L’implication de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE) dans l’assassinat du journaliste Martinez Zogo est une chose qui fait beaucoup mal aux citoyens. Une Direction censée protéger la population qui se rend finalement complice de meurtre, c’est assez rare pour être souligné. Malheureusement, la DGRE n’est pas à son premier abus de pouvoir, comme le raconte l’avocat Me Christian Bomo Ntimbane qui a l’air de maitriser son sujet.
Il est venu le temps de questionner dans le débat public, les missions réelles de la DGRE. Le meurtre crapuleux du fait d'atroces tortures de notre compatriote, le journaliste Martinez Zogo par des responsables et éléments de Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), oblige tous les Camerounais épris de liberté et de démocratie, à questionner courageusement et à mettre enfin dans le débat public le rôle, les missions et l'utilité véritable de ce service de renseignement sur des questions relevant de la sécurité extérieure de l'État du Cameroun.
Cette structure qui a porté autrefois les noms de Service d'études et de documentation (SEDOC), Direction générale des études et de la documentation (DIRDOC), Centre national des études et de la recherche (CENER) est apparue depuis les indépendances comme une terreur, une police politique et un instrument de torture des hommes politiques camerounais, aspirant à la démocratie, dénonçant la mal gouvernance, les dérives dictatoriales et de tous ceux qui ont eu des ambitions politiques sérieuses d'alternance au sommet de l'État.
À cause de ses méthodes de torture inhumaines et dégradantes, souvent décriées par les hommes politiques de toutes époques, de nombreux Camerounais qui aspiraient à la démocratie et à la liberté, ont été contraints de prendre les chemins de l'exil. D'autres y sont morts et enterrés loin de leurs familles.
Il existe à Conakry en Guinée, à Accra au Ghana des cimetières dédiés aux nationalistes camerounais qui fuyaient le SEDOC et la DIRDOC. Alors qu'on avait cru cette époque révolue avec l'avènement de la démocratie, de nombreux Camerounais pour des accusations n'ayant souvent aucun rapport avec le renseignement extérieur ou le contre-espionnage ont souvent été convoqués à répondre, hors la présence de leurs avocats à des interrogatoires musclés, violents et intimidants dans les services du CENER devenu DGRE.
Il nous souvient qu'en 2004, l'avocat camerounais maître Barnabé Nekui avait failli perdre la vie dans les locaux de la DGRE à Douala parce qu'il s'y était rendu pour assister un de ses clients interpellé et séquestré à la suite d'un différend amoureux avec une jeune dame.
Il avait été torturé et enfermé menotté des heures durant dans une cellule infeste alors qu'il saignait de partout. N'eût été la mobilisation sans précédent des avocats à Douala, au camp de gendarmerie de Mboppi où se situaient les locaux de ce service, notre confrère ne serait plus de ce monde.
C'était aussi le cas du journaliste Bibi Ngota qui après avoir écrit un article sur une opération supposée floue d'achat d'un navire impliquant l'actuel ministre de la Justice, alors secrétaire général à la présidence de la République Laurent Esso, sera convoqué à la DGRE, y séjournera durablement, puis transféré à la prison centrale de Yaoundé dans un état lamentable, où il mourut quelques jours après.
Pourtant dans ses textes organiques, la DGRE est un service public dédié au renseignement extérieur dans le but d’accompagner tant le président de la République dans sa mission constitutionnelle de garant de l'intégrité du territoire et de l'État dans celle de protection des personnes et de leurs biens. D'où la surveillance des frontières, l'intelligence économique...
La DGRE est l'équivalent aux États-Unis de la CIA et en France de la DGSE dont les missions sont essentiellement tournées vers l'extérieur ou ayant des relations avec l'extérieur. À cet effet, qu'est-ce que la DGRE avait à faire avec les dénonciations internes du journaliste Martinez Zogo sur la gestion des fonds publics ?
Il est maintenant venu le temps des clarifications de ses missions. Les filatures, enlèvements et exécutions sommaires des citoyens camerounais ne sauraient être acceptées ou tolérées d'aucune façon. Notre pays dispose d'un arsenal juridique pour interpeller, arrêter et juger dignement tous ceux qui enfreignent aux lois de la République.
Nous ne saurons prétendre à une vie liberté dans un pays où existe encore la tradition des barbouzes, des services secrets aux méthodes surannées, épiant et semant la peur. Il est venu le temps de rappeler et de ramener la DGRE strictement à ses missions extérieures ou en relation avec elles.