Aujourd’hui basé à Paris (France), l’ancien athlète connait bien le landerneau sportif de son pays pour avoir participé aux jeux scolaires, universitaires et même fédéraux avec l’équipe nationale du Cameroun d’athlétisme. Il revient sur les raisons motivent les athlètes camerounais à prendre la poudre d’escampette au cours d’une compétition internationale et ébauche une esquisse de solutions pour combattre ce malaise
Quel regard portez-vous sur la situation actuelle qui a vu des athlètes camerounais s’évanouir dans la na- ture lors des Jeux du Commonwealth ?
C’est toujours une grande perte pour le mouvement sportif national. En plus de cela, il y a des risques et des incertitudes à gérer pour l’athlète qui s’engage dans cette voie. Car, le suivi qu’on lui offre au pays ne tient pas souvent de son potentiel et la vision à long terme sur la carrière du sportif et des résultats meilleurs qu’il serait capable de produire si on lui apportait tout le soutien qu’il faut dans d’autres pays du même niveau que nous.
Qu’est-ce qui peut motiver un athlète à s’enfuir et à s’installer dans un pays qu’il ignore ?
Les mauvaises conditions d’entrainement, de prise en charge de l’athlète, les rapports parfois conflictuels qu’entretiennent certains d’entre eux avec des dirigeants de leurs fédérations respectives, sans oublier certains fonctionnaires au niveau du Comité national olympique et sportif 2003. Médaillé d’or aux jeux universitaires.
Pourquoi cette recrudescence des fugues ?
La principale raison, c’est parce qu’il n’y a pas un statut des sportifs de haut au Cameroun. Le sport étant considéré par- fois aux yeux de ceux qui dirigent comme un loisir et non comme quelque chose qui peut apporter de la valeur ajoutée si on mettait un investissement conséquent. Regardez ce qui se passe avec les compétitions de la Fédération nationale des jeux scolaires (Fenasco), les jeux universitaires ! Rien n’est fait pour évaluer l’organisation de ces évènements. L’encadrement des sportifs durant ces manifestations est déplorable. Malgré l’organisation de ces jeux, il n’y a aucun suivi. Raison pour laquelle vous constatez que le Cameroun ne dispose d’aucune équipe nationale scolaire ou universitaire dans aucun domaine. Je peux simplement dire qu’au Cameroun, les sportifs sont des esclaves et les dirigeants parfois les maitres qui n’ont pas de considération pour la valeur du travail et les services rendus par les sportifs à la nation.
Parlez-nous de votre expérience en tant qu’athlète ayant longtemps défendu les couleurs du Cameroun dans les compétitions internationales…
Mon expérience en tant qu’international camerounais est à l’image de tout ce que j’ai évoqué plus haut. Pendant plu- sieurs années, j’ai été l’un des meilleurs sprinteurs du Cameroun tant aux jeux universitaires que fédéral. Mais durant ma carrière, je n’ai pas pu bénéficier d’un stage de perfectionnement, ni d’une bourse. Mais, j’ai vu des athlètes moins performants que moi du fait de leur proximité soit avec des dirigeants fédéraux, soit avec ceux du Cnosc, bénéficier de ce privilège. Le comble c’est de voir un dirigeant du Cnosc forcer son fils à faire de l’athlétisme alors que celui-ci n’est pas performant, juste pour lui octroyer une bourse pour le Canada pendant quatre ans, au détriment des plus méritants qui peuvent faire retentir l’hymne du Cameroun lors des compétitions internationales. J’avais été mis hors de l’équipe nationale pendant une durée de trois ans juste pour avoir ré- clamé mes primes après un meeting à mauvais souvenirs, car j’avais les capacités de porter haut le drapeau de mon pays. La preuve : Idrissa Adam pour qui j’ai beaucoup d’estime et avec qui je partageais la place sur le podium du sprint pour avoir eu la chance de décrocher une bourse du côté de Dakar au Sénégal a pu établir le nouveau record du 100 mètres au Cameroun grâce à cet encadrement et à ce suivi de pointe.
En tant qu’ancien athlète, quelles solutions préconisez-vous pour endiguer le mal ?
Il faut qu’on donne aux sportifs la place qu’ils méritent et que les dirigeants sachent qu’au-delà de l’aspect ludique et loisir, il y a une grande industrie créatrice de valeurs ajoutées qui peut être mise en place à travers le sport en associant les sportifs, les industriels pour le financement et l’Etat pour légiférer et donner une vision claire du statut de sportif, du suivi des sportifs du niveau scolaire jusqu’au ni- veau universitaire en offrant des bourses qui permettront aux sportifs de mieux se prendre en charge afin de produire les résultats qu’on voit des pays de même niveau et parfois moins que nous réaliser. Notre pays est un grand pays de sport, seul l’encadrement et la prise en charge font défaut.