Plus vieux buteur de l’histoire des Coupes du monde, le Camerounais Roger Milla est surtout très fier de ce but où il se fait une auto-passe décisive contre la Roumanie en 1990 et qu'”aucun autre joueur n’a marqué”, raconte-t-il à l’AFP.
Vous parle-t-on encore souvent de votre Mondial-1990?
“Toujours, ce sont les gens qui font en sorte que je reste dans les mémoires, je reçois des coups de fil de partout, des supporteurs, des gens qui ont apprécié cette Coupe du monde, qui ont glorifié cette équipe nationale du Cameroun.”
Quels sont vos souvenirs de cette épopée?
“Que des très bons souvenirs collectifs, de notre qualification jusqu’à notre très grand match contre l’Angleterre (le quart de finale perdu 3-2 a.p.), et évidemment, personnellement, mes quatre buts. Le meilleur buteur (Toto Schillaci) était à six, si j’avais tiré aussi les penalties j’aurais peut-être fini 2e ou 1er. Un footballeur africain finir parmi les 5 meilleurs d’une Coupe du monde, on n’avait jamais vu ça, ni parmi les trois meilleurs buteurs.”
Doublé contre la Roumanie (2-0), doublé contre la Colombie en 8e de finale (2-0 a.p.), à chaque fois en entrant en jeu, quel est votre préféré?
“Le plus beau c’est la passe que je me fais à moi-même sur le deuxième contre la Roumanie, j’espère que vous allez écrire un gros article sur ce but-là, parce qu’aucun autre joueur n’en a marqué un comme ça. Je ne comprends pas pourquoi vous ne parlez pas plus des Africains. Pour moi c’est une question de racisme. Si un Brésilien, un Allemand ou un Français l’avait marqué, vous auriez cassé les oreilles au monde entier avec ce but hors classe (rires). Comme c’est un Camerounais, un Noir, on n’a fait aucun commentaire. Pourtant des Européens me disent qu’il devrait figurer parmi les meilleurs buts du monde entier.”
Pouvez-vous le raconter?
R: “Il part d’un coup franc de la gauche, joué entre Pagal et Kunde, un défenseur prend le pied de Kunde sur son contrôle, le ballon vient vers moi en bondissant et quand je lève les yeux je vois qu’Omam-Biyik est dans la défense avec un seul défenseur, j’essaie de faire un une-deux aérien avec lui, mais personne n’a touché le ballon j’ai récupéré derrière et j’ai fusillé le gardien. Un joueur qui se fait la passe à lui-même, c’est du jamais-vu dans le football! Même mon ami le roi Pelé a abdiqué (rires)!”
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Vous rendiez-vous compte alors que cette équipe avait touché le monde entier?
R: “Je pense qu’à partir de cette première qualification pour les quarts, la FIFA a vu le jour, le monde entier a compris qu’en Afrique il y a des très, très grands footballeurs, et des très grandes nations de football sur lesquelles il faut compter. Le Ghana (2010), le Sénégal (2002) ont fait la même chose après nous, nous voulons que d’autres équipes y arrivent. Cette année-là une porte a été ouverte pour le continent africain.”
Déjà à 30 ans au Mundial en Espagne vous auriez pu compter un but…
“Dès 1982 j’aurais pu ouvrir mon compteur contre le Pérou (0-0), mais pour le monde entier c’était un but, moi je le mets dans mes archives, il y avait but. Cette année-là (Cameroun devancé en poules par l’Italie, futur champion du monde, au nombre de buts marqués), nous aurions pu aller en demi-finale et on aurait pu arriver en finale et créer une surprise.”
Vous marquez encore en 1994 à 42 ans, êtes-vous fier de rester le buteur le plus âgé en Coupe du monde?
“Contre la Russie (6-1) au dernier match, je marque le seul but, avec une aisance technique et une force de jeune homme (rires). Mais nous aurions dû faire mieux, on mène quand même contre la Suède jusqu’à quatre minutes de la fin au premier match (2-2). Oui j’en suis fier. J’ai prouvé devant le monde entier que même à 42 ans, si on est bien conservé, on peut. Je suis une légende en Afrique, ou en Amérique du Sud, où le Roi Pelé a demandé pourquoi je n’étais pas né brésilien. Je l’ai fait pour mon pays et mon continent, j’aimerais qu’on en parle plus en Europe, en France, où j’ai fait toute ma carrière.”