Patrick Mboma fait partie de ces joueurs qui, à un moment ou à un autre, ont marqué l'histoire du football africain. International camerounais, il dispute la Coupe du monde 1998 en France. En 2000 il remporte la Coupe d'Afrique des Nations au Nigeria avant de devenir champion olympique à Sydney, après avoir battu le Brésil en quart de finale, le Chili en demi-finale et l'Espagne en finale.
La même année il est consacré Ballon d'or africain. En 2002 u Mali il récidive avec les Lions Indomptables, conservant le titre africain. Il disputera sa seconde Coupe du monde en 2002. A oublier. Il prend sa retraite internationale en 2004 après l'échec du Cameroun en quart de finale de la CAN face au Nigeria.
Aujourd'hui Patrick Mboma poursuit des études qui l'ont conduit à suivre actuellement toutes les compétitions organisées en Afrique. Cafonline.com vient de le rencontrer.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le programme que vous suivez à l’UEFA ?
Je fais un Master avec l’UEFA, un MBA en sport et Management et Administration du football. C’est la 2ème édition qui a commencé en 2017 et qui se terminera en 2018. Donc dans le cadre de ce MBA, je dois réaliser 3 mois de stage dans une entité où j’aurai un sujet particulier. J’ai choisi un sujet portant sur les compétitions de la CAF. J’ai eu l’honneur et la chance d’avoir l’approbation du Président de la CAF, Monsieur Ahmad Ahmad et du secrétaire général adjoint Anthony Baffoe. Je travaille sur le développement et les compétitions avec le directeur des compétitions Monsieur Samson Adamu. Je réfléchis à un nouveau format des compétitions.
Quelles sont vos premières impressions sur ce que vous avez vu au Caire ?
D’abord, je ne peux avoir qu’une opinion très positive eu égard à la qualité de la réception qui m’a été accordée. J’ai été très agréablement surpris de l’accueil de tout le monde notamment de la part du président, du secrétaire général et de tout le personnel.
Le second point c’est que je ne connaissais pas le bâtiment. Je ne savais pas qu’il était aussi grand, qu’il était aussi bien structuré, même s’il faut augmenter les ressources humaines. J’ai été également surpris par la qualité de la structuration des différentes entités. Je trouve que les conditions de travail que j’ai découvertes sont vraiment de qualité. Donc, j’ai une opinion plutôt positive de tout ce que je côtoie.
Quel est votre avis concernant le centre de commandes des matches (MCC)?
Je suis venu samedi avant de partir voir le match de l’Egypte contre le Niger à Alexandrie.J’ai donc regardé le match du Cameroun contre les Comores au MCC. C’est une très bonne chose. Cela m’a permis de voir ce qui se faisait ici. Donc, pour avoir discuté avec Anthony, il m’a expliqué que ce projet a été voulu et que cela n’existait pas auparavant. J’ai compris que ce centre permettait d’avoir un suivi précis par rapport à l’organisation des matches, le comportement des arbitres et tout ce qui se passe sur le terrain.
Que pensez-vous de l’organisation et de l’administration de la CAF ?
Comme c’est une grosse structure, bien entendu pour moi c’est particulier. Je n’ai pas de critique particulière car je n’ai pas eu l'occasion de connaître personnellement une entité de cette taille.
Comment avez-vous apprécié les résultats du 2e tour éliminatoire de la CAN Total 2019, plus spécifiquement des "petites" équipes ?
C’est difficile. Le Ghana a perdu. Le Cameroun a été tenu en échec. Madagascar qui égalise avec le Sénégal. C’est impressionnant. Je trouve que c’est bien que les petites nations gagnent (pas de façon péjorative mais on sait qu’il y a un classement qui reflète un passé). Les petites nations doivent devenir grandes. En Afrique, on rêve d’un football où tout le monde serait capable de lutter avec tout le monde. Je suis content et surpris que ces nations progressent. Il faudrait que ce soit un signe avant-coureur pour un véritable essor des nations africaines.
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Que pensez-vous des standards et niveau du football en Afrique ?
Il y a des évolutions plutôt positives et d’autres moins. La première des critiques que j’ai à faire concerne le manque de croissance de la qualité des terrains en Afrique. C’est anormal qu’aujourd’hui on ait des terrains qui ne soient pas aux normes. Il faut savoir les drainer, savoir mettre une pente pour l’évacuation des eaux, tondre une pelouse à un certain niveau. Je n’aime pas qu'au niveau supérieur on utilise des terrains synthétiques même s’il y a des raisons économiques.
Oui, il y a des pelouses qui n'ont des pelouses que le nom, et je trouve cela regrettable. Je ne veux pas donner l’impression de chercher des excuses pour les joueurs camerounais mais j’ai vu que les joueurs avaient beaucoup de difficulté technique à opérer sur le terrain aux Comores. Maintenant c’est la même pelouse pour les deux équipes. On a cru voir que les Comoriens étaient plus à l’aise. Ce n’est pas une excuse pour le Cameroun. C’est aux joueurs de s’adapter. Sans dire que c’est marginal heureusement, on a peu de pelouses synthétiques en Afrique.
