La chute du baron Issa Hayatou, battu jeudi 16 mars à la tête la Confédération africaine de football (CAF) par un quasi inconnu, le Malgache Ahmad Ahmad, est saluée un peu partout en Afrique. Je suis convaincu que cette défaite du Camerounais Hayatou ne changera pas grand-chose au fonctionnement de la CAF, car celle-ci n’est que l’appendice de la Fédération internationale de football Association (FIFA), véritable îlot de corruption et de malversations. Mais sa sortie piteuse est une excellente nouvelle, à bien des égards, en raison de sa portée politique. Et d’ailleurs, le président élu, Ahmad Ahmad, a choisi les mots justes pour caractériser le scrutin qui venait de se tenir à Addis-Abeba, en parlant d’« alternance » et de « changement de génération ».
Onde de choc
Les réactions très largement positives en disent long sur les attentes des populations africaines et leur profond désir d’être gouvernées autrement, et par de nouvelles têtes. Issa Hayatou n’ignorait pas ce que son image et sa longévité inspiraient aux Africains. Mais comme ses semblables, éternels chefs d’Etat, il restait sourd aux critiques, moqueries, invectives et désapprobations.
Ce dénouement après trois décennies de règne m’inspire un parallèle avec celui de Yahya Jammeh en Gambie. Ces deux chefs ont été évincés par des inconnus sur qui personne ne misait. Comme à chaque renouvellement de l’instance suprême du football africain, Issa Hayatou était le grand favori et devait naturellement aboutir à un huitième mandat consécutif.
En Gambie, malgré une opposition décimée par la répression, Adama Barrow a battu Yahya Jammeh à la stupeur générale, en premier lieu au sein du camp de l’ancien autocrate.
Issa Hayatou inspirait quelque chose de malsain en Afrique. Il fut le prototype du dictateur africain constamment réélu, disposant d’une cour et installant un système à la probité douteuse. L’ancien dirigeant de la CAF symbolisait tous les maux du continent avec des règnes interminables et des niveaux records de népotisme. On en arrivait même à comparer sans autre forme de procès Issa Hayatou à ces autocrates africains vieux, malades mais refusant obstinément de céder leur place. Je pense à son compatriote Paul Biya, au Congolais Denis Sassou-Nguesso, à l’Algérien Abdelaziz Bouteflika ou encore à l’Equato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema.
L’automne du patriarche
Ces derniers, comme Issa Hayatou ou Yahya Jammeh, sont de cette race de « présidents africains » dont nous ne voulons plus. Ceux-là qui symbolisent jusqu’à la caricature l’immobilisme de systèmes pourtant pourvus de ressources humaines fraîches et prêtes à reprendre le flambeau.
L’automne du patriarche Hayatou est arrivé, emportant dans son sillage celui dont l’image se confond, pour ceux de ma génération, avec le football africain. Son éviction est semblable aux fins de règne des autocrates africains : sans gloire ni dignité. Ils quittent la scène par la petite porte sous les huées sarcastiques que provoque le sentiment de délivrance.
Issa Hayatou part à la retraite, sauf s’il arrive à trouver un cadre afin de « mettre en œuvre son expérience au service des plus jeunes », dit-il. Il descend de son piédestal comme récemment l’ancien fantasque de Banjul au soir du 21 janvier.
Ces chutes rassurent l’Afrique sur son avenir. Bientôt, les dictatures ne seront qu’un mauvais souvenir, sur le continent comme elles le sont ailleurs. La démocratie, certes chancelante et imparfaite, s’imposera peu à peu et sa consolidation sera le défi des prochaines générations.
Pour reprendre un terme à la mode en Afrique, Issa Hayatou, comme Yahya Jammeh, sont « dans la sauce ». Bientôt, les derniers autocrates africains les rejoindront et fermeront un chapitre douloureux de l’histoire africaine. A nous d’écrire la suite.