Actualités of Wednesday, 12 October 2022

Source: www.camerounweb.com

Lignes 65 et 94 : la culpabilité des cadres établie, nouvelle opération Epervier

Lignes 65 et 94 Lignes 65 et 94

L’audit des lignes 94 et 65 est le sujet de l’heure au Cameroun. Tout le monde en parle. L’avocat Me Christian Bomo Ntimbane estime, preuves à l’appui, que c’est une procédure totalement « irrégulière ». Il l’explique sur les réseaux sociaux dans un texte.

Audit des chapitres ou "lignes" 94 et 65 du budget de l'Etat par le contrôle supérieur de l'Etat : une procédure totalement irrégulière

Nous tenons à rappeler que cette analyse est celle d'un membre de la société civile, soucieux du respect des règles établies dans son pays.

Il ne s'agit point d'une défense quelconque des personnes ayant procédé à la spoliation des deniers et biens publics.

Un pays ne peut pas se développer en violant et méprisant les règles établies.

Nous nous sommes donné pour mission d'y veiller quelque soient les sensibilités de l'opinion publique majoritaire.

Ceci rappelé, les missions d'audit du contrôle supérieur de l'Etat des comptes de l'Etat notamment des chapitres Dépenses communes 65 et 94 du budget de l'Etat sur des périodes 2010-2021 sont irrégulières.

En ce qui concerne spécifiquement les exercices 2018 à 2021

Le Cameroun a adopté la loi 2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’Etat, pour organiser les mécanismes de gestion et de contrôle des comptes, dépenses et recettes de l'Etat.

Ainsi, il ressort de l'article 83 de la loi susvisée que les mécanismes de contrôle des comptes publics sont de trois ordres : administratif donc le Consupe, parlementaire et juridictionnel avec la chambre des comptes de la Cour suprême.

Les résultats de tous ces contrôles sont contenus dans une loi de finances appelée loi de règlement :

Article 20 :

"La loi de règlement est la loi de constatation de la dernière loi des finances. A ce titre, elle arrête les résultats de la comptabilité budgétaire et la comptabilité générale de l'exercice considéré et donne quitus au gouvernement."

Article 21 :

"Sont joints au projet de règlement

- Des annexes explicatives, développant pour chaque ministère ou Institution par programme ou dotation, le montant définitif des crédits ouverts et des dépenses constatées.

- Un rapport de la juridiction des comptes sur l'exécution de la loi des finances accompagné d'une certification de régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'État."

Il faut noter que la comptabilité budgétaire comme indiqué à l'article 73 :

"retrace les opérations d'exécution du budget de la phase d'engagement à la phase de paiement."

En effet à la fin de l'exécution annuelle du budget de l'Etat, le parlement se réunit pour contrôler l'exécution du budget de l'État de l'année précédente Année N-1.

A l'issue de ce contrôle, le parlement donne une sorte de quitus à l'Etat en adoptant la loi de règlement.

Cet acte consacre la fin de différents contrôles de l'exécution du budget. Plus précisément pour les exercices 2018 à 2021.

- En ce qui concerne particulièrement les exercices de 2010-2017

Il faut noter qu'avant l'adoption de la loi de 2018 sur le régime financier de l'Etat, il revenait déjà à la chambre des comptes de la Cour Suprême de contrôler la légalité financière et la conformité budgétaire de toutes les opérations de dépenses et de recettes de l'Etat.

Ainsi aux articles 2, 4 et 91 de la loi de 2003 portant création et organisation de la Chambre des comptes les contrôles qu'elle effectue acquiert autorité de chose jugée. Ce sont des arrêts ayant valeur de décision de justice.

Article 2 :

"La Chambre des comptes contrôle et jugé les comptes ou les documents en tenant lieu de comptables publics patents, ou de fait de l'Etat"

Article 4 :

"La chambre des comptes rend sur les comptes qu'elle est appelée à juger des arrêts qui établissent si les comptes jugés sont quittés, en avance ou en début.
Article 91 :

"(1) Les décisions de la juridiction des comptes prises en application des articles 86 à 89 ci- dessus, sous réserves de l'épuisement des voies de recours, exécutées de plein droit.

(2) Aucune autorité ne peut y faire obstacle."

Le problème juridique qui se pose est celui de savoir, si après une loi de règlement et le quitus de la Chambre des comptes, le CONSUPE peut encore réexaminée et auditée les comptes que ces institutions ont déjà examinés, sans porter atteinte au sacro- saint principe de la séparation des pouvoirs ?

Il s'évince de droit que le CONSUPE n'a aucun pouvoir d'auditer les comptes publics après qu'ils ont été contrôlés, vérifiés et certifiés par la chambre des comptes et le parlement.

C'est comme si le pouvoir exécutif venait à remette en cause le travail judiciaire et parlementaire.

Si des anomalies ont été constatés dans la gestion des chapitres et lignes budgétaires afférents 65 et 95, la loi a prévu des procédures :

Article 37 de la loi 2003 de la Chambre des comptes :

"Si l'instruction ou l'examen des comptes fait apparaître des faits susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale, le procureur général près la Cour suprême informé le ministre en charge des finances... Le dossier est transmis au ministre de la justice par le procureur général auprès de la Cour Suprême. Cette transmission vaut plainte au nom de l'État."

Certains observateurs feront valoir que les détails de l'utilisation des "lignes" 65 et 94 ne sont pas souvent détaillées devant le parlement et la chambre des comptes.

Il faut considérer tout simplement que ces institutions ont validé cette manière d'exécuter le budget de l'État. C'est de leur droit.

Il ne revient pas au CONSUPE de sanctionner leurs supposés manquements en ouvrant à nouveau les dossiers qu'elles ont examinés et classés.

CONCLUSION : Sur le strict plan du droit, les missions d'audit en cours des fameuses "lignes", initiées par le CONSUPE, après des décisions de justice de régularité budgétaire des exercices de 2010 à 2017, ayant acquis autorité de chose jugée de la Chambre des comptes, et l’adoption des lois de règlement pour les exercices budgétaires de 2018 à 2021, sont une flagrante atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

Le CONSUPE fait un travail d'audit en amont. Il ne lui revient pas de remettre en question les contrôles, validations et certifications judiciaires et parlementaires de la Chambre des comptes et du parlement.