Réligion of Tuesday, 4 July 2017

Source: ebugnti.wordpress.com

Affaire Mgr Bala: lettre ouverte d'un chrétien désemparé à Biya

Photo d'archive utilisée juste à titre d`illustration Photo d'archive utilisée juste à titre d`illustration

Un mois, jour pour jour, après l’ouverture d’une enquête sur l’assassinat de Mgr Jean-Marie Benoît Bala, évêque de Bafia, le silence de l’enquête est plus que jamais suspect.

De nombreuses hypothèses sont évoquées pour expliquer ce meurtre atroce. Mais elles demeurent toutes de l’ordre de la rumeur. La responsabilité du chef de l’Etat est de plus en plus engagées. Non seulement à travers certains de ses proches collaborateurs, mais aussi conséquemment aux précédents assassinats de prélats et religieux jamais élucidés depuis plus de 30 ans.

Dans une « Lettre ouverte » adressée à Paul Biya, Vincent Sosthène Fouda, une des rares voix à entretenir l’espoir de voir la vérité éclater sur ce drame, met le locataire d’Etoudi devant ses responsabilités.

Voici le texte, dans son intégralité.

Monsieur le Président de la République,

Cette lettre ouverte, écrite par un citoyen camerounais, un chrétien endeuillé et désemparé, vous parviendra pleine d’émotion, mais aussi de ressentiment.

Le 30 mai 2017 Jean-Marie Benoît Bala, évêque de Bafia a été enlevé à son domicile de Bafia Gondon vers 22 h 40. Le 2 juin 2017, son corps aurait été retrouvé à 19 km du pont d’Ebebda, par un pêcheur malien, lieu où son véhicule avait été trouvé garé deux jours plutôt.

Excellence Monsieur le Président de la République, au-delà de la déclaration de la Conférence des Évêques du Cameroun le mardi 13 juin 2017 qui dit : « Mgr Jean-Marie-Benoît Bala ne s’est pas suicidé, il a été brutalement assassiné », nous voulons ici souligner que Jean-Marie Benoît Bala que nous connaissions depuis 30 ans, a été torturé, électrocuté, émasculé et avait un bras et une jambe brisés au moment où son corps est présenté aux autorités religieuses, politiques et militaires.

Excellence Monsieur le Président de la République, ceux à qui nous avons confié la sécurité de nos biens et la nôtre ont failli, l’espace public est devenu un lieu de meurtre perpétuel dans notre pays.

Trente jours se sont écoulés, l’enquête diligentée par le procureur de la République tarde à rendre ses conclusions, la dépouille de Jean-Marie Benoît Bala est toujours sous séquestre, la famille, les Évêques et l’ensemble du peuple camerounais attendent des éléments de vérité afin de faire le deuil et de se réconcilier. Qu’est-ce qui explique que rien ne soit venu jusqu’à ce jour éclairer ce double assassinat en dépit de l’opiniâtreté de la Conférence des Évêques?

Monsieur le Président de la République, l’assassinat de Monseigneur Jean-Marie Benoît Bala n’est pas à séparer de celui de l’Abbé Armel Njama recteur du petit séminaire Saint-André de Bafia retrouvé mort dans sa chambre le 14 mai dernier ainsi que le dit la note du Saint-Siège.

Monsieur le Président de la République, nous avons mis ce temps d’attente des obsèques à profit pour lire, regarder et écouter notamment l’histoire de l’Eglise catholique qui est au Cameroun. C’est ainsi que nous avons découvert qu’en 1957, Monseigneur Pierre Bonneau a été assassiné dans notre pays parce qu’il avait fermé l’Ecole Normale de Makak. Vous étiez étudiant et vous avez donc certainement entendu de ce drame qui s’est achevé le 27 janvier 1957 à 16 h à Chevilly-Larue en France.

Monsieur le Président de la République, existe-t-il un lien entre l’assassinat de Monseigneur Pierre Bonneau et celui de Mgr Jean-Marie Benoît BALA? existe-t-il un lien entre le décès de l’Abbé Armel Njama et l’assassinat de Monseigneur Jean-Marie Benoît BALA qui du reste était votre oncle maternel?

Monsieur le Président de la République, nous attendons beaucoup des instructions en cours tout comme nous attendons beaucoup de la levée du secret-défense sur un certain nombre de documents nécessaires à l’écriture de l’histoire de notre pays et à l’éclosion de la vérité nécessaire pour la réconciliation des fils et filles de notre pays.

Monsieur le Président, le temps s’écoule, mais ni la douleur ni la colère ne se tarissent, bien au contraire l’incompréhension s’installe et la crise de confiance grandit. Je ne doute pas que vous les compreniez, mais mon souhait est que vous les entendiez aussi.


Monsieur le Président de la République, dans l’espoir de vous voir aider à l’éclosion de la vérité et à l’apaisement des tensions nées de cet autre assassinat, un de trop, je vous prie de trouver ici l’expression de ma haute considération.

Le 28 juin 2017

Vincent-Sosthène FOUDA