Opinions of Sunday, 11 June 2017

Auteur: Christian Djimadeu

Crise anglophone: Bamenda pardonne, mais n'oublie pas

La vie a repris son cours quasi normal dans la capitale régionale du Nord-ouest La vie a repris son cours quasi normal dans la capitale régionale du Nord-ouest

Refus de liberté provisoire aux leaders anglophones, procès renvoyé au 29 juin. La grève du lundi, toujours observé, et le calme qui revient peu à peu dans la ville montre clairement que certaines plaies restent béantes. La décision du tribunal militaire au sujet de la libération des principaux leaders de la contestation anglophone était très attendue ce 7 juin 2017, malheureusement la demande de remise en liberté provisoire a été refusée pour les leaders anglophones et le procès a été renvoyé au 29 juin prochain. Il faudra donc encore attendre pour Me Felix Nkongho, Dr Fontem Neba et Mancho, les leaders anglophones accusés, avec vingt-cinq autres prévenus, de « terrorisme, rébellion, crime et délits d’opinion », ils avaient plaidé non coupable, et leurs avocats espéraient obtenir leur libération provisoire à l’issue du procès de ce 7 juin. Si tel était le cas, les accusés se présenteraient libres aux audiences, tout en étant astreints à des mesures de surveillance et au versement d’une caution.

Et pourtant, le 24 mai, le ministère public ne s’est pas opposé à cette éventualité, même si beaucoup avait vu en cette libération un acte qui aurait calmé davantage les tensions dans ces deux régions. Dans la région du Nord-ouest, ce 29 mai 2017. Du péage de Santa, un point d’entrée dans la région, en passant par Akum jusqu’au centre administratif de la ville de Bamenda (Up Station), la plupart des activités économiques sont à l’arrêt. On se croirait à un dimanche, jour consacré au culte religieux chez les fidèles chrétiens et au jour de repos pour les animistes. La raison est qu’ici, comme dans plusieurs autres villes du Nord-Ouest et du Sud-ouest, le lundi est une journée de désobéissance civile. Une partie de la population juge toujours insuffisantes les réponses apportées aux revendications soulevées dans le cadre de la crise anglophone débutée en novembre 2016. Et donc le lundi, plusieurs arrondissements sont en mode « Ghost Town », entendez : « ville fantôme ». Une « Ghost Town » qui se constate par la faible densité du trafic routier, des marchés déserts, et des magasins fermés à certains endroits jusqu’à 18 heures. Le lundi à Bamenda, il est possible de parcourir 2 km sans apercevoir le moindre véhicule. Magasins et boutiques sont fermés au grand dam des consommateurs. Même si d’aucuns trouvent satisfaction auprès d’une minorité de commerçants téméraires et rusé qui usent de plusieurs méthodes pour mener leurs activités. En écoulant notamment leurs produits derrière les échoppes loin des regards malveillants. C’est en effet le côté clandestin de la grève qui se développe depuis la chute des violences. Au quartier Akum, situé à quelques kilomètres de Bamenda, quelques vendeurs de pomme de terre, de carottes et de choux postés à certains carrefours évoluent à visages découverts. Par contre, des tenanciers de boutiques vivent avec la psychose. Le reporter de Baromètre Communautaire tente de se confondre parmi les clients d’un magasin. Son visage, méconnu des riverains suscite craintes et suspicions. « Que cherchez-vous monsieur ?... On ne vend rien ici aujourd’hui », nous largue-t-on, au milieu d’un groupe de personnes hagardes, tenant certaines marchandises en mains, et argent pour d’autres pour effectuer les transactions.

Pas de « Ghost town » à limbe

Pourtant, du côté du centre-ville de Bamenda, les moteurs de l’activité économique tournent à plein régime. A en juger par des nombreux taxis qui vont et viennent, les boutiques et snacks bars accueillent sans cesse des clients. « Nous ne connaissons pas le Country Sunday (Autre appellation du Ghost Town. Ndlr). Nous sommes à Up Station, le centre administratif, le siège des institutions de la région, la zone est bien sécurisée », renseigne un barman qui a requis l’anonymat. Ce dernier reconnait tout aussi que la chute des violences justifie la poursuite de leurs activités. « Pendant les mois de décembre, janvier et février personne n’avait le courage d’ouvrir sa boite, il y avait des coups de feu partout, les choses ont beaucoup changé depuis lors, c’est ce qui explique aussi que nous soyons là ». Selon des témoignages recueillis au quartier Ndop, l’un des foyers de tension autrefois compté parmi les plus ardents, le calme revient également peu à peu. « Les gens sont de plus en plus calmes. On regarde le gouvernement agir. Le Ghost Town du lundi est respecté mais plus comme par le passé. Vous voyez des gens qui circulent, d’autres font même du commerce sans être inquiété », explique un jeune étudiant. C’est dans ce climat de quiétude que les cours ont repris, et les examens officiels 2017 se déroulent sans anicroches. Idem dans la région du Sud-ouest, où plusieurs villes semblent avoir tourné le dos aux revendications.

Du côté de Limbe par exemple, le « Ghost Town » n’a presque jamais connu du succès. Contrairement à Buea, où la mesure connait une exécution à double vitesses. Quelques quartiers portent toujours les séquelles de la crise.