• Stéphane Dassi Tatan est un ancien footballeur
• Il a dû abandonner son rêve pour une autre activité
• C’est un moment qui fut très dur à supporter
Stéphane Dassi Tatan est passé de footballeur du championnat national de première division à livreur de gâteaux. Il n’a jamais envisagé qu’une telle chose lui arriverait dans sa vie. Tout est partie d’une blessure à la mâchoire qui l’a éloigné des rectangles verts pendant un bon moment, sans jamais réussir à revenir, laissé pour compte par les dirigeants de son club.
Il y a quelques jours, la rédaction de CamerounWeb informait les lecteurs de la situation précaire de ce joueur qui était pourtant promis à un bel avenir. Depuis sa blessure le 06 septembre 2015, tout est allé de mal en pis pour Stéphane Dassi Tatan.
Actu Cameroun a relayé un entretien exclusif que le site du Syndicat national des footballeurs camerounais (Synafoc) a eu le mérite de réaliser. L’ancien latéral droit de New Stars de Douala parle avec le cœur lourd.
Le 6 septembre 2015 vous vous êtes facturé la mâchoire lors du match opposant votre club de l’époque New Stars à l’Union Sportive de Douala, match comptant pour la 34ème et ultime journée du championnat d’Elite One. Sept ans plus tard, est-ce que vous vous êtes totalement remis de cette fracture ?
Ouf, vous me rappelez-là un triste et douloureux souvenir que je garde en mémoire et qui malheureusement m’accompagnera toujours durant toute ma vie sur terre, car c’est fameux jour que j’ai dû prématurément mettre un terme à ma carrière de footballeur à seulement 23 ans. J’étais pourtant parti pour une grande carrière internationale. Il faut dire qu’avant cet accident, j’avais déjà joué pour Les Astres de Douala, Sable de Batié et New Stars de Douala. J’avais également fait des présélections chez les U20 et les Lions A primes. Mais tout s’est malheureusement arrêté lors de ce match New Stars – Union……
Sans vouloir remuer le couteau dans vos souvenirs, est-ce que vous pouvez vous rappeler de l’action qui mène à cet accident ?
Beuh…, je me souviens encore très bien de cette action. C’est une offensive de l’Union de Douala. Leur latéral gauche fait un une-deux avec un coéquipier et veut me déborder. C’est alors que je le tacle. En voulant m’esquiver, son genou me percute la mâchoire. Je tombe en syncope et me réveille six heures plus tard à l’hôpital.
La suite à l’hôpital n’a pas du tout été tranquille. Votre séjour là-bas a été marqué par des déboires. Racontez-nous un peu cet épisode…
Ah…, l’hôpital ! C’était vraiment pénible. Avec la mâchoire fracturée, je ne pouvais ni manger, ni boire et il fallait m’administrer les soins. En plus, je me retrouve abandonné par mon club. Sincèrement, ce n’était pas facile. Heureusement que j’avais ma famille et quelques amis qui m’ont assisté, notamment le coach Richard TOWA qui était venu me rendre visite.
J’ajouterai Monsieur Souley de Bépenda Info qui avait lancé l’alerte de mon abandon et de ma détresse à l’hôpital sur les réseaux sociaux. Il faut dire que sa publication sur Facebook avait vraiment fait mouche. Les membres du SYNAFOC, les médias et d’autres personnes sont donc arrivés et m’ont trouvé à l’hôpital sans soins. Cela a mis un peu de pression aux dirigeants de mon club et ces derniers ont fait semblant de réagir. Mais n’eut était ma famille, je pense que je n’aurais pas eu cette opération et peut-être que je serais resté sur ce lit d’hôpital.
Le 16 septembre 2015, après avoir passé 10 jours à l’hôpital de District de Deido quasiment sans soins, vous êtes évacué vers une clinique privée au quartier Akwa où vous êtes finalement opéré de la mâchoire. C’est bien cela ?
Oui, oui, je me rappelle bien. C’est le docteur Dieudonné TEMOKA qui m’avait opéré. Mais jusqu’à présent, j’ai encore les files de suture dans la bouche. Je n’ai toujours pas pu retirer ces files puisque j’ai encore des dents qui bougent dans la bouche. Je tiens à préciser que, j’ai 9 dents qui manquent dans la bouche. A la suite du choc, j’ai perdu 2 dents sur le terrain et pendant l’opération de ma mâchoire, le médecin a été obligé d’arracher les 7 autres débris de dents. Vous comprenez donc que je ne parviens pas à bien mâcher les aliments raison pour laquelle j’ai régulièrement des problèmes digestifs.
Après l’opération est-ce que les dirigeants de New Stars, notamment votre président Faustin DOMKEU ont-ils pris soin de vous ? Vous ont-ils assisté et accompagné pendant votre convalescence ?
