Cette décision trahit l’embarras de la Fifa face à un Fecafootgate dans lequel elle a été prise en flagrant délit de facilitation et de cautionnement de la forfaiture et de l’imposture qui règnent sur le football camerounais depuis plus d’une décennie.
La FIFA vient de nommer un comité de normalisation à la tête de la FECAFOOT. Quels commentaires faites-vous de cette décision?
Cette décision trahit l’embarras de la Fifa face à un Fecafootgate dans lequel elle a été prise en flagrant délit de facilitation et de cautionnement de la forfaiture et de l’imposture qui règnent sur le football camerounais depuis plus d’une décennie. Etant habituée à mettre facilement au pas les petites fédérations des pauvres pays africains, la Fifa a été sérieusement décontenancée par les parties adverses de ses protégés dans le conflit de la FECAFOOT, qui ont opposé des arguments de droit irréfutables aux tentatives de passage en force perpétrées par les héritiers de Iya Mohammed avec le soutien des autorités de l’Etat qu’ils ont réussi à rallier à leur cause.
La décision de nommer à nouveau un Comité de Normalisation à la FECAFOOT apparaît ainsi comme une manœuvre de la Fifa pour reprendre la main dans un conflit qu’elle a pris de haut, sous-estimant à tort le courage, la résistance, et la perspicacité de certains acteurs.
Cette décision de la Fifa résonne également comme un gifle cinglante assénée (peut-être involontairement) à tous les hypocrites qui, depuis plusieurs années, posent des actes d’incivisme en piétinant les lois de la République, et traitent ceux qui réclament et soutiennent la vérité et la légalité d’antipatriotes. Il aura fallu l’intervention de l’étranger pour les arrêter dans leur arrogante illusion de pouvoir absolu.
Enfin, la décision prise par le Comité Exécutif de la Fifa est un rappel à la raison adressé à ces diplômés-bûcheurs qui n’ont eu de cesse de narguer les camerounais, en tronquant, toute honte bue, le savoir scientifique pour servir des intérêts égoïstes.
N’est-elle pas selon vous tardive, parce qu’elle arrive presqu’à la fin du 1er mandat de Tombi A Roko Sidiki?
Votre question est mal posée, parce que M. Tombi A Roko n’a jamais eu de 1er mandat à la tête de la FECAFOOT, son élection ayant été annulée. En réalité, la FECAFOOT est acéphale depuis que la dernière élection a été annulée. Ce que vous vouliez dire, c’est que l’imposture au sommet de la FECAFOOT était en passe d’achever la durée prévue pour une mandature, et vous estimez peut-être, comme certains autres qui ont inventé la notion de « fatigue judiciaire », qu’on devrait laisser les imposteurs achever leur pseudo-mandat, puisqu’il ne restait plus beaucoup de temps. Eh bien, si on ne stoppe pas l’évolution d’une gangrène susceptible d’engager le pronostic vital d’un organisme, ce n’est plus de retard qu’on parlera à terme, mais de disparition.
Ce qui arrive tardivement, c’est plutôt la décision de la Fifa de prendre en considération la sentence de la Chambre de Conciliation et d’Arbitrage (CCA) du Comité National Olympique et Sportif du Cameroun (CNOSC), implicitement confirmée par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS), qui a annulé l’élection « remportée » par M. Tombi A Roko. Si cela avait été fait à temps, le sinistre feuilleton de la FECAFOOT serait peut-être derrière nous. Oui, la fin de la condescendance de la Fifa a pris du temps pour s’estomper, mais nous devons nous réjouir de l’avoir obtenue quand même.
Quelles sont les conséquences directes de cette décision de la FIFA, sur le football camerounais?
Le football camerounais va cesser d’être géré par un exécutif fédéral illégal dont l’essentiel des forces était consacré à s’acheter une légitimité à l’intérieur et à l’extérieur du pays. On se débarrasse ainsi d’un véritable boulet qu’on avait assez trainé comme ça.
Le football camerounais va encore entrer dans une phase tumultueuse dominée par le juridisme. A moins que les membres du Comité de Normalisation qui seront désignés trouvent la formule magique pour mettre tout le monde d’accord. Mais avant même leur désignation, le débat a déjà commencé sur l’opportunité de mettre en place un nouveau Comité de Normalisation alors que cette solution s’est avérée inopérante il y a quelques années seulement.
Le sort de toutes les décisions et engagements pris par l’équipe de M. Tombi va être questionné. Logiquement, tout cela tombe sous le coup de la nullité. Et cela va être très vite sur la table, avec la double confrontation avec le Nigéria. Hugo Broos ne sera-t-il pas fragilisé ? Les agents de joueurs qui étaient devenus les vrais sélectionneurs au sein des Lions Indomptables seront-ils mis hors d’état de nuire ? Nous avons là un avenir immédiat très incertain avec cette décision de la Fifa.
