Me Christian Bomo Ntimbane, dans sa rubrique Culture juridique, a indiqué sur les réseaux sociaux que « la loi ne peut pas imposer la condition de trois ans de militantisme dans un parti pour être éligible à la présidentielle ». Lecture !
Un tract devenu viral sur WhatsApp fait état de projets de loi en préparation, selon lesquels certaines dispositions du code électoral seraient modifiées. Le plus curieux de ces prétendues réformes est cette condition d'éligibilité à l'élection présidentielle, qui voudrait que le candidat investi à l'élection présidentielle par un parti politique ait milité pendant trois ans dans ce parti.
Il s'agit là d'une impertinence notoire. En effet, les conditions d'investiture des candidats par les partis politiques aux élections relèvent uniquement de la vie interne de ces partis, notamment de leurs statuts. Ainsi, sur quel fondement une loi viendrait-elle modifier les statuts de partis politiques ?
Les statuts étant par essence l'expression de la volonté des membres à s'associer, à s'unir, en se fixant eux-mêmes leurs règles de fonctionnement pour mener une activité. Venir imposer à une association d'investir ou non tel candidat parce qu'il n'a pas milité depuis trois ans, c'est tout comme si on venait à imposer des noms de militants dans ce parti ou même déterminer les fonctions et rôles des membres. Ce qui serait grotesque, ubuesque.
Une telle interférence de la loi dans le fonctionnement interne des partis politiques remettrait alors totalement en question le fondement et la nature même de la notion d'association, qui se veut être l'expression de la liberté fondamentale de se réunir. C'est-à-dire une flagrante atteinte à la liberté de réunion protégée par la Constitution.
Aussi, faut-il rappeler que la loi ne rétroagit pas. Car il est de jurisprudence établie que les situations de droit créées par des lois ou dispositions antérieures ne peuvent être modifiées, annulées ou remises en cause à la suite d'un changement de réglementation. C'est la théorie des droits acquis.
Une nouvelle loi ne saurait donc changer les dispositions des statuts qui ont consacré des droits acquis au profit de ces membres. Dès lors, en vertu de cette théorie des droits acquis, chaque parti qui voudrait investir un candidat pourra signifier que le choix de leur candidat à l'élection présidentielle de 2025 avait déjà été fixé par ses statuts avant l'adoption de la nouvelle réglementation.
Je tiens à rappeler que c'est au bénéfice de cette théorie des droits acquis et de son fondement de la non-rétroactivité des lois que le président Paul Biya lui-même avait pu candidater à l'élection présidentielle de 2011, alors qu'il aurait pu être frappé d'inéligibilité par la Constitution de 1996, qui limitait à deux le nombre de ses mandats présidentiels.
Sur le plan purement politique, c'est-à-dire sur le terrain politique, une telle approche viserait aussi à empêcher de facto une éventuelle candidature de monsieur Emmanuel Franck Biya, qui a récemment et publiquement, au cours d'une réunion au Sud de la France, pris une carte d'adhésion au RDPC. Peut-être serait-ce le but recherché par les penseurs de cette absurdité juridique ?
In fine, il ressort clairement que cette démarche antidémocratique qui serait sortie de l'imagination fertile des cabinets noirs des fossoyeurs de la démocratie camerounaise, même si elle était adoptée, serait juridiquement inopérante. Rien ne pourrait donc empêcher sur le strict plan du droit les partis politiques de désigner des candidats de leur choix, et à leurs seules conditions, à l'élection présidentielle de 2025.
Au lieu d'imaginer des subterfuges visant à éliminer injustement de potentiels candidats à l'élection présidentielle, la réflexion devrait plutôt être portée sur la mise en place de mécanismes de transparence électorale qui auront le mérite d'éviter le chaos politique dans notre pays en 2025.