L’amateurisme, le clientélisme et surtout l’absence de championnat sont les principales causes des déboires de la sélection minime à ce rendez-vous mondial. Mais où passent les fonds alloués par la Fifa pour le développement du football jeune au Cameroun?
L’édition 2018 du «Mondial» de Montaigu s’est achevée lundi dernier par le sacre du Portugal, devant le Brésil. Le Cameroun a terminé avant dernier, après avoir remporté son match de classement devant Haïti, 3-1. Pour un bilan de deux défaites (8 -1 face au Brésil et 2-0 contre l’Angleterre) et un nul 1-1 devant la Russie.
A l’heure du décompte final, le bilan du Cameroun est bien maigre, avec 12 buts encaissés contre cinq marqués. L’année dernière déjà, les Lionceaux n’avaient pas fait mieux. Ils s’étaient inclinés lourdement en ouverture face à la France (1-7) et avaient terminé derniers du tournoi. Les contre-performances des Lionceaux, ces deux dernières années, contrastent nettement avec leurs prestations lors des éditions antérieures. En rappel, les minimes camerounais ont remporté l’épreuve de 1986, 1993, 1994 et 1995.
Mais que s’est-il passé entre-temps? En fait, l’origine des maux qui minent cette sélection est assez lointaine : – la résiliation subite du partenariat entre l’Ecole des Football des Brasseries du Cameroun (EFBC) et le Fc Nantes qui supportait toutes les charges des déplacements de la délégation camerounaise, avec comme contrepartie, le premier choix des meilleurs de l’EFBC (Salomon Olembé, Patrick Suffo, Djemba Djemba) a causé beaucoup de tort au Cameroun.
En outre, l’équipe française n’avait pas accepté qu’en 1996, l’Ecole des Brasseries soit d’abord allé jouer un tournoi à Lille avant de venir disputer le tournoi de Montaigu. Les cadres du ministère des Sports qui, venus nombreux comme d’habitude, pour accompagner l’EFBC à Montaigu pour l’édition de 1992, ont été confrontés au refus des Brasseries du Cameroun de les intégrer dans la délégation. D’où la rupture avec la tutelle, ceci malgré les victoires engrangées…
En 1996, l’EFBC n’étant plus partante, la KSA de Gilbert Kadji s’est portée volontaire, mais s’est désistée à la dernière minute, au grand dam des organisateurs qui, déçus, ne voulaient plus entendre parler du Cameroun. En 2013, après moult négociations, la participation désastreuse de Semences Olympiques du promoteur Pascal Atangana, grâce à l’entregent de son ami le ministre Bidoung Mkpatt (son camarade de classe au Lycée d’Obala), va enfoncer davantage le Cameroun.
Le comble, c’est le clientélisme et le trucage sur les âges lors de la sélection de certains joueurs. De l’avis du chroniqueur de sport Thierry Ndo : « Le numéro 14 de la liste du Cameroun. D’après une source fiable à 100%, ce joueur, sociétaire de Semences olympiques, a pu se soustraire de la tanière le 29 mars 2018 avant la défaite face à l’Angleterre (0-2) avec le consentement et l’aide du chef de délégation qui avait déjà tout planifié depuis le pays… Plus grave encore, il nous a été certifié que le déserteur avait changé d’identité avant le voyage, car il s’appelle en réalité Mendo; et que plusieurs de ses coéquipiers parmi les 19 restants sont dans la même logique et les mêmes prédispositions que lui: fuguer… ». On n’en vient qu’à souhaiter que ce soit le seul cas de fugue de la délégation camerounaise, est censée être de retour au bercail ce jeudi 5 avril 2018.
La participation du Cameroun à ce tournoi est totalement gérée par le ministère en charge des Sports et est placée sous la conduite directe de Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt. Le chef de délégation Pascal Atangana est le bras droit du ministre qui s’occupe de toutes les charges et des contacts avec les organisateurs. C’est une ligne budgétaire de 100 millions de francs CFA dans les finances du Minsep que Pascal Atangana gère uniquement pour ce tournoi.
Entre-temps, la Fifa a, dans le cadre de son programme de développement de football jeune et foot-féminin, dénommé Forward, décidé d’augmenter significativement le montant du soutien financier aux associations membres – USD 5 millions, soit environ 2.5 milliards de francs CFA par cycle quadriennal pour chaque fédération contre USD 1,6 million auparavant.
Mais, dans ce pays où le cœur de 23 millions de concitoyens vibre au rythme du football, depuis le lancement, en grande pompe, par la Fecafoot à Abong-Mbang, le 23 avril 2016 du championnat minime, aucun autre match officiel ne s’est disputé. Comment procède-t-on pour sélectionner les joueurs dans cette tranche d’âge ?
Dès la fin de la raclée face au Brésil 8-1, Michel Kaham, président de l’association des entraîneurs et éducateurs sportifs du Cameroun, membre de la délégation camerounaise à Montaigu, a fait un diagnostic sans concession : «Je ne pense pas que le Mondial de Montaigu de cette année soit plus relevé que celui de l’année dernière. Le seul problème c’est qu’au Cameroun, le championnat ne se joue pas et que c’est une mauvaise sélection qui vient souvent à Montaigu. Quand il n’y a pas de championnat, comment voulez-vous faire un choix objectif ? ».