Aucune des cinq sélections africaines n’a passé le premier tour de la Coupe du monde. Un bilan négatif qui contrarie Patrick Mboma. L’ancien buteur des Lions indomptables du Cameroun, qui voyait au moins deux équipes atteindre les huitièmes de finale, revient sur ce qu’il faut bien appeler un beau plantage...
Si on emploie le terme de fiasco pour résumer le parcours des Africains en Coupe du monde, cela vous choque ?
Non. C’est le bilan qui me chagrine. Cinq équipes qualifiées, aucune présente en huitièmes de finale, ça fait mal. Évidemment, je ne m’attendais pas à ce qu’elles franchissent toutes le premier tour. Je misais plutôt sur deux, voire trois sélections.
Lesquelles ?
D’abord, le Sénégal. À mes yeux, c’était la plus complète, la plus forte des cinq. Les Lions n’avaient aucun complexe à avoir. Mais je pense qu’après leur succès face à la Pologne (2-1) et le nul contre le Japon (2-2), on les a vus trop vite qualifiés. Et eux aussi, peut-être. Notamment après leur victoire. Pourtant, on savait que les Japonais allaient leur rendre la vie difficile. Et ce fut le cas : c’est contre le Japon que les Sénégalais ont eu le plus de difficultés. Ensuite, je pensais que l’Égypte avait les moyens de sortir de son groupe. Pour être honnête, j’ai surtout eu cette impression jusqu’au 26 mai dernier...
Jusqu’à la blessure de Mohamed Salah à l’épaule, en finale de la Ligue des champions contre le Real Madrid (1-3)...
Voilà. Je savais que l’Égypte était dépendante de lui. Il a manqué le premier match contre l’Uruguay (0-1), il était là pour les deux autres. Mais pas à son niveau. Il était à 50, 60% maximum. Et je me suis rendu compte que son équipe était plus que dépendante de lui. L’Égypte avec Salah à 100% pouvait espérer autre chose. Mais ce n’était pas le cas. Son élimination est logique. Elle n’a quasiment rien proposé, n’a fait que défendre.
Restent le Maroc, le Nigeria et la Tunisie...
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Le Maroc a montré des choses. Sur le plan du jeu, il a rivalisé avec le Portugal (0-1) et l’Espagne (2-2). Mais c’est face à l’Iran (0-1) qu’il a compromis ses chances.
S’il gagne ce match, il est capable de foutre le bordel dans le groupe et de se qualifier face à un des deux Européens. Mais les Marocains se sont mis trop de pression lors du premier match. Ils étaient nerveux, face à une équipe défensive, provocatrice. Le Nigeria, lui, avait affiché de belles promesses en qualifications. Sortir devant le Cameroun, la Zambie et l’Algérie, ce n’est pas rien. Mais j’avais un peu occulté le fait que les Nigérians sont jeunes, parfois très jeunes. Et ils ont été rattrapés par leur jeunesse. Mais c’est une équipe qui a normalement un avenir intéressant devant elle. Quant à la Tunisie, on a pu constater que l’absence de Msakni était préjudiciable. Avec la Belgique et l’Angleterre dans son groupe, la marche était un peu trop haute. Pour moi, son élimination n’est pas vraiment une surprise.
Lors de cette Coupe du monde, plusieurs voix africaines se sont élevées pour dénoncer parfois un arbitrage partial. Vous joignez-vous à ce concert de protestations ?
Non ! J’ai parfois eu l’impression d’entendre parler de théorie du complot... Cela va un peu loin. J’ai du mal à croire que la FIFA ait exigé que les Africains bénéficient d’un traitement particulier au niveau de l’arbitrage. Que l’instance n’envisage pas la présence d’une ou deux équipes africaines au second tour. Honnêtement, la théorie du complot, ça me fait rire. À croire que seuls les Africains ont été victimes de décisions plus ou moins contestables. Lors de Colombie-Sénégal (1-0), l’arbitre a accordé un penalty à Mané avant de revenir sur sa décision avec l’aide de l’assistance vidéo. J’ai revu l’action : il n’y avait pas penalty. Même chose quand le Nigeria réclame une main de Rojo dans la sface : cette main est totalement involontaire !
Ce qui a également beaucoup marqué les esprits, ce sont les buts encaissés par les Africains sur les coups de pied arrêtés. Comment expliquez-vous cette évidence ?
Des buts souvent encaissés dans les dernières minutes, d’ailleurs... J’explique cela par les effets de la fatigue, un manque de concentration et de travail. La fatigue en fin de match est la même pour tout le monde. La concentration, il faut bien avouer que c’est un problème pour les équipes africaines.
Et le travail ?
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Je n’étais pas aux entraînements, mais j’ai remarqué, lors des matchs des Africains, que non seulement ils encaissaient pas mal de buts sur coups de pied arrêtés, mais qu’offensivement, ils n’étaient pas très efficaces dans ce domaine. Si on ne bosse pas assez les coups de pied arrêtés défensivement, cela veut sans doute aussi dire qu’on ne les travaille pas assez offensivement.
Le niveau du football en Afrique est-il un des éléments qui explique ce fiasco ? C’est en tout cas un argument assez en vogue ces derniers jours...
Si une ou deux équipes africaines avaient franchi le premier tour, j’aurais quand même fait ce constat. Oui, il faut professionnaliser le football en Afrique. La question n’est pas nouvelle. Hormis en Afrique du Nord et en Afrique du Sud, il y a beaucoup à faire pour améliorer les championnats, les structures, la formation des jeunes, des entraîneurs, etc. Mais je rappelle quand même qu’en Russie, la plupart des sélections étaient composées majoritairement soit de binationaux, soit de joueurs évoluant en Europe. L’Égypte, la Tunisie et le Maroc comptaient quelques locaux. J’espère que certaines fédérations travailleront plus et mieux à l’avenir, pour que le niveau du foot africain s’améliore.