C’est probablement le clap de fin pour Hugo Broos. Le sélectionneur champion d’Afrique des nations seniors 2017 avec les Lions indomptables du Cameroun vient de se voir indiquer la porte de sortie. Le comité de normalisation de la Fédération camerounaise de football a résilié le 4 décembre 2017 son contrat alors qu’il espérait voir son bail renouvelé chez les champions d’Afrique. S’il venait à partir Broos ne garderait pas le meilleur souvenir de son expérience camerounaise. Confronté qu’il était à une forte adversité. Evocation.
C’est une information qui pourrait faire perdre des voix à Hugo Broos en course pour le trophée du meilleur entraîneur de l’année en Afrique en 2017. De façon logique, les électeurs vont hésiter avant de donner leurs suffrages à un technicien poussé vers la sortie par ses propres employeurs notamment pour n’avoir pas produit les résultats attendus. Si le sélectionneur belge l’emportait ce ne sera pas grâce à la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT) qui à travers son comité de normalisation lui aura sans le vouloir probablement compliqué la tâche. Car à travers un document qui aurait fuité du siège de la Fédération à Tsinga (un quartier de la capitale camerounaise Yaoundé) l’après-midi du 4 décembre 2017 l’instance qui gère le football au pays de Roger Milla et Samuel Eto’o de façon provisoire signifie sa décision de résilier le contrat du Belge qui s’achève en principe courant février 2018.
Dans la résolution qu’ils envoient au ministre des sports et de l’éducation physique Pierre Ismael Bidoung Mkpatt ce jour-là, les 5 membres du Comité de normalisation indiquent qu’ils ne veulent pas renouveler l’engagement du champion d’Afrique seniors 2017 pour plusieurs raisons. L’élimination du Cameroun de la Coupe du Monde Russie 2018, la non résidence effective de Broos au Cameroun, le scandale de Bruxelles (né des révélations du technicien belge qui le 29 mars apprenait au monde entier que son équipe n’avait pas déjeuné à temps le jour du match amical perdu 2-1 contre la Guinée), la désertion de plusieurs joueurs importants (que le Comité considère comme le non-respect de la part du coach de son engagement à préserver et améliorer la reconstruction de la sélection). Ce sont là autant de choses qui ont braqué l’opinion contre Hugo Broos. Michel Kaham, un ancien international devenu en 2013 membre du premier comité de normalisation à la FECAFOOT n’a eu de cesse de pourfendre l’Européen. Au lendemain de l’annonce de la résiliation de son contrat, le formateur de Samuel Eto’o Fils à la Kadji sports academy se montre soulagé. « Je pense qu’il a failli. Il n’a pas qualifié les Lions pour la phase finale de la Coupe du Monde Russie 2018. Il a même dit que la Coupe du Monde n’était pas quelque chose aussi significatif que cela. Il ne connait pas bien le Cameroun, le Cameroun n’est pas un petit pays. (…) les entraineurs camerounais étaient capables de qualifier cette équipe pour la Coupe du Monde. Je le dis en tant qu’entraineur. Il a failli donc, ce qu’il pleurniche maintenant, ça ne regarde que lui. Qu’il s’en aille et qu’on laisse le Cameroun avancer », s’est-il exprimé sur les ondes d’une radio de la capitale économique du Cameroun Douala.
Un recrutement peu orthodoxe
En guise de réaction à la décision de la FECAFOOT, Hugo Broos a crié sa déception et dénoncé un acte d’ingratitude. ?« Depuis des mois, je demande de prolonger mon contrat car on avait un accord verbal depuis le mois de mai. Je n’ai pas encore reçu de document officiel (…) Nous avons gagné la Coupe d’Afrique 2017, c’était un grand exploit. Mais il ne fallait pas penser que nous étions champions du monde. Ça été un peu le cas au Cameroun. Beaucoup de gens étaient déçus qu’on n’ait pas passé le premier tour à la Coupe des Confédérations. On a commencé à raconter des mensonges. J’ai été entaché par une affaire de corruption. J’avais compris que ça allait être très difficile de continuer avec le Cameroun. C’est dommage. Ça montre une ingratitude et un manque de respect pour quelqu’un qui a réalisé un exploit. Mais c’est le football », a-t-il déclaré chez nos confrères de camer-sport.be. Hugo Broos résume en quelque sorte sa relation avec le Cameroun du football. 22 mois de rapports souvent tumultueux. Un sélectionneur pas toujours bien vu des fans des Lions, souvent indexé par la presse.
