L’Afrique du football a porté à sa tête un homme qui a notamment été cité dans de diverses affaires touchant le Qatargate. Il a reconnu, alors qu’il était encore un des dirigeants du football de son pays, avoir pour ainsi dire bénéficié des largesses du Qatar. Des courriels mis à jour par le journal anglais ’Sunday Times" attestent effectivement que Ahmad Ahmad a demandé aux qataries de lui verser de l’argent. On parle même de l’utilisation de son compte bancaire personnel.
Depuis son arrivée à la tête de la CAF, Ahmad Ahmad côtoie sans compter les dirigeants du football marocain et ne cesse de remercier ce pays, qui a été instrumental pour son accession au poste suprême du football en Afrique. Des sources indiquent que les marocains auraient reçu l’assurance du patron du football africain qu’advenant son accession au pouvoir, la CAN2019 leur serait confié. C’était le principale raison pour laquelle s’est tenu le symposium avec comme conséquence directe le passage du nombre de pays qualifiés de 16 à 24.
Pourquoi 24 ? Eh bien parce qu’en termes d’infrastructures, cela devait s’avérer impossible pour le Cameroun qui tirait déjà la langue pour remplir le premier cahier de charge. Le prétexte devait donc être un « slam dunk » en ce sens que l’ajout des infrastructures supplémentaires sans préavis, à l’opposé des gestes posés par l’UEFA et la FIFA qui ont décidé des ajouts similaires en donnant un temps d’ajustement devait faire abdiquer le pays de Samuel Eto’o.
La réaction des autorités politiques et footballistiques a donc surpris en haut lieu à la CAF. Au lieu de s’opposer au courant des réformes, le Cameroun et son gouvernement ont décidé de se laisser pousser par le vent. Ayant d’abord cru à un coup de bluff, les engagements du Cameroun vont faire douter les comploteurs. L’argument principal sur lequel ils basaient toutes leurs défenses venaient de tomber. Mais le plan se doit d’être parachevé.
Du côté du Maroc, on s’impatiente. Ahmad Ahmad a fait voter une place supplémentaire de 3e vice-président qu’il a confié au president de la fédération du Maroc. Des discussions auraient même été menées avec le Roi et des assurances auraient été données. Le Maroc aussi veut « punir » le pays de Issa Hayatou suite au retrait de la CAN2017 à cause de l’épidémie Ebola qui sévissait dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest.
Mais d’où vient cette entente entre le Maroc et le président Ahmad Ahmad ? Peut-être est-ce une coincidence. Mais si on remonte à 2008 alors que le Qatar était candidate pour l’obtention du mondial 2022, un groupe de pays africains s’est fortement mobilisé pour monnayer leur vote comme cela avait souvent cours.
Le magazine britannique The Sunday Times a produit un dossier détaillé en 2014 sur le Qatargate et a revélé une série de courriels entre certains dirigeants du football africain et les dirigeants de la campagne pour l’organisation du Mondial 2022 du Qatar.
Ce qui est intéressant dans les documents du Sunday Times, c’est qu’ils démontrent - s’ils sont authentiques, bien entendu - que le Qatar a mis en place une stratégie au long cours pour s’assurer les voix de l’Afrique. Tout semble commencer en juin 2008, deux ans et demi avant le fameux vote de Zurich, lors d’un congrès de la Confédération asiatique de football en Malaisie. Vingt-cinq présidents de fédérations africaines sont invités tous frais payés dans un palace de Kuala Lumpur - ce type d’invitation se renouvellera à plusieurs reprises, parfois avec les épouses.
Que leur promet Bin Hammam ? Certainement des douceurs car, à partir de cette date, le Qatari est inondé de mails provenant, entre autres, du Bénin, du Botswana, du Burundi, des Comores, de la Côte d’Ivoire, de Djibouti, de la Gambie, de la Guinée, du Liberia, de Madagascar, du Maroc, de la Namibie, de São Tomé-et-Príncipe, de la Somalie, du Soudan, du Swaziland, du Togo et de la Zambie.
Dans la plupart de ces messages, les présidents de fédération remercient chaleureusement leur généreux donateur pour le virement de 30 000, 60 000 ou 100 000 dollars qu’il accepte de faire en faveur du football de leur pays. Le problème c’est que, pour toucher l’argent, le bénéficiaire envoie le plus souvent les coordonnées bancaires de son compte personnel... Quand un assistant de Bin Hammam demande à M. Ahmad, le président de la fédération malgache, comment il peut lui envoyer l’argent promis, Ahmad lui répond : « Par virement bancaire ou je peux le prendre à Paris avec Ahmed Diallo ».
La grosse majorité de ces pays dont le nom apparaît dans cette enquête a soutenue Ahmad Ahmad lors de sa quête du pouvoir de la CAF.
Avec cette proximité, Ahmad Ahmad a donc su canaliser les frustrations nées de certaines décisions de la CAF pour motiver son élection. Le Maroc se serait vu promettre l’organisation de la CAN2019 pour humilier Hayatou et son pays.
Avec les développements sans cesse mouvants dans ce dossier, la partie Marocaine et ceux qui ’ont porté au pouvoir ne cessent de mettre de la pression dur Ahmad pour qu’il tienne ses promesses. Il y a d’ailleurs eu un fort mouvement de panique la semaine dernière lorsque Ahmad Ahmad a déclaré à un journal malgache, peut-être pour mettre se donner du répit après ses déclarations en Guinée, qu’il compte réussir l’organisation de sa première CAN au Cameroun. Le journal El-Watan de l’Algérie, a donc cru bon de continuer à lui mettre la pression pour qu’il tienne les engagements pris lors du Symposium du Maroc.
Depuis ce symposium justement, ses vraies intentions ont été dévoilées et le Cameroun, dans son ensemble, s’est mobilisé au nom de l’organisation de cette compétition.
Du côté de Yaoundé Politique, on évalue ses options et on est à peu près convaincu qu’advenant le retrait de la CAN au pays, la Confédération Africaine de Football va payer un fort tribut pour cette offense. Un comité restreint de cinq juristes parmi les plus qualifiés a été mis en place pour conseiller le Chef de l’État des prochaines étapes et l’Homme Lion suit le dossier de près.
Il est aussi question dès à présent, de travailler avec des pays amis pour mettre en place une véritable opposition à Ahmad Ahmad et le challenger lors de la prochaine assemblée élective. La décision d’augmenter le nombre de participants lors des phases finales de la CAN passe mal dans certaines capitales africaines maintenant que les politiques ont pris le temps de comprendre ce que cela présuppose en terme de dépenses, et donc de dettes pour des pays déjà mal en point économiquement.
Une autre option sur la table, en cas de retrait de l’organisation, est de travailler avec ce groupe de pays amis pour s’assurer que le Maroc, qui aurait financé la campagne de Ahmad Ahmad, obtenu un siège taillé sur mesure de 3e vice-président à la CAF, n’obtienne pas les droits à l’organisation de la Coupe du Monde 2026.