Hum…, New Stars ! Je vous rappelle qu’étant sur lit de l’hôpital on avait payé les salaires des joueurs, mais on ne m’a pas payé. La prime de ce match lors duquel je me fracture la mâchoire et qui était de 10 000 FCFA en cas de score de parité, je l’ai eu quasiment trois mois après, ce parce que les autorités et le SYNAFOC avaient commencé à mettre la pression. Le président de New Stars, Faustin DOMKEU avait dit qu’il ne me devait rien. Que je n’avais joué qu’une mi-temps et que j’avais fait perdre la 2ème place à son club parce que je suis sorti sur blessure. Il faut souligner que le point du match nul pris ce jour nous permet de finir 3ème et de nous qualifier pour la coupe de la CAF.
Pouvez-vous vous rappeler combien de matchs de championnat avez-vous joué cette saison là avec New Stars ?
Presque tous les matchs. Durant mes deux saisons à New Stars, j’étais titulaire au poste de latéral droit. Pendant cette période, j’ai tout donné à New Stars, mais en retour, je n’ai rien reçu de ce club. Si oui, que de l’ingratitude.
Face donc au refus de Faustin DOMKEU de payer vos droits que faites-vous ?
Très sincèrement, je pense que c’est la partie que j’aime bien dans cette histoire. Eh bien, n’ayant plus d’autres options, j’ai saisi mon syndicat : le SYNAFOC. Rappelons que dans un premier temps, le SYNAFOC avait déjà fait pression sur le Président DOMKEU pour qu’il me verse mes 10 000 FCFA de prime de match nul. Cette pression a également permis qu’il me verse la moitié de mon salaire du mois d’août 2015.
Ensuite, face au refus catégorique de Faustin DOMKEU de payer tous mes droits, le SYNAFOC a saisi la Chambre Nationale de Résolution des Litiges (CNRL) de la FECAFOOT. Le procès avec New Stars a duré quasiment 2 ans. Deux longues années durant lesquelles le SYNAFOC ne m’a pas lâché. En 2017, la Chambre Nationale de Résolution des Litiges de la FECAFOOT nous donne gain de cause et condamne New Stars à me verser la somme de 4 655 000 FCFA au titre de dommage et intérêts, salaires impayés et aussi le solde de ma prime de signature. Nous sommes en 2017 au moment où la CNRL de la FECAFOOT rend cette décision et jusqu’à ce jour je n’ai toujours pas perçu le moindre franc, car DOMKEU avait ouvertement dit qu’il ne va rien me donner.
Toutefois, l’affaire connait un rebondissement avec l’avènement de Samuel ETO’O à la FECAFOOT. Il y a donc quelques mois certains clubs ont été sommés par la FECAFOOT de respecter les décisions de la CNRL. Et parmi ces clubs figure New Stars qui a été sommés de vous verser vos droits au risque d’être relégués de deux divisions. Comment avez-vous accueillis ce rebondissement ?
Vraiment, l’arrivée de Samuel ETO’O à la FECAFOOT est une chance pour les footballeurs. Un beau matin je reçois un appel du SYNAFOC qui m’annonce la sommation faite à New Stars par la fédération. J’ai sauté de joie en me disant que j’allais finalement entrer en possession de mon dû.
Face à cette sommation de la FECAFOOT et se sentant menacé, Faustin DOMKEU a demandé à me rencontrer pour un arrangement à l’amiable, chose que je n’ai pas refusé. Il y a donc environ deux mois, accompagné du chef service juridique du SYNAFOC, Daniel BASSEGA, nous sommes allez le rencontrer. C’est alors qu’il propose de me donner 1 200 000 francs CFA cash sur les 4 655 000 FCFA que la FECAFOOT l’a condamné à me verser. J’ai trouvé cela pas du tout sérieux et insultant de sa part. J’ai refusé et répondu que si j’ai pu attendre 7 ans, je peux encore attendre longtemps pour être rétabli dans mes droits.
Aujourd’hui Faustin DOMKEU a fait appel devant la Chambre de Recours de la FECAFOOT, le SYNAFOC continue-t-il à vous apporter son assistance juridique ?
Oui, bien évidemment que le SYNAFOC continue de m’accompagner gratuitement dans cette procédure. Depuis le début le SYNAFOC est à mes côtés et à aucun moment il ne m’a lâché. Plus qu’hier nous croyons aujourd’hui que nous serons bientôt rétablis dans nos droits.
Dans cette affaire que nous suivons depuis son déclenchement il y a 7 ans, Il faut dire qu’au-delà de vos salaires impayés, il y a également une affaire de chèque sans provisions que le président Faustin DOMKEU vous aurez donné ?
