Après un séjour d’un an à Lomé au Togo, les étoiles filantes du tennis camerounais viennent de s’envoler pour les Etats-Unis d’Amérique. Ce sont les sœurs Eloundou visiblement plus aguerries que nous recevons en cette matinée du vendredi 27 juin 2015 dans les bureaux de Mutations.
Il est 9h et 15 minutes. L’instant est magique. Six mois plutôt, Linda et Manuella, les deux prodiges du tennis camerounais prenaient part à trois tournois internationaux majeurs des jeunes aux Etats-Unis d’Amérique où elles ont terminé respectivement 9ème et 7ème sur 64 invités. La compétition regroupe les meilleurs du monde dans la catégorie 13-14 ans.
Après ce lumineux passage sur les courts américains, tout près de leurs idoles les sœurs Williams, un constat visible se dégage : les sœurs Eloundou ont gagné en maturité. Simple coïncidence, notre rencontre a lieu un an, jour pour jour, après leur premier exploit sportif. C’était le 27 juin 2014.
Alors qu’elles sont âgées de 12 ans seulement, Manuella et Linda, décrochent huit médailles, dont cinq en or, au championnat d’Afrique de tennis tenu au Sénégal. Une performance inédite qui leur permet d’inscrire leurs noms dans le livre d’or de l’athlétisme camerounais et d’être adoptées par le public national. Sans peut-être le vouloir, grâce à l’appui des médias, les sœurs Eloundou font aujourd’hui figure de vedettes internationales de la petite balle jaune.
En cette matinée enfiévrée du 27 juin, les deux adolescentes se font accompagner par leur père et manager sportif, Gaspard Eloundou. Elles sont toutes deux vêtues des survêtements orange, des shorts noirs. Seule la couleur de leurs baskets n’est pas harmonisée : Linda ayant préféré du rouge au bleu de Manuella. Les anciennes pensionnaires du centre de formation « jeune As » du club France de Yaoundé sont, toutes deux, coiffées de longs rastas rouges. Les tresses sont soigneusement attachées sur le dos.
Difficile donc de les distinguer. Tant les jumelles se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Elles affichent un sourire identique. Heureusement pour nous, Manuella a laissé tomber quelques mèches sur le côté droit de son visage. C’est le seul indice visible permettant de les distinguer l’une de l’autre.
Complices
Dès notre premier contact avec « les filles », nous remarquons que Linda est la plus réservée des deux. « C’est elle la plus timide de nous deux», confirme Manuella en adressant un de ces sourires complices dont seules les vraies jumelles ont le secret. C’est avec grand plaisir que Linda accepte de répondre à nos questions. Comme convenu 48 heures auparavant, l’échange a lieu dans la salle de rédaction de Mutations. Dès l’entame, les sœurs Eloundou, très enthousiastes dévoilent chacune leurs meilleurs souvenirs durant les tournois nationaux et internationaux.
Manuella est la première à monter au filet. « Au championnat d’Afrique de tennis 2015 je n’ai pas gagné mais j’ai adoré jouer contre une Marocaine, confie la jeune athlète. C’était très séré mais je me réjouissais de donner le maximum de moi pour gagner. L’expérience était formidable j’ai appris tellement de choses de ce match », reconnaît cette médaillée de Bronze Afrique Centrale/Afrique de l’Ouest Lomé-Togo.
« Moi, enchaine Linda, c’est mon match contre l’Egyptienne dans la catégorie des 16 ans qui m’a le plus marqué. J’ai participé à ce tournoi (championnat d’Afrique du tennis 2015) parce que la représentante officielle du Cameroun n’avait pas pu se déplacer pour le Sénégal. J’ai joué grâce au « white card » (une autorisation spéciale de la Confédération africaine de tennis).