Le premier contact du technicien flamand avec le Cameroun est ce qu’il y a de plus froid pour l’étranger. Il arrive précédé d’une polémique. Sa nomination le 13 février 2016 fait mal parce qu’elle n’a pas respecté la procédure. Le nom d’Hugo Broos ne figurait pas sur la liste des 5 postulants retenus par l’équipe qui dirigeait de façon illégale la FECAFOOT. Son curriculum Vitae est jugé léger par rapport aux autres postulants. Il débute sur le banc d’une sélection. « Le Cameroun méritait mieux », dira par exemple l’entraîneur camerounais Augustin Kamga.
Hugo Broos s’est souvent vu reprocher sa façon de communiquer. Cette propension à livrer en public les secrets du vestiaire. Il est arrivé qu’il dévoile le contenu de ses conversations avec des joueurs. Dans ce registre, les autorités camerounaises gardent en travers de la gorge ce qu’on a appelé le « Bruxelles gate ». Le 29 mars 2017 le sélectionneur avait révélé au cours de la conférence de presse prévue après le match amical Cameroun-Guinée (1-2) que ses joueurs avaient été privés de leur repas de la mi-journée par leur hôtel parce que des factures n’avaient pas été réglées. La nouvelle avait suscité l’émoi sur place au Cameroun. L’incident avait pris des allures d’affaire d’Etat. Une enquête avait été ouverte et des responsables de la sélection auditionnés. Hugo Broos avait été contraint de rallier Yaoundé et y présenter ses excuses… Pour avoir dit la vérité.
Le sélectionneur des sans-grades
Broos a été accusé de faire fuir les talents ou de s’en débarrasser lui-même. Toko Ekambi, André Onana, Stéphane Mbia, Eric Choupo-Moting, ou Nicolas Nkoulou disparaissent des listes quand ils ne sont pas relégués sur le banc de touche. Ce qui a le donc d’horripiler Michel Kaham. « Aujourd’hui, vous voyez les gens parachutés en équipe nationale sans qu’on ne sache d’où ils viennent. Mais c’est plutôt incroyable ! Je vous l’ai dit, un camerounais ne ferait pas cela. Il ne faut pas qu’on endorme les camerounais sur une CAN. Mais après, qu’est-ce qu’on fait ? On a l’impression que ce monsieur est contre tous les joueurs établis. Tout ce qu’il fait c’est de trouver des joueurs lointains qui ne jouent nulle part et les valoriser et ensuite, ils cherchent les clubs. Non, ce n’est pas comme cela. Je dis, il y a beaucoup à redire sur les choix de Hugo Broos. Le Cameroun a besoin d’autres entraineurs que cela, je le dis en tant qu’entraineur. Qu’on prenne quelqu’un qui puisse faire confiance aux entraineurs locaux, les faire avancer aussi et nous faire de bonnes sélections sur les bases saines. Mais pas avec des coups par coups qui perdent tout le monde et on ne comprend pas exactement où il part ». D’aucuns ont conclu que ces sélections contestées étaient la conséquence d’un marchandage de places. Ce que Broos et son team manger l’ancien attaquant des Lions indomptables Alphonse Tchami ont démenti avec force, menaçant de procès leurs accusateurs.
C’est pourtant avec cette équipe de seconds couteaux que l’ex coach de la Jeunesse sportive Kabylie va remporter la Coupe d’Afrique des nations. Une victoire-surprise qui lui vaut d’être sollicité par l’Afrique du Sud quelques semaines après le sacre. L’état de grâce du Belge ne dure pas bien longtemps. L’on recommence à l’apostropher avant, pendant et après la Coupe des Confédérations. Son équipe repart de Russie au terme du premier tour. Revenue disputer les éliminatoires de la Coupe du Monde début septembre, elle sombre devant le Nigeria lors du match de la 3ème journée à Uyo 4-0. Ses choix tactiques et de joueurs au cours de cette partie sont remis en cause. 3 jours plus tard à Yaoundé, ses poulains ne parviennent pas à renverser la vapeur. Hugo Broos n’en fait pas un problème et continue d’espérer, de réclamer une prorogation de son contrat jusqu’à la CAN 2019. Jeune Afrique va affirmer courant novembre 2017 que le ministre des sports qui avec la fédération signe le contrat des sélectionneurs avait l’intention d’accéder à sa requête. Bidoung Mkpatt va-t-il confirmer cette intention en dépit de l’acte de résiliation pris par la Fédération ?