L'affaire-là a donc eu lieu dimanche 7 octobre. Et 3 jours après, rien n'est toujours clair, ni dans les stratégies à adopter, ni dans la suite des événements, ni dans l'avenir du #Cameroun.
Flashback: de l'impossibilité du consensus au candidat unique de forceps.
Jusqu'en fin septembre environ, la population et les "commentateurs" déploraient le manque de concertation entre les candidats pour choisir un candidat de consensus. Puis, dans la dernière ligne droite de la campagne, les mêmes "commentateurs" et médias ont identifié M. Kamto comme celui qui avait le plus de chances de gagner.
Sur la base de quels critères ? Sur base de l'affluence à ses meetings, la qualité et la quantité des personnes qui se ralliaient à lui (Paul Eric Kingue, Jean Pierre Bekolo, un jeune débatteur montant, Wilfried Ekanga, Penda Ekoka, etc.).
Ce à quoi le régime avait tenté de répondre en lançant dans l'arène ses jokers habituels que sont des Eto'o-pain-sardine, après un groupe d'affamés opportunément baptisé "G-faim" (lisez "G20"), et quelques autres affidés redevables au régime.
Dans le même temps, la dernière semaine de campagne, on ne voyait plus beaucoup ni Libii, ni Osih, encore moins Akere dans les médias mainstream.
La « mouvance Kamto » ainsi créée, s'est immédiatement doublée d'une question (im)posée aux autres candidats, d'abord en filigrane ensuite très frontalement : « Vous rejoignez Kamto pour faire gagner le changement ou vous vous maintenez au risque de faire gagner l'immobilisme? »
Ainsi donc, à défaut de s'être assis ensemble, pour décider consensuellement d’une stratégie commune contre le dictateur, c'est par une sorte de rapport de forces "du terrain", non consenti par tous, que l'équipe de Kamto, avec ses soutiens médiatiques, politiques et financiers visibles et de l'ombre, a imposé ce dernier dans l'opinion publique comme celui qui DOIT être le candidat "unique". Pour renforcer son statut de candidat de l'alternance, l'état-major de M. Kamto multiplie (s'il ne les avait déjà pas commencés) les contacts avec certains autres états-majors. Sa cellule de communication, qui a tenu la dernière semaine le haut des médias, fait fuiter qu'au moins 2 candidats sont prêts à se rallier : Muna et Matomba.
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Pour le premier, ce qu’est que le vendredi soir, tard, que le ralliement sera effectif. Le second quant à lui finira par s’en défendre à moins de 24 h du scrutin. Sans doute l'équipe de Libii a-t-elle opposé une fin de non-recevoir à ces sollicitations? Toujours est-il qu’on observe que les partisans de Kamto relaient dans les réseaux sociaux (bien que sur les espaces officiels de campagne du désormais « candidat de consensus », les propos sont corrects), des scoops pour discréditer Libii, le présentant comme une taupe du régime dans l'opposition et lui faisant d'avance endosser un éventuel échec de l'opposition face au dictateur.
On connaît l'issue de l'opération "ralliement ou trahison": seul Muna se rallie. On va donc aux élections avec une "Coalition" de 2 candidats contre les 6 autres de l'opposition, tous ("coalition" et "opposants") officiellement contre le vieux dictateur qui s'accroche. Une sorte de « duel à 3 ».
Le jour dit : entre position d'acceptation et de contestation du vote.
L'élection se déroule apparemment normalement dans les régions francophones du Cameroun. Les irrégularités observées sont les mêmes qui abondent toujours lors des scrutins présidentiels sous Paul Biya : bourrage des urnes, listes trafiquées, PV de dépouillement déformés, etc.
Une nouveauté cependant, toute la soirée est rythmée par la circulation, sur les réseaux sociaux, de photos de décomptes des voix (décomptes totaux ou partiels au moment des prises de photos? Cela n’est pas précisé), et de PV signés par des représentants de candidats : la majorité de ces photos indiquent que M. Kamto est largement en tête dans tous les bureaux de vote concernés. Des résultats de la diaspora, où le taux d'inscription est ridiculement bas par rapport au nombre de Camerounais en situation de voter dans les pays concernés, sont également publiés.
Ils sont plus mitigés, avec souvent une légère avance pour le dictateur. Une situation normale, puisque les listes électorales dans la diaspora étaient remplies des supporters du dictateur, alors que la plupart des autres Camerounais avaient, eux, tournés le dos à ces élections en n’allant pas s’inscrire. Dans un grand pays de diaspora comme la France, on parle de moins de 2000 votants sur une population d'au moins 800.000 voire 1 millions de Camerounais qui gardent encore leur nationalité et donc leur droit de vote.
Le jour d'après: le plus rapide dégaine, mais son tir touche-t-il quelqu'un?