Malheureusement, j’ai perdu en huitièmes de finale », regrette le vainqueur de la première édition de l’Open de l’Emergence Ascapajote Cameroun » dans la catégorie des 12 ans et moins, en septembre 2012. Ayant été surclassée dans ce tournoi régional, Linda estime avoir gagné en expérience. « Le plus important est que j’ai acquis beaucoup d’expérience en jouant contre mes aînés », indique-t-elle
La complicité entre Manuella et Linda saute aux yeux. Elles nous le font remarquer à travers des petits clins d’œil et autres sourires distraits qu’elles se lancent avant de répondre à chacune de nos questions. De temps en temps, elles n’hésitent pas à se taquiner. A la question de savoir comment elles réagissent lorsqu’elles se croisent sur le court, c’est en gloussant que Linda se jette enfin à l’eau : c’est la première fois, depuis le début de l’interview que la championne décide de prendre la parole avant sa sœur Manuella.
« Avant on s’arrangeait afin que l’une d’entre nous gagne », trahit-elle. « Mais ça c’était avant d’entamer notre carrière professionnelle. Maintenant lorsque nous sommes adversaires, il n’y a pas de sentiments. C’est la meilleure qui l’emporte ». « Néanmoins, interrompt Manuella, la plupart du temps c’est elle (Linda) qui gagne ».
Après un passage d’un an dans l’Académie sport / études de Lomé, nos Lionnes du tennis sont de retour au pays. De ce détour professionnel dans la capitale togolaise, Linda garde quelques bons souvenirs. Elle semble conquise par la beauté de la capitale togolaise. « J’aime le centre-ville de Lomé, témoigne-t-elle. Le paysage est très urbanisé et propre. C’est le même son de cloche chez Manuella. Cependant, les deux artistes de la balle jaune n’ont jamais caché leur envie de retrouver le berceau de leurs ancêtres.
Bepc
Au-delà de ces prestations remarquables sur les courts nationaux et mondiaux, Linda et Manuella passent également pour des élèves douées. Après l’expiration de leur bourse au centre sport/études de Lomé, les natives d’Efok, département de la Lékié région du Centre, sont aussitôt revenues au pays où elles ont passé leur Brevet d’études du premier cycle (Bepc). « Les épreuves étaient très faciles » se souviennent-elles. Normal pour celles qui ont toujours été en pôle position dans leurs classes. « Lorsque je suis première, elle (Linda) est deuxième et vice versa », explique Manuella.
Entre la passion du tennis et le besoin de promotion sur le plan académique, les journées de Manuella et Linda sont généralement très chargées. Pour l’instant, pas question pour les deux championnes de faire un choix ce d’autant plus que « papa y veille personnellement », souligne Linda, en jetant un regard distrait sur son père, Gaspard Eloundou, assis à quelques mètres d’elle. Les sœurs Eloundou ne cachent pas leur amour particulier pour les matières scientifiques. « Il (papa) prévoit tout. Nous voyageons avec nos cahiers et nos livres surtout ceux des matières scientifiques. Et il nous fait réviser tous soirs où qu’on soit », déclarent-elles.
Toutefois, les représentantes du Cameroun au « projet de détection de l’élite africaine de tennis chez les 14 ans, à Casablanca au Maroc, ne voient pas toujours les choses dans le même sens. Comme toutes les « ados », elles ont parfois de petites divergences. Sauf que « nous faisons tout pour que le public ne soit pas au courant ; après on discute entre nous et le problème est réglé », confient-elles.
Les différences entre les jumelles Eloundou concernent aussi le choix de leur modèle sportif. Tandis que Linda rêve de marcher sur les traces de l’Américaine Serena Williams (actuelle n°1 mondial), le cœur de Manuella, quant à lui, bat pour la russe Maria Sharapova. « J’aimerais être numéro mondial », confie-t-elle. Pour l’heure, nos prodiges devront tout d’abord dompter le classement africain dans leur catégorie où elles occupent respectivement les places de 10ème et 14ème. On ne peut que leur souhaiter bon vent.