La montée des eaux dans certaines localités de la région de l’Extrême-Nord ne laisse aucun Camerounais indifférent. Face aux ravages causés par ces eaux en furie dans le Mayo-Danay et le Logone-et-Chari, les populations vivent désormais dans la précarité. Tout ou presque a été emporté. Le bétail, lorsqu’il n’a pas été décimé, est dispersé. A certains endroits, les ouvrages de franchissement ont été balayés, rendant ainsi difficile la mobilité des populations. Avec les terres noyées, le spectre de la famine confine lentement mais sûrement à la précarité. Les fortes précipitations, les eaux débordantes du Logone, du Chari, les failles dans différentes digues (Maga en priorité) mais aussi l’absence de drainage des eaux dans certains centres urbains, sont autant d’ingrédients qui ont préparé le terrain à la catastrophe qui laisse en ce moment tout le monde presqu’impuissant face au déchaînement des éléments de la nature. Le même phénomène a frappé N’Djamena au Tchad et Maiduguri au Nigéria voisin.
Face à la détresse des populations, le gouvernement est aussitôt monté au créneau. Autour du Premier ministre, les ministres concernés et les gouverneurs des zones impactées ont dressé un tableau sans complaisance de la situation. A ce jour, on peut se féliciter des décisions prises. Elles vont en effet de la construction d’infrastructures durables, et à ce sujet les spécialistes pensent aux digues et autres systèmes de drainage, au déblocage des ressources capables de supporter les investissements à mettre en place. Enfin, de Yaoundé à Yagoua, on est unanime sur le fait que les sapeurs pompiers devraient prendre définitivement pied dans le Mayo-Danay.
En attendant la mise en œuvre de ces recommandations, le couple présidentiel a, comme d’habitude, volé, dans l’urgence, au secours des sinistrés. Le ministre de l’Administration territoriale (Minat), Paul Atanga Nji, a personnellement remis cette aide humanitaire aux bénéficiaires. 1,9 milliard de francs débloqués en une semaine pour redonner de l’espoir à des populations qui ont tout perdu. Et précision importante faite par le gouvernement : 500 millions de francs seront mis à la disposition des maires des communes durement frappées par les inondations. Pour ce qui est de l’aspect purement humanitaire, le ministre de l’Administration territoriale a supervisé la distribution du matériel de couchage et hygiénique. La distribution des denrées alimentaires (riz, boîtes de conserves) n’était pas en reste au cours de cette descente expresse sur le terrain.
Comme il fallait s’y attendre, la gestion de cette crise par le gouvernement n’a pas laissé nombre d’observateurs indifférents. Si l’élite locale et les populations regroupées sur des sites de recasement ont exprimé leur gratitude aux pouvoirs publics, à contrario, dans l’opinion, certains ont trouvé l’action du gouvernement dérisoire, pour ne pas dire tiède. En réaction à ce quasi dénigrement, le recadrage du ministre de l’Administration territoriale a permis de remettre les pendules à l’heure. Le gouvernement, a martelé Paul Atanga Nji, est capable de gérer cette catastrophe. Le Minat, qui apprécie modérément les tentatives de récupération de certaines « bonnes volontés », a clairement indiqué la voie à suivre pour assister les victimes des inondations. Face à ceux qui cherchent à récupérer le drame de l’Extrême-Nord à des fins politiques voire électoralistes, le Minat oppose une fin de non recevoir. Aussi, les initiatives individuelles sont-elles découragées. Le gouvernement veut ainsi couper l’herbe sous les pieds des pêcheurs en eaux troubles.
Reste que dans cet emballement de quelques-uns, il ne faut surtout pas donner l’impression que le gouvernement veut fermer la porte à la solidarité nationale. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Le gouvernement veut tout simplement que les dons collectés arrivent aux populations victimes des inondations. Cela est vrai pour le Mayo-Danay et le Logone-et-Chari. Cela est tout aussi vrai pour le reste du pays où une catastrophe pourrait survenir. Les organisations non gouvernementales sont d’ailleurs sur le terrain, l’élite des différentes localités affectées par la montée des eaux a d’ailleurs mobilisé une importante somme d’argent pour reconstruire ce qui peut l’être ou subvenir aux besoins de première nécessité d’une population qui a du mal à voir venir. Le quotidien difficile des sinistrés du Mayo-Danay et du Logone-et-Chari ne devrait donc pas ouvrir la porte à de l’arnaque encore moins à des levées de fonds qui ne parviendront jamais aux réels bénéficiaires.
C’est pour cela que le gouvernement met en garde contre toute instrumentalisation de la souffrance des populations. Il est aussi juste de rappeler à la conscience collective que le ministère de l’Administration territoriale dispose de l’expertise qui sied pour organiser les secours par le truchement de sa direction de la protection civile.
Dans ce sens, chaque département camerounais dispose d’un plan ORSEC afin de faire face aux catastrophes. Les « bonnes volontés » qui se mobilisent en ce moment, plutôt que de laisser prospérer des actions isolées, gagneraient à se rapprocher des autorités administratives qui organiseront mieux l’aide aux populations. C’est ainsi qu’il faut comprendre la réserve du ministre de l’Administration territoriale. Il n’est dit nulle part qu’on refuse l’aide aux sinistrés. Non ! Le gouvernement veut tout simplement s’assurer qu’en ce moment de détresse d’une partie de sa population, l’élan de générosité est bien encadré pour atteindre la principale cible. Toute autre initiative pourrait se noyer dans les eaux en furie, et ce n’est pas le souhait des pouvoirs publics.