec des partenaires étrangers peut apporter des ressources et des idées nouvelles, mais elle peut aussi poser des défis en matière de souveraineté académique et d'alignement sur des agendas étrangers.

Ainsi, la situation des universitaires camerounais en période électorale est complexe et multidimensionnelle. Leur engagement politique, bien qu'il puisse être perçu comme un acte de courage, expose également les tensions internes au sein du corps académique et les défis d'une société en quête de démocratie. La capacité des universitaires à influencer le débat public et à promouvoir un changement significatif dépendra de leur capacité à maintenir leur intégrité académique tout en s'engageant activement dans le processus politique. La construction d'une démocratie véritable au Cameroun nécessitera un dialogue ouvert et inclusif, où les universitaires jouent un rôle essentiel en tant que penseurs critiques et catalyseurs de changement.