Opinions of Wednesday, 13 June 2018

Auteur: Bibou Nissack

Ambazonie: entre la France et les USA, le coeur de Paul Biya balance

Les points de vue des deux puissances sur la crise anglophone divergent Les points de vue des deux puissances sur la crise anglophone divergent

Des titres pompeux annonçaient triomphalement l’arrivée d’Emmanuel Macron aux USA pour une visite officielle il y a peu. Hélas, l’enthousiasme hexagonal fut vite douché par l’entrée en vigueur des taxes américaines sur l’acier européen au lendemain de la visite du Français, suivie de la confirmation par le président Donald Trump de l’application à l’Iran par les USA du plus haut niveau de sanctions possibles, en représailles au projet nucléaire jugé par Trump trop susceptible d’aboutir au développement balistique de la capacité nucléaire iranienne.

Double camouflet pour le président français, car sa mission visait le retour des USA dans le JCPoA (Joint Comprehensive Plan of Action) ou accord iranien sur le nucléaire, et la renonciation étasunienne à la taxation annoncée de l’acier européen. Et comme ‘’jamais deux sans trois’’, tandis que les médias hexagonaux annonçaient hâtivement un match à 1 (USA) contre 6 au sommet du G7 du weekend dernier, l’estocade est arrivée d’un Trump qui, en prélude au G7, a vertement accusé Canadiens et Français de pratiquer une taxation trop agressive sur les produits américains.

Au finish, Trump, durant le sommet, qualifiera Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, de ‘’very dishonest and weak’’ (très malhonnête et faible), et partira avant la photo de famille sans signer le document final du sommet en suggérant un retour russe au gotha. C’est évident que des difficultés s’annoncent pour le régime présidant-gouvernant camerounais, qui, traditionnellement, assume pleinement son tropisme français, empreint d’un favoritisme désuet. D’où un Cameroun sphère d’influence militaro-économico-politique française monopolistique. C’est donc sans surprises que la virulence contre une imaginaire, car non actée ‘’violation de la souveraineté’’ camerounaise alléguée officiellement par le Minrex, dans son communiqué anti-Barlerin, ne trouve à s’exprimer que pour si peu, tandis que les réelles ‘’violations de notre souveraineté’’ attestées sont ignorées.

Citons sommairement le franc Cfa, à la gestion duquel participe avec prééminence la France, sans être ni utilisatrice, ni membre des zones d’émission de cette ‘’monnaie’’ ; les attributions de marchés à des outsiders de ‘’short-list’’ préétablies, tel le terminal à conteneur du Port en eaux profondes de Kribi, suite à un entretien Biya-Hollande, lors d’un fugace séjour nocturne de ce dernier à Yaoundé, et l’éviction il y a des années d’un ministre de l’Education dont le projet de filière nationale dopée du livre menaçait le monopole de l’édition française au Cameroun. Criardes manifestations d’un parti-pris du régime présidant-gouvernant en faveur des ‘’intrusions’’ françaises.

L’intérêt du Cameroun est-il donc de se sacrifier pour sauvegarder à tout prix une coopération dont le véritable sens bénéfique réciproque et amical profond demeure attendu ? Doit-il affronter l’ogre américain, ou le renvoyer dos-à-dos avec la France ? Peut-être tenonsnous là l’opportunité historique exceptionnelle de faire du Cameroun une Suisse africaine, en usant de cette lutte d’influence annoncée. Pour autant que le calcul de nos autorités ne soit pas un instinct de survie personnelle, mais d’intérêt général sur qui pourra incarner cette nouvelle donne. Let’s wait and see ! Entretemps, le prétexte offert par les atermoiements et erreurs monumentales de Yaoundé dans la gestion des prémices de la crise au Nord-Ouest/Sud-Ouest, couplé au report indéfini du dialogue national, fournit inéluctablement en grains le moulin intrusif international. Etrange silence français au conseil de sécurité, en riposte aux mises en garde de la représentante étasunienne aux autorités camerounaises dans le ciblage des populations civiles durant cette crise.

D’autant plus curieux que le courrier présidentiel français adressé au président camerounais pour la fête nationale du 20 mai dernier, évitait soigneusement l’évocation des réfugiés camerounais au Nigeria et les milliers de déplacés internes, s’empressant de condamner uniquement les tueries contre les forces armées.