Que pensez-vous de l’évolution des tactiques de jeu en Afrique ?
Je dirais dans l’aspect le plus global, je pense qu’entre le football des années 80 et le football du 21ème siècle, il y a quand même une évolution réelle. Alors est-ce que c’est une bonne évolution ?
Personnellement, je pense qu’il y a une perte d’identité du football africain. Cela ne veut pas dire que le football africain n’est pas intéressant mais à mon sens le fait d’être entrés dans une ère où la tactique est prépondérante, nous a fait perdre la spontanéité du footballeur africain qu’on sait bon techniquement, bon dribbleur, et qui utilise beaucoup ses qualités athlétiques.
Aujourd’hui, on a de plus en plus adopté le standard européen. On fait bien attention à défendre, à être solide derrière. Il y a une vingtaine d'années et avant, bien sûr, on avait de grands attaquants qui marquaient des buts, qui donnaient de la joie au public et il y avait beaucoup de spectacle.
Comment expliquez-vous cette évolution ?
Je pense qu’il y a deux phénomènes. Nous avons plus de joueurs influents qui évoluent dans des clubs européens. Le deuxième point c'est que nous faisons de plus en plus appel à des techniciens européens. Ils sont sous l'influence de leur culture. C'est un constat.
Avez-vous remarqué une évolution de la qualité des infrastructures en Afrique ?
Pour moi, il y a une progression logique. Pour moi, on partait de zéro donc il était difficile de faire moins bien. Alors, on va aussi dire que le fait de jouer la CAN tous les 2 ans est censé aider à l’amélioration des infrastructures et pas seulement des stades. Ça c’est le point positif. Le point un peu moins positif concerne les stades. Alors que je vais volontairement parler des stades parce que c’est quand même le rayonnement, c’est l’antre du football.
Je pense que les stades sont mal proportionnés. On construit parfois des stades trop grands par rapport à la réalité économique et surtout l’utilisation. Quand on construit de stades qui ensuite sont abandonnés, cela devient un gros problème. Cela peut décourager certaines nations à investir dans des stades qu'ils ne rentabiliseront jamais.
Je pense par exemple au stade d’Oyem à la dernière CAN 2017, qui est aujourd’hui abandonné. C’est beaucoup d’argent jeté par les fenêtres. Je pense qu’il faut penser au moment de la conception du stade, à ce qu'il deviendra après.
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On ne va pas attendre une CAN féminine, un tournoi U17 ou un tournoi U20 qui va faire qu’on va chambouler les choses. Il faudrait qu'il y ait une prise de conscience des Etats sur les investissements à réaliser pour le sport. Chacun doit se convaincre qu’il est possible de bâtir une économie autour du sport et pas seulement autour d’une compétition.
Quel est votre avis concernant les compétitions de la CAF ?
Selon moi, elles ont toutes leur importance et leur intérêt. Ce n’est pas toujours un intérêt économique. Mais pour le développement du jeu, il est difficile de penser que nous avons trop de compétitions. Le problème, c’est de trouver comment mieux les faire vivre, mieux les développer. Il est essentiel que le football des jeunes, celui des femmes et d'une manière générale toutes les catégories d'âges progressent.
Une coupe d’Afrique des Nations, une Ligue des Champions, une Coupe de la Confédération, sont les vitrines de notre football. Ce qui attire le regard, l’élément moteur, ce sont en priorité les Coupes interclubs et les matches des sélections nationales.
Comment faire revenir les spectateurs dans les stades, c'est la question qui doit être réfléchie dans tous nos pays où les stades sont régulièrement désertés. Qui dit public dit sponsors, ressources financières et au-delà crédibilité.
Corollairement, il faudra résoudre le problème de l'éloignement des stades. Comment fait-on pour s'y rendre. De quels moyens de transport dispose-t-on ?
Je ne parle pas non plus des déplacements internationaux. Le comble c'est que parfois il faut passer par un autre continent pour se rendre dans un autre pays en Afrique !Je n'ai pas de recette miracle malgré ma grande expérience du monde du football. Cela suppose d'avoir des séances de réflexion, des idées et beaucoup de travail, d'autant que tous les pays africains ne sont pas au même niveau économiquement.
Avez-vous un message à faire passer ?
Si j’ai un message à faire passer est que la CAF est une belle institution qui a pour mission de développer le football sur un continent qui lui-même a des problèmes de développement.
Réellement, j’aimerais m’adresser aux gouvernements et leur dire qu’il existe une économie autour du football qui reste à développer.
Certains me diront que c’est pareil pour le pétrole, pour le tourisme. Mais le football en lui-même peut être une des solutions. Donc, il faut être derrière le football et derrière la CAF.