Près d’un an après le décès tragique d’Albert Ebosse, la fédération algérienne de football (FAF) a décidé d’interdire à ses clubs de recruter des joueurs étrangers dès le prochain marché des transferts.
C’est la révolution ! La décision est surprenante. Et certainement unique au monde. Les clubs algériens ne pourront plus recruter de joueurs étrangers à partir du prochain mercato.
La mesure a été prise ce dimanche par la fédération algérienne de football (FAF), présidée par Mohamed Raouraoua (en photo). L’instance explique cette décision radicale par «l’impossibilité d’obtenir des devises légalement pour payer les salaires, indemnités de formation et de solidarité des joueurs étrangers», ainsi que par «les agissements de certains agents de joueurs et autres acteurs du football peu scrupuleux».
Ceux qui sont actuellement sous contrat pourront toutefois aller au bout de leurs engagements. Pour mieux décrypter ce coup de tonnerre, il faut comprendre que cette décision s’inscrit dans la lutte contre le blanchiment d’argent. En Algérie, les transferts de devises vers l’étranger sont régis par une réglementation extrêmement sévère.
Dans le cas du football, les joueurs étrangers les font souvent sortir du territoire sans déclaration. «Les joueurs échangent leur argent au marché noir. Ils passent du dinar à des euros. Et ensuite, ils rentrent avec dans leur pays.
Ils le transportent comme ils peuvent, et évidemment cachent l’argent dans leurs affaires personnelles avec la peur d’être surpris par la douane.
Cette situation est due à la complexité du système bancaire en Algérie», nous confie Kamel Bengougam, agent qui transfère régulièrement des joueurs vers ce pays. Face à cette mesure prise par le bureau fédéral, ce sont évidemment les joueurs d’Afrique subsaharienne qui sont les premiers visés.
Et dans l’imaginaire de beaucoup, elle revêt un caractère quasi discriminatoire pour des joueurs africains qui passent par l’Algérie pour montrer leurs talents et espérer rebondir vers le football européen. C’est d’autant plus étonnant que le football algérien était déjà organisé de manière à ce que la formation locale soit valorisée.
Les clubs algériens ne pouvaient recruter que trois étrangers et deux joueurs pouvaient être alignés en match. Mais même les joueurs du cru sont concernés pour rapatrier leur argent en France. «Je n’avais pas le choix, je cachais une partie de mon argent dans mes chaussettes quand je rentrais en France», nous confie un ancien joueur franco-algérien, passé également par la France ou le Portugal.
Plus que les étrangers, ce sont aujourd’hui les joueurs binationaux qui garnissent le plus les effectifs de la Ligue.
Une autre mesure pour éviter la valse des entraîneurs Dans un premier temps, cette réforme va obliger les clubs à assainir les finances avec des masses salariales moins élevées. Si les problèmes économiques des clubs sont effectivement pointés par la FAF, le pays s’était pourtant doté en 2012 d’un organisme de contrôle, la DGCF, équivalent de la DNCG française.
Que fait-elle ? Selon certaines indiscrétions, cette mesure de rétorsion ne pourrait être qu’un moratoire, le temps de remettre de l’ordre. Sur le terrain, le footballeur africain est essentiel aux grands clubs algériens qui disputent notamment la Ligue d’Afrique des champions.
Moins contestable, mais tout aussi discutée, il y a la valse des entraîneurs, une spécialité locale. Pour juguler l’instabilité sur les bancs de touche, la FAF a également décidé qu’un entraîneur ne pouvait plus prendre en main plus de deux clubs dans la même saison.
En novembre dernier, après seulement deux mois de compétitions, douze entraîneurs avaient été limogés sur les seize clubs que compte la Ligue algérienne. En 2013/2014, le Championnat avait recensé vingt changements à la tête des clubs.
Une situation qui avait fait réagir le sélectionneur des Fennesc, Christian Gourcuff : «Franchement, ce qui se passe dans le football algérien est regrettable. Je n’ai pas le droit de m’immiscer dans les affaires des clubs, mais à mon avis cela va davantage pénaliser les clubs et le football algérien en général», avait-il commenté.
Paradoxalement, l’ES Sétif a remporté la dernière C1 africaine, et le pays est le mieux représenté sur le plan continental avec trois clubs sur huit dans la dernière ligne droite de la C1.