Actualités of Tuesday, 25 October 2022

Source: Le Messager

Ferdinand Ngoh Ngoh : 'On m'appelle délinquant'

Généralement on l’implémente aux dangereux délinquants qui veulent se soustraire à la justice. Généralement on l’implémente aux dangereux délinquants qui veulent se soustraire à la justice.

La mesure judiciaire prise à l’encontre du ministre d’Etat/Secrétaire général de la présidence de la République est l’une des plus graves, des plus sévères, et des plus brutales que l’on applique aux justiciables qui refusent de répondre à une convocation de la Justice. Généralement on l’implémente aux dangereux délinquants qui veulent se soustraire à la justice.

Retour sur une affaire cocasse qui trouble le landerneau politique camerounais. Bien que le régime de feu le président El Hadj Amadou Ahidjo ait été jugé à tort ou à raison comme étant brutal et autoritaire, jamais on avait enregistré une telle réverbération où la Justice en vient à délivrer un mandat d’amener à l’encontre d’un ministre d’Etat, qui plus est, le plus proche collaborateur du président de la République en pleine fonction. Ce que l’opinion nationale et internationale vit depuis quelques jours au Cameroun comme évènement majeur du monde politico-judiciaire, à savoir la délivrance d’un mandat d’amener (la plupart des sources bien introduites contactées par Le Messager indiquent que ce document judiciaire existe effectivement) du Procureur général auprès du Tribunal criminel spécial (TCS) à l’encontre du ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, est assurément une entreprise inédite. C’est comme si à l’époque du président Ahidjo on entendait dire que la justice avait émis un mandat d’amener contre le ministre d’Etat Samuel Eboua, à une certaine époque secrétaire général de la présidence de la République. Chose assez inimaginable en tout cas, le régime d’Ahidjo ayant ses codes de fonctions que celui de son successeur a inéluctablement désactivé.

Face à la justice

Comment en est-on arrivé là ? Comment l’homme considéré comme étant le plus puissant du Cameroun après Paul Biya estil aujourd’hui pourchassé par la Justice camerounaise comme un délinquant avec quasiment sur sa tête une affiche de « Wanted » ? La vie usuelle du fonctionnement du sérail a fait de Ferdinand Ngoh Ngoh un des acteurs clés. Voilà plus de 11 ans qu’il trône à la tête du secrétariat général de la présidence de la République.

Un record jusque-là inégalé pendant les 40 ans que compte l’exercice du pouvoir par « L’Homme du 6 novembre 1982 ». Au cours de ces 11 ans, le natif de l’arrondissement de Minta, dans le département de la Haute Sanaga, région du Centre du Cameroun qui n’avait vraiment pas de faits d’armes dans le système politique dominant au Cameroun a pris le temps de s’affirmer au fil des années. Encore illustre inconnue au début des années 2000, Ferdinand Ngoh Ngoh, diplomate formé à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (Iric) à la fin des années 80 et début des années 90, a bouffi à l’ombre du très controversé Martin Belinga Eboutou, ancien homme de confiance de Paul Biya, qui a occupé diverses fonctions stratégiques telles Directeur du Protocole d’Etat, Conseiller spécial du président de la République, Directeur du Cabinet civil, ou encore Ambassadeur représentant du Cameroun à l’Onu à New-York, aujourd’hui décédé.

Ferdinand Ngoh Ngoh a ainsi travaillé comme diplomate aux côtés de son mentor Belinga Eboutou à la Représentation du Cameroun à l’Onu à New-York pendant un certain nombre d’années, alors que le défunt fils Nkilzok dans l’arrondissement de Zoételé avait quitté ses fonctions de Directeur du Cabinet civil à la présidence de la République du Cameroun. Un ancien membre du gouvernement habitué des voyages présidentiels à destination du pays de l’Oncle Sam se souvient de Ferdinand Ngoh Ngoh : « C’était un jeune homme affable. Lorsque nous arrivions à New-York avec le président de la République Paul Biya, C’est lui qui portait nos sacs et nous installait à l’Hôtel. Il était attachant et plein de respect pour les membres de la délégation présidentielle. Personne n’aurait imaginé qu’il deviendrait plus tard aussi puissant une fois de retour au Cameroun ».

La Task Force explose ?