Hahaha… (Petit rire). Oui, oui ! C’était à propos de ma prime de signature. Je crois que j’avais signé un million pour deux saisons. Il m’a fait une avance de 500 000 FCFA et remis un chèque pour l’autre moitié. Je me suis rendu à la banque à la date convenue {à nouveau un petit rire…], on m’a dit qu’il n’y avait rien dans ce compte. Je suis retourné lui remettre son chèque tout en prenant la précaution de le scanner. Et le SYNAFOC avait mis la copie dudit chèque dans mon dossier.
Sincèrement lorsque je pense à ces moment-là et à tout ce que j’ai vécu dans les milieux du football camerounais, j’ai la chair de poule. Toutefois, avec l’arrivée de Samuel ETO’O, j’ai bon espoir que les générations futures ne vont pas vivre ce que nous autres avons vécu.
Concrètement cette fracture de la mâchoire est-elle l’unique raison qui vous a poussé à mettre un terme à votre carrière – aussi jeune – à 23 ans ?
Il faut dire qu’après mon opération, j’ai passé plus de six mois avec la mâchoire fermée. On m’avait placé une sonde à la bouche, à travers laquelle je me nourrissais. Je ne prenais que de l’eau, du lait et de la bouillie. Mon alimentation était trop compliquée et coûteux. Heureusement, que des amis comme Serge NGAL et Patrick NGOULA, mais aussi des hommes de cœur comme le défunt président du SYNAFOC, David MAYEBI et le grand frère Lucien METTOMO étaient là pour me soutenir.
Ensuite, il m’a fallu quasiment plus d’un an de convalescence pour me remettre du choc. Et lorsque j’ai décidé de vouloir reprendre le foot en 2019, tous les clubs où je suis allé me traitaient de joueur litigieux et à problème. Aucun club ne voulait plus de moi. Je faisais des tests qui s’avéraient concluants, mais une fois qu’il fallait passer à la signature et que les clubs apprenaient mon histoire, tous se rebiffaient.
Personne ne voulait signer le joueur qui a eu les problèmes avec DOMKEU et en plus ils avaient des doutes sur mon état de santé. On me traitait de joueur malade, n’ayant pas toutes ses habitudes physiques. Cela a été le cas à Feutcheu FC de Djiko en 2019 et en 2020 à Bamboutos FC de Mbouda.
Obligé donc de façon prématurée de tirer un trait sur votre carrière de footballeur, que devient Stéphane DASSI TATAN aujourd’hui ?
[Il peine à trouver ses mots…] Je suis livreur de gâteaux. J’ai une moto avec laquelle je me débrouille. Je prends les gâteaux dans une pâtisserie de la place et je livre aux boutiquiers dans différents quartiers de la ville de Douala. C’est un peu comme ça que j’essaie de joindre les deux bouts.
Lorsque vous voyez vos coéquipiers d’hier jouer, qu’est-ce que cela vous fait ?
Ouuuuuufffff, c’est dur, c’est très dur ! Lorsque je vois mes amis et coéquipiers, comme Marius NOUBISSI qui est à Valenciennes, OYONGO avec qui j’ai joué… [Il pousse un grand soupire et fond en larmes…] C’est difficile, c’est très difficile. Quand j’ai vu le CHAN…, c’est toute ma génération qui était au dernier CHAN. Sincèrement, ça m’a fait très mal et je ne me suis pas remis…
Si vous aviez un message à adresser aux autorités en charge de notre football, notamment à la FECAFOOT et à son président, quel serait ce message ?
Je commencerai par dire à la génération actuelle qu’elle a la chance d’avoir Samuel ETO’O à la tête de la FECAFOOT et Gérémi NJITAP à la tête du SYNAFOC, car ils connaissent le football, ainsi que les problèmes des footballeurs et je sais qu’ils sauront y apporter des solutions. J’espère que les footballeurs et footballeuses de notre pays vont profiter au max de leur présence tant à la FECAFOOT qu’au SYNAFOC.
J’exhorte les présidents ETO’O et NJITAP de se pencher sur mon problème afin que tout ce qui m’a été dérobé me soit restitué. Je peux dire que New Stars et son président Faustin DOMKEU m’ont volé ma vie, ils m’ont volé ma carrière, bref, ils m’ont tout pris. Voilà mon cri de cœur.
Je terminerai en invitant toutes les footballeuses et tous les footballeurs à croire au SYNAFOC, notre syndicat et à y adhérer. J’ai toujours cru au SYNAFOC. J’étais sociétaire des Astres de Douala lorsque le SYNAFOC est arrivé avec des prospectus. Immédiatement, sans aucune hésitation, j’ai adhéré. Je ne sais pas pourquoi, mais mon instinct m’avait poussé à m’affilier au SYNAFOC.
Très sincèrement, je pense que c’est la seule issue pour les footballeurs camerounais surtout avec ce que nous vivons depuis des années dans notre pays. Personnellement, c’est grâce au SYNAFOC que j’ai pu tenir. Le simple fait de savoir qu’il y a une maison dans laquelle tu peux pleurer et on t’écoute, c’est réconfortant et énorme.