Sévèrement écarté de la qualification pour le Mondial 2018, début septembre, après un match nul face au Nigeria, le football camerounais est à l’agonie.
Il n’y a pas si longtemps pourtant, en février, le pays remportait la Coupe d’Afrique des nations au Gabon et célébrait en dansant sa victoire inattendue face aux Pharaons. Mais l’éclaircie de Libreville aura été de courte durée. Cette équipe que l’on avait tant aimée a eu tôt fait de redescendre des cimes où un sens aigu du collectif l’avait placée, et les Lions indomptables sont redevenus « fourbus », « domptables » ou « édentés » – les railleries ne manquent pas.
Certes, la chute de l’une des nations phares du football continental et mondial ne peut ni occulter son palmarès (cinq victoires en finale de la CAN, un titre olympique et une place de quart de finaliste au Mondial en 1990) ni jeter le discrédit sur l’ensemble des acteurs de cette déconfiture. Mais c’est une longue course d’obstacles à l’issue incertaine qui attend un pays plus prompt à exhiber son orgueil qu’à corriger ses errements et à valoriser son potentiel.
Il faut déjà qu’une nouvelle organisation du football se mette en place. Entre l’élection invalidée à la tête de la fédération camerounaise, les atermoiements de la Fifa et, sur le terrain, le passage de relais calamiteux entre la génération merveilleuse de Samuel Eto’o et la suivante, ces dernières années ont été ubuesques. Le football camerounais n’est plus qu’un champ de ruines – voire de mines antipersonnel.
Ce n’est pas seulement dû à la gouvernance sportive. C’est lié, prétendent les uns, à la fossilisation de la vie publique, aux rivalités qui opposent les ardents défenseurs du statu quo et les forces centrifuges qui agissent pour une redistribution générale des cartes politiques. Pour les autres, le football camerounais a sa logique… que la logique ne connaît pas. « Le Cameroun, c’est le Cameroun?! » nous dit-on. Mais remettre sur le métier cette ritournelle bien connue, c’est botter en touche?! Comme s’il n’y avait pas de quoi fouetter un chat parce que, cette fois encore, les grands esprits qui veillent sur le pays allaient pourvoir… Cette vision magique et mystificatrice a trop duré?!
Les Lions ont failli. Ils seront privés de Moscou et de Saint-Pétersbourg l’an prochain. Ils ne verront pas le pays d’Alexandre Pouchkine dont l’aïeul noir, Abraham Hanibal, était originaire du nord du Cameroun (l’excellent travail de l’historien Dieudonné Gnammankou en atteste). Il est regrettable qu’aucun des brillants cerveaux que compte l’administration des sports au Cameroun n’ait pu instruire les Lions, même souffreteux, même édentés, de l’enjeu géopolitique et de la portée historique et symbolique que revêtait leur présence en Russie. Cela montre bien qu’il y a, plus globalement, une absence de vision des enjeux du sport de la part de ceux qui en sont les gestionnaires. Il n’est pas certain que la nouvelle structure de pacification et de raccommodage installée à la Fecafoot procède aux évaluations nécessaires et aux réformes adéquates. Elle a un objectif?: sauver la CAN 2019, qui doit être organisée au Cameroun. La tâche n’est pas insurmontable, mais cela n’apportera que des réponses ponctuelles, guère de choix décisifs pour sortir des approximations et des bricolages habituels.
En ce qui concerne le facteur politique, les esprits éveillés ou échauffés par l’échec des Lions ne devraient pas tout confondre, au risque de ne rien résoudre. Le problème de la reconduite d’un président de la République, de fait « leader maximum » à contrat électoral à durée indéterminée, autant dire inamovible, n’est qu’un des aspects de l’incapacité de la nation elle-même à régler ses problèmes. Mais il reste vrai que le football revêt une telle importance au Cameroun et que le climat actuel est tel que lorsque les Lions indomptables s’enrhument, c’est le pays tout entier qui grelotte.