Le jour d’après, dans une courte vidéo sur sa page Facebook, vidéo au demeurant peu diffusée, le candidat Libii dénonce les irrégularités et appelle très timidement ses partisans à défendre leur vote. Il n'a manifestement convaincu personne, à moins que la faible diffusion de la vidéo n’explique l’absence totale de réaction à son appel. Il fera suivre cette vidéo d'un court communiqué lui aussi publié sur FB, où il se déclare implicitement vainqueur, ajoutant pour tenter de rester crédible "qu'il reste à le prouver". Une affirmation donc -sans conditionnel- mais qu'il reste à prouver...
De son côté, M. Kamto, fort de son statut de candidat de la "coalition", dans une déclaration filmée, laisse suggérer qu'il dispose des preuves de son affirmation - sans les dévoiler - qu'il a transformé « le penalty » (il se dit donc vainqueur sans prononcer formellement ce mot) et appelle le dictateur à respecter ce verdict tout en lui assurant un avenir sans soucis s'il l'acceptait. Cette annonce est suivie de l'exaltation de ses partisans... sur les réseaux sociaux. Celui que beaucoup dans les réseaux sociaux appellent depuis lors le "président élu" avait-il songé à organiser, juste après son annonce, une manifestation de joie de ses partisans dans la rue ? Peut-être, peut-être pas. La pression eût sans doute été plus forte encore, tant sur le régime que sur les autres candidats qui ne l'avaient pas rejoint, si :
- il avait fait adjoindre à sa proclamation quelques images de liesse populaire (même organisée, peu importe, cela ajouterait à la crédibilité de sa popularité);
- il s'était aussi adressé, dans sa déclaration, en qualité de vainqueur putatif, aux autres candidats en leur tendant par exemple la main pour relever ensemble le pays, etc.
Qu'à cela ne tienne, cette annonce crée un vent de panique au sein du régime, à moins que ce ne soit qu'un service minimum. A chacun d'apprécier. La conférence de presse des apparatchiks du RDPC, affublés de quelques partenaires du "G-faim (20)", assez silencieux et potiches pour l'occasion, donne lieu aux oukases habituelles lus sur les mêmes tons sentencieux de ceux qui exécutent ce qu'on leur dit de lire.
Second jour d’après : fissures dans le mur.
Au second jour après les élections, les choses commencent à s'éclaircir un peu dans le camp de "l'opposition". Alors que certains médias sans doute proches de M. Kamto diffusent des chiffres globaux, supposés provenir des 25000 bureaux de vote et affichant une extraordinairement courte victoire de M. Kamto sur le dictateur (moins de 1%), aucun des autres candidats ne prend acte de la victoire de leur concurrent. Bien au contraire, le SDF et J. Osih laissent entendre qu'il est matériellement impossible de disposer d'informations suffisantes pour conclure à quoi que ce soit. Ils déclarent ne disposer que de 20% des résultats "corrigés" et donc exploitables.
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Libii ne change rien à sa communication, sur fond de colère à cause des attaques contre sa personne par les partisans de Kamto. S-E Matomba s'exprime, mais pour soulever des problèmes d'irrégularité sans faire allusion à un éventuel score final ni à un quelconque vainqueur. Même A. Muna lui-même, duo de la "Coalition" s'exprimant sur sa page Facebook, tout en réitérant son soutien à M. Kamto, ne l'appelle toujours pas "président", mais "candidat à l'élection présidentielle". Aux supporters de Kamto qui semblent avoir voulu le forcer à déclarer ouvertement que Kamto vainqueur en faisant diffuser une capsule audio où il attesterait de cette victoire, il répond par un communiqué officiel de démenti. En résumé, aucun des autres candidats, allié ou non de Kamto, n’entérine cette proclamation de victoire comme une évidence, ce qui ne conforte pas le "président élu" dans sa position de vainqueur.
Plusieurs autres sorties, aussi bien des pro-Kamto que des anti-Kamto, défendent ou s'indignent contre sa sortie de la veille. Entretemps, toujours pas de manifestation populaire de réjouissance de la victoire de M. Kamto. Prudence face à la sauvagerie connue du régime et de ses "forces du désordre"? Choix tactique de contester "dans l'apaisement"? Méthode (démonstration de rue) inadaptée au personnage du "président élu"? Chacun se fera son opinion.
Une conclusion est cependant évidente: dans le camp des forces qui se sont toujours réclamées pour le changement, il y a une fracture claire quant au soutien inconditionnel à apporter à M. Kamto dans cette élection. Une fracture qui pour le moment profite au RDPC et à son vieux chef.
Au troisième jour après les élections: Que faire ?
Au fur et à mesure que les jours passeront, en absence de mouvements tant politiques que populaires, une sorte de lassitude pourrait reprendre les populations qui se sont mobilisées pendant la campagne, et les renvoyer « vaquer à leurs occupations », ce qui signifie redevenir indifférentes.
