Le chef de l’Etat camerounais est arrivé aux Etats-Unis le 11 décembre dernier dans un contexte particulier, marqué par l’inculpation de trois Américains d’origine camerounaise par un grand jury fédéral de l’Etat du Missouri pour association de malfaiteurs en vue de fournir un soutien matériel à des enlèvements et à l’usage d’armes de destructions massive dans un pays étranger. Un véritable soutien dans la guerre qui secoue les régions anglophones du Cameroun.
Au-delà du folklore qui a entouré l’arrivée du président Paul Biya aux Etats-Unis le 11 décembre dernier, les Camerounais auront les yeux rivés sur les travaux qui vont mettre en scène le président américain, Joe Biden et les chefs d’Etats africains. Cette rencontre qui débute officiellement le 13 décembre prochain sera consacrée certainement à la sécurité alimentaire - aggravée par la guerre en Ukraine -, au changement climatique, mais aussi à la démocratie et à la gouvernance. Tenu pour la première fois en 2014 sous ère Obama, cette deuxième rencontre initiée par l’actuel occupant de la Maison blanche, après la période creuse marquée par le désintérêt de Donald Trump vis-à-vis de l’Afrique, sera l'occasion d'annoncer de nouveaux investissements entre les États-Unis et les pays membres de l’Union africaine, exception faite du Burkina Faso, de la Guinée, du Mali et du Soudan.
Parmi les invités figure en première ligne le chef de l’Etat camerounais qui, après l’escale suisse, a rejoint Washington le 11 décembre dernier. Il arrive dans ce pays dans un contexte particulier, marqué par l’inculpation de trois Américains d’origine camerounaise par un grand jury fédéral de l’Etat du Missouri pour association de malfaiteurs en vue de fournir un soutien matériel à des enlèvements et à l’usage d’armes de destructions massive dans un pays étranger. Un véritable soutien dans la guerre qui secoue les régions anglophones du Cameroun. Une actualité qui, de l’avis de certains observateurs de la scène socio-politique camerounaise, apparaît comme un dégel dans les relations entre les deux pays.
On se rappelle en effet que Tibor Nagy, alors sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines de Donald Trump, avait passé le clair de son temps a tancé vertement le gouvernement camerounais dans la gestion de la crise anglophone. Selon lui, se souvient-on, dans « cette crise les anglophones gagneront leurs droits, soit dans une véritable fédération, soit dans un Etat de rupture. Qu’il s’agisse de semaines, de mois, d’années ou de décennies, cela viendra. Le gouvernement camerounais devrait reprendre ses esprits… » disait-il.
Avec l’inculpation de Claude N. Chi, Francis Chenyi et Lah Nestor Langmi, par un grand jury fédéral de l’Etat du Missouri, les Etats-Unis ont-ils décidé d’apporter leur soutien au gouvernement camerounais ? Assurément ! Bien que cela ne soit pas officiel, certaines sources laissent croire qu’il pourrait avoir un tête-à-tête en marge de ce sommet, entre le président Paul Biya et son homologue américain, Joe Biden à la Maison Blanche. Les deux présidents devraient donc s’entretenir sur la crise anglophone qui perdure depuis bientôt six ans.
Biden rompt avec le désintérêt de Trump
« J’attends avec intérêt de travailler avec les gouvernements africains, la société civile, les communautés de la diaspora aux États-Unis et le secteur privé pour continuer de renforcer notre vision commune de l’avenir des relations américano-africaines », a déclaré le chef de l’exécutif américain. Comme l’a souligné le secrétaire d’État Antony Blinken lors de son déplacement en Afrique en août, le continent « a façonné notre passé, façonne notre présent et façonnera notre avenir ». Joe Biden, chantre du multilatéralisme, entend replacer l'Afrique au cœur de la diplomatie mondiale. Une position qui vient ainsi mettre fin au désintérêt pour le continent africain de l'ancien président Donald Trump qui n’en faisait pas mystère.
Le sommet comprendra des sessions qui porteront sur les thèmes suivants : la diaspora et les jeunes leaders africains ; la santé mondiale et la sécurité alimentaire ; le changement climatique et l’énergie ; et les investissements dans les infrastructures.
Au cours de l’U.S.-Africa Business Forum qui se tiendra pendant cette grand-messe, les chefs d’État africains et des responsables américains et africains des milieux d’affaires et des pouvoirs publics discuteront des moyens de faire progresser des partenariats mutuellement bénéfiques pour créer des emplois et stimuler une croissance inclusive et durable. Lors du sommet, Joe Biden fera certainement la promotion des partenariats et des investissements stables et fiables que les États-Unis ont à offrir et qui permettent aux entreprises d’Afrique et des États-Unis de prospérer. Depuis juin 2019, le gouvernement américain a aidé à conclure plus de 800 accords de commerce et d’investissement bilatéraux concernant 45 pays africains, d’une valeur estimée à 50 milliards de dollars en exportations et en investissements.
L’actuel dirigeant américain soutient notamment l'idée d'un siège pour l'Afrique au Conseil de sécurité de l'ONU, a indiqué un conseiller présidentiel. Lors de l'Assemblée générale des Nations unies en septembre, Joe Biden avait par ailleurs soutenu la revendication de sièges permanents au Conseil de sécurité pour l'Afrique et l'Amérique Latine. « Cette décennie sera décisive. Et les années à venir vont déterminer la manière dont sera réorganisé le monde», a affirmé le « Monsieur Afrique » du Conseil de sécurité nationale, Judd Devermont. Proche de l’exécutif américain, il souhaite souligner que l'administration Biden « croit fermement que l'Afrique aura une voix déterminante».
Pour une intégration de l'UA au G20
Joe Biden va aussi défendre, lors de ce sommet, l'idée d'une intégration de l'Union africaine au G20. À ce jour, le groupe rassemble 19 des économies les plus avancées au monde, ainsi que l'Union européenne. Le dirigeant américain veut ainsi renforcer le rôle joué par le continent, a indiqué la Maison Blanche.
« Il est plus que temps que l'Afrique ait des sièges permanents à la table des organisations et initiatives internationales », a affirmé Judd Devermont. Selon lui, « nous avons besoin de davantage de voix africaines dans les conversations internationales à propos de l'économie mondiale, la démocratie et la gouvernance, le changement climatique, la santé et la sécurité ».
Il a indiqué que les États-Unis évoqueraient le rôle de l'Union africaine avec l'Inde, qui présidera le G20 en 2023. L'Afrique du Sud est actuellement le seul pays africain à figurer au G20, né dans sa forme actuelle lors de la crise financière de 2008.
La « stratégie Afrique » de Biden face à la Russie et la Chine
Le sommet intervient dans le sillage d'une nouvelle stratégie « Afrique » dévoilée l'été dernier. Cette méthode portée par Joe Biden prévoit notamment une refonte de la politique des États-Unis en Afrique subsaharienne, pour y contrer la présence chinoise et russe. Lors d'une tournée en Afrique cet été, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken avait appelé à créer un «véritable partenariat » avec l'Afrique.
Ces déclarations viennent en réponse aux investissements chinois et russes sur le continent africain ces dernières années. La Chine est le premier créancier mondial des pays pauvres et en développement et investit massivement sur le continent africain, riche en ressources naturelles. De même, la Russie y a fortement augmenté sa présence et cultive des liens étroits avec certaines capitales, notamment celles qui avaient décidé début mars de ne pas apporter leurs voix à une résolution des Nations unies condamnant l'invasion de l'Ukraine, gros point de tension avec les États-Unis.