En cette période où on célèbre les valeurs de l’olympisme; je voudrais à nouveau rendre hommage à un champion. Son nom restera à jamais associé à l’ascension du mont Cameroun. Il était surnommé le roi de la montagne.
En janvier 1988, se tient la 13ème édition de l’ascension du mont Cameroun; la course de l’espoir. Vers 10h45, on annonce Lekunze en tête au niveau de la prison de Buea. La foule exulte et se lance dans une longue ovation pour accueillir cette nouvelle. Pour eux, la course est pliée et le vainqueur sera encore Lekunze.
En effet, Lekunze est la principale attraction de la course; vainqueur de l’édition précédente et détenteur du record. Des dizaines de milliers de personnes se sont déplacées pour le voir triompher.
A quelques mètres de la ligne d’arrivée, on aperçoit la silhouette du vainqueur baignant dans le brouillard ambiant. Le public acquis à la cause de Lekunze se met à danser et à pousser des youyous pour accueillir comme il se doit le champion.
La silhouette longiligne s’approche à grandes enjambées vers la ligne d’arrivée et au moment de franchir la franchir, le public découvre l’image du vainqueur : Esuka.
La joie cède la place à la tristesse. Les fans de Lekunze se mettent à pleurer à chaudes larmes.
Lekunze termine la course dans une ambulance; victime de blessures.
Qu’est-il arrivé au grand champion qui avait pourtant été annoncé quelques instants plus tôt en tête ? Lekunze qui était pourtant bien parti a eu les pieds écorchés. Les pieds sanguinolents, couverts d’énormes cloques; il va s’arrêter pour essayer de trouver une chaussure de rechange.
Esuka qui est un partenaire d’entraînement, le rattrape et lui propose son aide. Lekunze décline son offre car il y avait un blanc derrière Esuka qui risquait de passer devant si celui-ci s’arrêtait. En effet, après les victoires de l’anglais Mike Short lors des éditions de 1984 et 1985; Lekunze vainqueur des éditions de 1986 et 1987; avait juré qu’un étranger ne remportera plus jamais cette course tant qu’il sera en activité.
Une rivalité farouche opposait Lekunze à Mike Short. Short avait supplanté Lekunze en 1985 à 2 km de l’arrivée. Exploit réédité la même année lors d’un marathon à Yaoundé.
Ce jour de janvier 1988; les blessures de Lekunze l’empêchent de continuer la course. C’est un véritable deuil national.
Les 50 000 spectateurs du stade municipal de Buea sont plongés dans un silence d’enterrement. Mais Lekunze peut se consoler car Reginald Essuka, le vainqueur de cette édition est un camarade d’entraînement qui a souvent bénéficié de ses conseils et de son expérience.
En voyant passer l’ambulance dans laquelle se trouve Lekunze, le public réserve un accueil triomphant au blessé, accueilli au passage par une salve d'applaudissements.
Pour le public, la défaite de Lekunze relève de la sorcellerie.
Il s’agit de la haute magie. Comment expliquer ses ampoules et écorchures sous la plante des pieds à environ 2km de l’arrivée ?
Lekunze s’était pourtant bien préparé. Il s’était carrément installé à Buea et avait pu effectuer sa préparation sur le parcours même de la course.
Mais qui est Timothy Lekunze Leku ?
Timothy Lekunze est un athlète camerounais recordman sur le parcours de l’ascension du Cameroun. Diplômé de l’École Normale Supérieure, il est enseignant d'Histoire.
Il est né dans la ville de Buea, au Cameroun, située au pied du mont Cameroun. Dès son plus jeune âge, il est attiré par la montagne, ce qui deviendra son plus grand défi et son plus grand triomphe.
Il remporte les éditions de 1986 et 1987. En effet, en 1987, il établit un nouveau record; qui n’a jamais été battu : 3h 46 mn 31 s. Après cette double victoire, il est engagé à l'Ecole Militaire Interarmes du Cameroun. Brillant élément, il gravit rapidement les échelons.
Après avoir été lieutenant, il accède au grade de capitaine. Timothy Lekunze a aussi remporté le célèbre marathon de Trinidad et Tobago à deux reprises ; mai 1986 et juin 1987. Défenseur de la conservation de l'environnement , il a lutté pour la protection du Mont Cameroun et son écosystème unique.
Il meurt le 19 juillet 2001. Reconnaissons qu’il a connu une fin triste ; une fin peu glorieuse; le militaire n’a pas été à la hauteur de l'athlète. L’oubli est la ruse du diable.
Petite pensée pour les grands noms qui ont marqué l’ascension du mont Cameroun : Emilia Mojoko Ngondja, Sarah Etonge, Reginald Essuka, Ngu Njumbé, Thomas Tatah Dzever, Joseph Kongnyuy Shey, Catherine Ngwang, Mike Short, Marciane Mukamurenzi, etc