Actualités of Saturday, 20 October 2018

Source: camerounliberty.com

Crise anglophone: retour sur le cauchemar des déplacés

Témoignage de Élisabeth et ses enfants qui ont fui les violences à Bamenda play videoTémoignage de Élisabeth et ses enfants qui ont fui les violences à Bamenda

Deux après le début de la crise, au moins 200.000 personnes ont fui les violences qui secouent les deux régions anglophones du Cameroun, dont plus de 40.000 réfugiées au Nigéria. Les déplacés internes sont notamment présents à Yaoundé. Ils trouvent refuge chez des proches et doivent réapprendre à vivre.

Au lieu-dit «Damas», à la périphérie de Yaoundé, un quartier réputé abriter une forte communauté d’anglophones. C’est là que nous avons rencontré Élisabeth Tchamo, l’une des nombreuses anglophones qui se sont réfugiées dans la capitale suite aux violences qui frappent les régions anglophones du Cameroun depuis deux ans.

Élisabeth et ses enfants ont fui les violences à Bamenda, dans le nord-ouest du Cameroun et ont posé leurs valises chez l’un de leurs proches.

«J’ai quitté mon village parceque c’était dangereux là bas. Nous vivons une crise là-bas avec au quotidien des coups de feu et des gens qui sont tués. C’est très effrayant et j’ai décidé de partir de là pour éviter les problèmes. Ce qui me faisait vraiment peur, ce sont les coups de feu entendus tous les jours», témoigne cette déplacée de guerre au micro de Sputnik.

Élisabeth Tchamo



Interview d’Elisabeth Tchamo sur les raisons de son départ Élisabeth vient du village de Bambili, une localité située à 30 km de Bamenda, l’épicentre de cette crise,qui met aux prises le gouvernement francophone de Yaoundé avec des groupes rebelles, dont les Forces de défense de l’Ambazonie(ADF) anglophone, un mouvement de plus en plus ouvertement sécessionniste. Avant de s’enfuir de sa région, la dame était encore il y a quelques semaines vendeuse de primeurs au marché de sa localité. Aujourd’hui, elle se sent inutile et a du mal à s’adapter:

«Comme vous voyez, nous sommes nombreux dans la maison. Tous les jours, je dois me contenter des taches ménagères. C’est dur de ne plus faire ce que je faisais et en plus je suis malade.»



Scène de vie de déplacés à YaoundéSur la véranda qui bruisse de voix d’enfants, le propriétaire de la maison, qui n’a pas voulu décliner son identité et que nous allons appeler Pierre pour la circonstance, avoue avoir du mal à joindre les deux bouts. Il doit désormais nourrir 11 personnes au quotidien.

«En plus de ma femme et de mes enfants, il y a six déplacés, dont quatre viennent du Nord ouest et deux du Sud ouest. Ce n’est pas facile, ce sont les membres de ma famille qui viennent. Ils vivaient en danger là-bas. Avant, je pouvais m’occuper de ma famille, mais financièrement, j’ai du mal à m’en sortir maintenant.»

Cette crise, Pierre la vit dans sa chair. Depuis le début des violences, il confie avoir perdu huit proches dans des circonstances macabres:

«J’ai perdu cinq membres de ma famille, abattus par l’armée et les autres sont tombées pendant les manifestations et comme on n’avait pas de moyensde les prendre en charge, ils sont décédés.»

La situation pousse de nombreux résidents à quitter ces régions pour les villes situées en zone francophone. Non loin du premier domicile, Godlove, un autre déplacé a vécu l’horreur dans son village. Lui qui espérait un retour rapide à la normale a dû prendre la route après une nuit tragique.

«Cette nuit-là, il yavait des combats entre les ambazo et l’armée. On entendait des coups de feu partout. J’ai des voisins qui ont reçu des balles perdues. Nous avons fui vers la forêt pour nous protéger et le matin, j’ai finalement décidé de partir.»

Il y a trois mois à peine, Godlove s’occupait encore de ses plantations. Cet agriculteur erre à longueur de journée dans les rues du quartier, dans l’espoir de retrouver un jour ses terres. Il a dû envoyer sa femme et ses trois enfants au domicile d’un proche à Douala.

«Je vis ici chez mon cousin. Je ne travaille pas, je passe mes journées là à discuter avec les voisins. C’est dur, parce que je ne suis pas à habitué à la vie de la ville. Au village au moins, je me battais et je pouvais nourrir mes enfants.»

L’escalade de la violence et la multiplication des foyers d’affrontement entre forces de l’ordre et bandes armées dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest ont gravement affecté les populations.

C’est le 1er octobre 2017 que le leader indépendantiste Julius SisikuAyuk Tabe déclarait symboliquement l’indépendance de la république fantôme de l’Ambazonie. Un an plus tard,le conflit s’est enlisé et menace de se transformer en guerre civile. L’International Crisis Group plaçait encore ce conflit parmi les sept priorités de l’union africaine en 2018.Alors que leCameroun est déjà mobilisé par la lutte contre BokoHaram dans l’Extrême-Nord et contre les milices de la République centrafricaine à l’Est, l’organisme précisait dans un rapport que «L’UA et les autres acteurs internationaux devraient encourager le gouvernement et les militants anglophones à s’engager sur la voie du dialogue».

Pour explorer une sortie de crise, des représentants religieux annoncent une conférence générale anglophone les 21 et 22 novembre prochain, à Buea dans la région du sud Ouest Cameroun.