Nkol-Kondi est calme et silencieux. La localité est jonchée de chantiers, constructions de petites habitations éparses. La route principale présente une physionomie de nouveauté. Cette route, qui est en fait un chemin de campagne, Martinez Zogo l'a empruntée tous les jours durant les 3 années qu'il a passées dans ce village. Une voisine qui connaissait ses mouvements témoigne : « Il sortait de chez lui très tôt le matin, il rentrait dans la nuit ». Cette voisine, la plus proche de sa résidence rajoute : « Nous n’arrivons pas à trouver le sommeil depuis l’annonce de sa mort. Des visiteurs ne cessent d’aller et de venir se recueillir chez lui. Nous sommes tous choqués de ce qui lui est arrivé. Nous prions que justice soit faite. »
Peur et psychose
Lorsque le nom de Martinez Zogo est prononcé à un passant pour demander par exemple une indication qui vous conduirait à son domicile, votre interlocuteur sursaute de peur. Il vous répond discrètement et à voix basse, après avoir promené son regard autour de lui, comme pour se rassurer qu’il n'est ni suivi, ni écouté. Dans ce petit village de Nkol-Kondi où Martinez Zogo avait élu domicile, beaucoup de personnes ne veulent plus parler de lui. La peur et la psychose se sont emparées de tout le monde.
Du quartier Ngousso à celui dit « Fougerolles » où sont collectées les premières informations pour se rendre au domicile de Martinez Zogo, de nombreuses personnes vous répondent furtivement, pour ensuite prétexter qu’elles ignorent la résidence du disparu. D'autres, pour se débarrasser de vous, disent en passant : « Sa maison se trouve à Soa ».
À 3 maisons de celle de Martinez Zogo, deux jeunes dames nous décrivent un homme courtois au look vestimentaire assez particulier : « J’aimais le voir passer avec sa manière de se vêtir que je trouvais spéciale. Quelque fois, il nous arrivait d’échanger des salutations au passage, mais pas plus. Il était assez réservé, discret à la limite. Il était toujours en mouvement », reconnait l’une des dames.
Protection et sécurité
Un homme rencontré à Nkol-Kondi raconte : « Un matin, il était à bord de mon taxi. Je ne savais qui était-il jusqu’à ce qu’il s’emporte du comportement d’un policier sur la route. Il se mit subitement en colère. Il dit : Il va me voir », se souvient ce conducteur, tout en poursuivant la route.
« Ce n’était pas un homme qu’on voyait en train de partager des boissons, des petites choses, ou de la nourriture avec des copains. Peut-être était-il prudent ou tout simplement très réservé ? » S’interroge sa voisine avec tristesse. Dans la cour et à l’intérieur de sa maison, les chaises sont empilées. Cela révèle qu'en journée ou en matinée, beaucoup de personnes viennent en ces lieux pour se recueillir. La photo de Martinez Zogo est postée dans un coin du salon, juste à l’entrée. Assise sur un petit matelas à même le sol, sa compagne « fait le deuil » comme cela est de tradition dans nos coutumes avant l'enterrement. Elle ne serre pas la main des visiteurs. Ses cheveux sont recouverts d'un foulard. Elle répète sans cesse qu'elle a besoin de protection et de se sentir en sécurité.
Elle souhaite que justice soit faite pour la mémoire de celui avec qui elle a partagé des années de vie commune. « Je ne fermerai les yeux que lorsque moi et la famille de Martinez seront protégés », affirme-t-elle.
Milieu pivot
En marge de son travail à la radio, les dimanches matin, comme cela se fait dans de nombreux quartiers de Yaoundé, Martinez Zogo avait son club « 2-0 » baptisé « Bon vieux temps ». Les matchs se disputent sur des petits terrains dans le voisinage du stade Omnisports au quartier Mfandena. Les membres de « Bon vieux temps » sont : journalistes, employés du secteur privé, cadres d'administration ... Martinez Zogo évoluait au poste de "milieu pivot". Un de ses coéquipiers commente : « Quand il touche à la balle, on se rend compte qu'il n'a rien perdu de son talent de bon joueur ». Nous retrouvons par hasard Pascal Pierre à la résidence du défunt. Cet animateur des premières heures à la Crtv télé naissante est aussi un ami de longue date de Martinez. Il est venu soutenir la famille attristée : « Martinez n’est pas mort pour rien. Sa mort va permettre de changer beaucoup de choses au Cameroun. Il va devenir un martyr ; il mérite que son histoire soit enseignée à l’école », affirme-t-il. Selon Pascal Pierre, « Martinez était un homme fier et courageux. Il ne consommait pas d’al- cool ; il était toujours lucide », révèle- t-il.
Le corps mutilé de Martinez Zogo, chef de chaîne de la radio Amplitude Fm, avait été retrouvé samedi 21 janvier 2023 à Ebogo III, une banlieue-nord de la ville de Yaoundé. Depuis ce jour-là, la peur et la psychose se sont installées dans les esprits de ses riverains. Le monde entier s’indigne de ce crime monstrueux.