Sports Features of Tuesday, 3 November 2015

Source: lemonde.fr

Finir « avec le mythe des sélectionneurs européens »

Photo d'archive utilisée juste à titre d`illustration Photo d'archive utilisée juste à titre d`illustration

« Ils ont attendu trop longtemps pour le sanctionner. Volker Finker a foutu notre équipe en l’air », regrette Jules-Romuald Isidore Mbarga. Ce supporteur des Lions indomptables, 37 ans et sans emploi, commente, assis devant l’écran de télévision d’une des nombreuses gargotes du quartier populaire de Mvog-Ada, le limogeage vendredi 30 octobre de celui qui était jusque-là l’entraîneur-sélectionneur de l’équipe de football du Cameroun.

Comme beaucoup d’autres à Mvog-Ada, d’où sont partis plusieurs joueurs de l’histoire du pays, Jules-Romuald Isidore Mbarga approuve la décision de la fédération camerounaise de football (Fécafoot) de remplacer le sélectionneur allemand de 67 ans par un tandem de quinquagénaires, Alexandre Belinga et Bonaventure Djonkep, deux anciennes gloires nationales.

Les nouveaux responsables de la Fécafoot, élus fin septembre, n’ont donné aucune raison officielle au limogeage de Volker Finke, dont le contrat est arrivé à son terme en mai et qui attendait d’être reconduit pour deux ans. Néanmoins, Tombi à Roko, le président de cette instance, explique : « Il y a eu un rejet populaire. Nous avons froidement analysé la situation et estimé que M. Finke ne répondait plus aux attentes. »

Le sélectionneur allemand était devenu très impopulaire, critiqué de toutes parts pour ses choix tactiques surprenants et ses mauvais résultats. Il était pourtant arrivé en mai 2013 au Cameroun comme un sauveur. Sous la férule de l’ex-entraîneur de Fribourg, les Lions indomptables déjà affaiblis par des dissensions internes, parviennent à se qualifier pour le Mondial 2014 et la Coupe d’Afrique des Nations 2015. Mais les deux campagnes seront désastreuses.

La sortie des Lions dès le premier tour au Brésil, après trois défaites, a d’autant plus marqué que Volker Finke a dû faire face à des accusations de « monnayage des places de titulaire ». En Guinée équatoriale, les Lions sont également repartis dès le premier tour sans avoir remporté le moindre match. Certes en deux ans et demi, Volker Finke a permis au Cameroun de passer du 70e rang au 34e au classement de la FIFA.

Mais pour les supporteurs et les responsables du football camerounais, cela ne suffit pas. La défaite des Lions indomptables face au Nigeria (0-3), le 11 octobre en Belgique, a probablement scellé son sort. « Son jeu était stéréotypé, sans stratégie devant nous mener à la victoire », a estimé Tombi à Roko.

Pour une partie des médias locaux qui n’ont eu de cesse de demander la démission de l’entraîneur allemand, la longévité de Volker Finke à la tête des Lions malgré ses contre-performances répétées était due aux pressions de l’équipementier Puma qui l’a toujours soutenu. D’autres y voient aussi le soutien du capitaine de l’équipe, Stéphane Mbia, lui-même décrié et soupçonné de vouloir imposer son frère cadet en sélection nationale grâce à sa proximité avec l’ex-sélectionneur.

Le sociétaire de Séville a déclaré à plusieurs reprises que Volker Finke était le seul capable de qualifier le Cameroun pour la Coupe d’Afrique des Nations au Gabon en 2017. D’ici là, le premier défi pour les nouveaux sélectionneurs sera de remporter le match contre le Niger, le 13 novembre dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du monde 2018 en Russie.

Si la Fecafoot se félicite de la décision de ne pas renouveler le contrat de Volker Finke, « parce qu’il s’agissait de trouver une autre personne capable de donner les résultats que nous recherchons », est-ce pour autant la bonne solution pour permettre aux Lions indomptables de retrouver leur vigueur d’antan ? Car Volker Finke n’était pas l’unique problème du football camerounais, tourmenté depuis une bonne dizaine d’années par l’indiscipline, des jeux d’influence et d’interminables batailles d’ego.

« La mise à l’écart de Volker Finke était une première étape nécessaire vers la reconstruction », estime Jean-René Noubissié, président de la Nousia Sport Academy, une école de football basée à Douala. Le formateur considère que « si les mêmes moyens donnés aux coachs expatriés sont offerts aux entraîneurs nationaux, les résultats n’en seront que meilleurs. » Une idée soutenue par le chroniqueur sportif, spécialiste du football, Emmanuel Jonas Kana : « Sans être raciste ou xénophobe, il serait judicieux de mettre un terme au mythe de la peau blanche. Les entraîneurs expatriés n’ont rien apporté depuis une décennie. »

Ce débat sur la « camerounisation » des sélectionneurs des Lions indomptables n’a jamais été tranché. Un cadre de la Fécafoot croit d’ailleurs savoir que le staff technique choisi pour succéder à Volker Finke ne l’est que le temps de trouver un autre entraîneur occidental. Il indique qu’« il y a des enjeux qui nous dépassent parfois dans ces affaires ».