En tout cas, pour être puissant, Ferdinand Ngoh Ngoh, en plus d’une décennie de présence au très convoité poste de Secrétaire général de la présidence de la République l’est. Il est tellement puissant qu’il peut défier la Justice comme nous l’apprend une chronique de l’actualité brulante. La vérité est que « L’Homme à la punk », comme l’appelle ses détracteurs, semble avoir pris la mesure du pouvoir qui consiste à dire que « un tigre ne joue pas avec sa proie ; il saute sur elle et la dévore ».

Ceux qui ont la compréhension complète de cette maxime contemporaine savent bien que les jeux de pouvoir dans un pays comme le Cameroun dépendent non seulement des soutiens que les différents acteurs en conflits se sont individuellement construits, mais les acteurs passent le temps à s’effrayer mutuellement. Dans une ambiance où le chef de l’Etat du Cameroun semble de plus en plus déclinant, du fait de son âge, les guerriers prédateurs se surveillent et tous prêts à dégainer. Ce que Ferdinand Ngoh Ngoh qui aujourd’hui au Cameroun est l’un des hommes les plus puissants et l’un des plus craints sait très bien est que, sa rapide ascension dans les arcanes du pouvoir, et le lobby qu’il a constitué autour de lui l’a conduit à la prédation des fonds publics. Quand on approche le pouvoir avec le privilège légal d’une expression du genre « sous hautes instructions du Chef de l’Etat », nécessaire on voit l’argent, on veut l’argent et…on prend l’argent. Et à ce propos, peut-on faire aujourd’hui l’audit des différentes rentes qu’ont procurées les différentes Taxes forces placées sur la gestion directe de l’actuel ministre d’Etat secrétaire général de la Présidence de la République ?

Quant est-il des Fonds Covid-19, des fonds alloués à la Task Force pour la Can 2019 qui a connu un glissement ? Que dire des fonds alloués à la préparation de la Can 2022 et dont Ferdinand Ngoh Ngoh était le principal ordonnateur ? Un jour certainement on le saura. Mais dans le cas présent, la Justice veut entendre Ferdinand Ngoh Ngoh. Absolument. Et selon toute vraisemblance, le président de la République, aurait donné son accord pour que la justice fasse son travail. Ce serait véritablement étonnant que des sources proches du ministère de justice en soient si enthousiastes (certains par les magistrats de la chancellerie en sont à frétiller) si cette information n’avait aucun fondement.

Lobby de puissance

Ce que Le Messager croit savoir, avec toutes les nuances informationnelles possibles, c’est que selon des sources généralement bien informées, le ministre d’Etat SGPR a été invité par le chef de l’Etat à répondre aux enquêteurs de Corps spécialisé des enquêteurs du Tribunal criminel spécial. Vraisemblablement, c’était une instruction du président de la République. Les mêmes sources indiquent qu’il aurait refusé de répondre aux questions écrites qui lui ont été envoyées. Un compte rendu aurait été fait au ministre de la justice garde des sceaux (dont on sait que de nombreux points de divergences l’opposeraient à l’actuel SGPR), qui aurait alors informé le Chef de l’Etat.

Du coup, l’affaire se serait emballée en fin de semaine dernière. Jusqu’à ce qu’on entende qu’il existe un mandat d’amener contre Ferdinand Ngoh Ngoh délivré par le Procureur général auprès du TCS. Peut-on vraiment croire que si par extraordinaire ce mandat d’amener existerait, sa genèse ne se trouverait-elle pas au troisième étage du Palais de l’Unité ? Maintenant si tel est le cas, sentant vernir à tort ou à raison sa chute, Ferdinand Ngoh Ngoh, désormais traité comme un délinquant, va essayer forcément de jouer les jeux de pouvoir. En agitant son lobby de puissance, de la cuisine présidentielle en passant par ses amis spécialistes de la sécurité. Jusqu’à quand ? Difficile à savoir. Mais il faut toujours se rappeler une maxime que les connaisseurs du biyaïsme agitent face à ceux qui semblent croire qu’ils sont puissants aux côtés de « L’Homme du 6 novembre 1992 ». A savoir que, « ce n’est pas parce qu’on a vu les dents du Lion qu’on doit croire que le Lion rit ». Chaud devant !