D'autre part, la très mauvaise gestion de l'impossibilité à trouver un consensus entre les principaux candidats et notamment entre Kamto et Libii, semble avoir réveillé l'horrible démon du tribalisme que le régime RDPC-Biya a savamment entretenu, après celui d'Ahidjo et le régime colonial français. Un tribalisme dont le triste fruit aujourd'hui se décline en "pour ou contre un Bamiléké au pouvoir ?", loin derrière ce qui devrait, logiquement, préoccuper un électeur dans une démocratie gréco-romaine comme nous l'avons importée en Afrique, à savoir "pour ou contre les intérêts populaires, la souveraineté et l'anti-impérialisme"?
Il est important d’éteindre les braises de ce désolant tribalisme, en se reconcentrant sur l'essentiel, à savoir bouter hors du pouvoir ce régime qui n'a que trop duré, qui nous paupérise depuis des décennies et qui creuse chaque jour plus profond le gouffre dans lequel il a plongé le Cameroun. En d'autres termes, se reconcentrer sur l'ennemi et le malheur du peuple camerounais, plutôt que de se concentrer sur une victoire (peut-être réelle, peut-être fictive) de l'un des opposants et les lots de divisions et de frustrations que suscite cette éventuelle victoire.
Ce qui compte aujourd’hui, en plus de bouter du pouvoir M. Biya, c'est réconcilier le pays avec lui-même, et notamment les anglophones avec le reste du Cameroun, par l'organisation urgente d'un Dialogue National Inclusif, qui sera nettement plus facile avec la victoire de M. Kamto. Mais qui doit également, de toutes façons être exigé avec détermination, quand bien même M. Biya se proclamerait vainqueur et s’installerait par la force au pouvoir au terme de ce énième hold up. Dans ce dernier cas, ce Dialogue serait alors suivi d'une transition politique, seule à même mettre en place les institutions et les lois nécessaires à l'émergence d'un vrai système démocratique. Position que seules jusqu'à maintenant, le mouvement Cameroon Patriotic Diaspora et son partenaire local au Cameroun Stand up For Cameroon défendent depuis des mois. Et ces deux organisations, ainsi que tous les Camerounaises et les Camerounais qui n’ont pas participé à cette élection, se tiennent manifestement prêts à apporter leur contribution à la résistance qui indubitablement sera nécessaire pour faire barrage à ce hold-up électoral.
Il reste donc à M. Kamto, à C. Libii, à J. Osih, à A. Muna, à S-E Matomba, à F. Ndifor et à leurs supporters, à reprendre ensemble le refrain d'un Dialogue National Inclusif suivi d'une transition politique, même au lendemain d'une mascarade comme celle du 07/10. A toute heure, tout est possible, même au lendemain d’une élection. Et dans cette stratégie de rassemblement, qui doit incessamment mettre fin à la montée inquiétante des populismes tribaux de tout bord, la position de M. Kamto est déterminante, puisque tout se cristallise autour de lui. S’il s’estime investit de cette lourde mission de relever le Cameroun, il lui revient en premier lieu de rassembler et non de cliver autour de sa personne pour coordonner les actions de changements. Il lui revient de prendre contact avec ses anciens concurrents pour qu’ensembles, à défaut d’avoir choisi l’un d’entre eux, ils déterminent, avec les forces qui n’ont pas participé à la mascarade, une stratégie commune pour empêcher le maintien de M. Biya au pouvoir. Dans cette position déterminante, il lui sera enfin indispensable, pour se démarquer de la pratique dictatoriale du régime qui n’a jamais prouvé la moindre victoire de Paul Biya que par des chiffres factices et pour afficher ainsi le début du changement dans les pratiques, d’apporter en temps utile les éléments matériels à charge de sa victoire. Cela achèvera alors de mettre d’accord tous les acteurs déclarés du changement qui ne l'ont toujours pas rejoints et qui devront alors, avec ces preuves matérielles irréfutables, le supporter et défendre sa victoire jusqu'à la prise de pouvoir.
Autrement, sachant que le vieux dictateur ne se laissera pas chasser sans résistance, Kamto pourrait porter la responsabilité d'un nouveau 11 octobre 1992.
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Tous les acteurs de l’élection doivent rejoindre, au moins sectoriellement sur ce sujet, le CPD et Stand up for Cameroon dans la lutte acharnée pour un Dialogue National, indubitable le sujet de rassemblement autour duquel les Camerounais et toutes les forces vives démocratiques de la Nation, toutes tendances confondues sauf celles du pouvoir dictatorial, peuvent et vont se rassembler pour reconstruire ce pays déchiré de toutes parts et de tous sujets par une dictature sanguinaire.
Demain est un autre jour. Et cette analyse pourrait déjà être désuète. Mais j'en doute, du moins pour les tout prochain jours.