Enfin, il va de soi que la préparation de la CAN 2019 pourrait prendre un autre visage, en fonction des personnalités qui seront nommées au Comité de Normalisation. Il n’est pas évident que ces personnalités se soumettront servilement aux caprices des autorités gouvernementales, ce qui aura un impact sur les attitudes et les habitudes.
Ce que nous espérons le plus, c’est que la mise en place du Comité de Normalisation ramène un minimum de vertu dans la gestion de notre football. Je ne suis pas très optimiste dans ce sens, mais je croise les doigts quand même.
Est-ce qu’avec ce nouveau comité de normalisation on pourra resoudre la crise au sein de la FECAFOOT?
Pour être franc avec vous, je ne le pense pas. J’ai l’impression que ce qui est en jeu à la FECAFOOT depuis le départ de M. Iya Mohammed, c’est la protection d’un important scandale financier qui est parti de la Fifa, et dans lequel des personnalités de haut rang dans le pays sont certainement mouillées. Ainsi, tant qu’on n’aura pas la garantie que des individus incontrôlables ne viendront pas à la tête de la FECAFOOT pour révéler ce scandale, on y organisera toujours l’instabilité et des conflits sans fin.
Des gens ont parlé de puissance publique pour justifier le malheureux communiqué du MINSEP qui a conforté l’imposture à la FECAFOOT, mais cette puissance serait plus utile pour débarrasser notre football de ses fossoyeurs avérés, dont certains devraient probablement faire l’objet de poursuites pénales compte tenu de leurs états de services dans l’incivisme et les indélicatesses avec les deniers publics.
Lorsqu’on entend les parties prenantes au Fecafootgate, leurs propos ne sont pas rassurants du tout. Le mauvais rôle de certains médias et journalistes qui ont été plongés dans la mangeoire de notre foot et qui se démènent pour rester solidaires à leurs « bienfaiteurs », n’appelle pas à la sérénité non plus. Il sera difficile, en 6 mois, d’arriver à un résultat satisfaisant.
Mais ne soyons pas des oiseaux de mauvais augure, attendons de voir ce qui va se passer.
Tombi A Roko Sidiki qui vient d’être désavoué par la FIFA était le vice-président du COCAN 2019. Quels sont les conséquences de cette décision sur cette organisation?
Le Président du Comité de Normalisation qui fera office de président de la FECAFOOT intégrera, es-qualité le Cocan à la place réservée à ce titre. De la même manière, s’il le juge nécessaire, il reviendra sur la désignation des membres du Cocan qui incombe à la FECAFOOT. Après, ce sera une question de tempérament d’individus qui ne seront plus tenus sous la coupe du MINSEP comme ceux qui se savaient dans l’imposture, ce qui pourrait secouer un peu l’inertie et la théâtralisation qui y régnaient.
Tombi A Roko Sidiki pourra-t-il être candidat à la fin de la mission du comité de normalisation?
En l’état actuel des choses, rien ne le lui interdit. A moins que les nouveaux textes contiennent des clauses qui le disqualifient. A moins aussi qu’il soit la victime de l’instauration d’un zeste de vertu dans la gestion de notre foot.
Selon vous, un comité de normalisation est-il la solution à la crise au sein de la FECAFOOT ?
Non, pour moi le Comité de Normalisation n’est pas la solution à la crise au sein de la FECAFOOT, et le passé récent l’a démontré, puisqu’il y a déjà eu un Comité de Normalisation qui a échoué. Je l’ai toujours pensé, la solution serait que le Cameroun se retire momentanément de la Fifa (les textes de la Fifa le prévoient), qu’on dissolve la FECAFOOT, et qu’on remette tout à plat. Si on l’avait fait dès 2013, nous aurions probablement fini la réorganisation interne de notre foot, et nous serions déjà revenus sur la scène internationale.
Il faut recréer la FECAFOOT. Ce retrait momentané de l’agrément de l’Etat éteindrait d’office toutes les procédures pendantes dans les juridictions, et on ne tergiverserait plus sur l’Assemblée Générale qui doit voter les nouveaux textes de la FECAFOOT, puisqu’on ferait une constituante.
Rassurez-vous, je ne rêve pas les yeux ouverts : la gouvernance du pays n’est pas du genre à prendre une telle décision. Et avec le nouvel opium de nos autorités qui est la CAN 2019, il ne faut même pas y penser.
Que deviendront les actes posés par ce dernier durant les deux années d’exercice?
Très bonne question. Le Comité de Normalisation devrait normalement avoir le loisir de faire le tri des décisions prises par l’équipe Tombi A Roko, et voir ceux qui seront confirmés et ceux qui seront dénoncés.