Réligion of Tuesday, 8 May 2018

Source: Essingan N°085

Ce n’est pas le régime qui tue les prêtres au Cameroun- Leger Ntiga

Plusieurs prêtres Camerounais ont été assassinés au Cameroun depuis l'arrivée au pouvoir de Biya Plusieurs prêtres Camerounais ont été assassinés au Cameroun depuis l'arrivée au pouvoir de Biya

L’auteur de «L’Eglise des martyrs au Cameroun» estime que la mort violente des ouvriers apostoliques dans ce pays n’est pas le fait d’une organisation étatique. Mais de personnalités aux desseins inavoués.

Edité par les éditions L’Harmattan à Paris, l'ouvrage est très recherché dans les librairies au Cameroun et en Afrique. Où peut-on l'acquérir facilement?

Je dois préciser que le rôle de l’auteur que je suis, n’est pas de distribuer l’ouvrage encore moins de le vendre. Mais en raison des difficultés liées à l’expédition des stocks en direction du Cameroun, les cargaisons annoncées par l’éditeur n’étant arrivées au Cameroun qu’à dose homéopathiques, j’ai dû avec l’aide de certains frères, faire venir des quantités de l’ouvrage qui est disponible à Yaoundé, à la Librairie des peuples noirs et à la librairie St Paul. Je dispose également de quelques exemplaires que j’ai personnellement achetés à L’Harmattan Paris. Ceux qui en ont besoin peuvent également me joindre. Le livre est disponible en ligne sur les plateformes affiliées à Le Harmattan: Amazon par exemple.

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Votre ouvrage est sorti de presses quelques mois avant la mort suspecte de Mgr Bala. Cet hasard de calendrier conforte-t-il l'auteur que vous êtes?

Je ne sais pas si le hasard conforte l’auteur. Je crois davantage que l’ouvrage gagne en intérêt. Tant son actualité est brûlante. Je dois cependant dire que «L’Eglise des martyrs au Cameroun» est un vieux projet éditorial devenu incontournable au fil des ans. En 1988, lorsque meurt l’Abbé Joseph Mbassi proche dans la famille, je suis encore dans l’enseignement secondaire.

La nouvelle de sa mort ébranle tellement l’opinion que, le rêve de devenir journaliste comme lui, qui sommeillait en moi, est ravivé. D’ailleurs, je prends dès lors la résolution de travailler à la manifestation de la vérité. Des années plus loin, je suis journaliste. Accomplissement et réalisation d’un rêve d’enfant! D’autres ouvriers apostoliques sont décédés, brutalement assassinés. Sans que l’on ne sache de quoi, ils sont morts. Et pourtant des enquêtes ont été ouvertes.

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Souvent, les faits ont été volontairement travestis au point de ne convaincre personne. Cette situation fait dire que soit les limiers commis pour la manifestation de la vérité sont incompétents, soit ils sont orientés à fausser leur travail. Tout au long de nos investigations, nous nous rendons compte que des mains invisibles mais bien connues, aident à ne pas donner le bon résultat. En clair je crois modestement que cet ouvrage a son importance dans ce débat doublé d’histoire récente de notre pays.

Vous sentez-vous menacé depuis la parution de cet ouvrage?

Pas nécessairement parce que j’ai publié cet ouvrage. Mais au quotidien dans mon travail, je me sens menacé par ceux qui n’ont pas la tranquillité des missions pour lesquelles ils doivent rendre compte. Les esprits tourmentés et ceux qui se reproches des choses dans la gestion de la chose publique. Cela se manifeste de mille manières. Par un coup de fil très souvent d’encouragement et de politesse. Parfois par un message subliminal que vous passe un proche parent, vous demandant de faire attention. Ou d’être prudent. Un compliment très poli d’un ami qui vous demande pourquoi aborder tel ou tel sujet en ce moment.

Mais la question triviale est souvent de savoir si vous n’avez pas peur. Depuis que l’ouvrage circule, j’ai enregistré ces différentes réactions. Il est même arrivé que l’on me demande ne plus accorder des interviews comme celle-ci. Je suis parti de L’essentiel du Cameroun en partie à cause de cet ouvrage.

Qu’importe! Mais à la fin, je crois qu’il faut rester serein et remplir sa mission sociale car, au plan professionnel, je serai jugé sur ce que je fais par rapport à ce que je sais faire. Et non par rapport au métier des autres. Un jour, mes enfants m’interrogeront sur le pourquoi d’un silence coupable et complice d’une situation qu’un article dans un journal aurait pu éviter. C’est pour cela que je suis «historien du présent», comme on appelle les journalistes.

Au cours de la messe funéraire à la cathédrale de Yaoundé, le 02 août 2017, Mgr Joseph Akonga Essomba, dans son homélie, s'est interrogé : "qui tue les prêtres dans ce pays?" Vous êtes l'auteur de de l'ouvrage " L'église des martyrs au Cameroun: Enquêtes sur une rivière de sang non élucidée". Pouvez-vous nous dire de quoi meurent les prêtres et les évêques au Cameroun?

(Sourire)! Pour répondre à cette question, permettez-moi ce petit commentaire. Mgr Joseph Akonga Essomba en se posant cette question, sait pertinemment quelle en est la réponse. Et dites-vous bien que pour une telle prise de parole publique, il a bien choisi les mots prononcés et fait savamment usage de tous les outils que lui offre la rhétorique. Alors qu’est ce qui tue les prêtres au Cameroun? Forcément, d’autres Camerounais!

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Quand bien même ce serait des étrangers, ils bénéficient du concours de compatriotes. Et dans ce jeu d’alliance, il faut noter que les différents cas évoqués dans les tableaux de mon ouvrage révèlent de nombreuses ambiguïtés. Un peu comme avec le cas Bala qui est symptomatique de ce que des acteurs des pouvoirs publics jouent en eaux troubles dans ces affaires. Sinon, comment comprendre qu’on veuille forcer les Camerounais à admettre que Mgr Jean-Marie Benoît Bala n’a pas été victime de violence alors que cela saute aux yeux?

Comment admettre qu’il ait été noyé alors même que le corps d’après des experts n’a pas passé plus de quatre heures dans l’eau? Bien plus, nous avons eu accès au Certificat de décès dans lequel, le directeur général de l’Hôpital général, le Pr Elie Ndam Njitoyap soutient que la cause de la mort n’est pas déterminée. L’on peut aller plus loin avec tout ce qui a déjà été scientifiquement dit dans cette affaire dont nous sommes au courant, pour dire que les ouvriers apostoliques meurent assassinés par des gens de pouvoirs.