L’archevêque de Douala et le nonce apostolique annoncés dans la capitale du Nord-Ouest doivent tout faire pour ramener les grévistes à de meilleurs sentiments. Une mission à la fois difficile et complexisme. Evocations.
L’information n’a certes pas été rendue publique. Mais des sources bien introduites indiquent que, sauf changement de dernière minute, deux prélats et pas des moindres, de l’Eglise catholique romaine au Cameroun, doivent se rendre ce jour, ou dans les prochains jours, à Bamenda, capitale régionale du Nord-Ouest, qui depuis pratiquement trois mois vit au rythme de la crise anglophone. Il s’agit respectivement du président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun, et par ailleurs archevêque de Douala, Mgr Samuel Kleda, et le nonce apostolique au Cameroun, Mgr Piero Pioppo, connu comme étant le représentant du Pape au Cameroun.
Face au durcissement des positions des grévistes anglophones, mais surtout la récupération de ce mouvement de grève par les populations des régions dites anglophones qui, malgré le mot d’ordre de levée de grève des syndicalistes le weekend dernier, ont exposé leur détermination à poursuivre les villes mortes et en refusant d’envoyer les enfants à l’école, le pouvoir de Yaoundé veut jouer son vatout. L’objectif premier pour Paul Biya étant d’arriver à sauver l’année scolaire 2016/2017 au Cameroun en général, et en particulier en zone anglophone.
Arrêter trois mois de confrontation
Pour rappel, c’est le 27 octobre que les « hostilités » ont été déclenchées dans les régions anglophones du Cameroun, notamment par le lancement des revendications des avocats anglophones. Les cris de ces derniers sont peu audibles, voire méprisés par le gouvernement de la République. Le 7 novembre 2016, après avoir demandé le soutien du principal parti de l’opposition le Sdf, dont le National exécutif commetee (Nec) s’est tenu deux jours avant à Bamenda, les avocats anglophones organisent une grève devant le palais de justice de Bamenda. La même grève aura lieu à Buea et se poursuivra les jours suivants, surtout que les enseignants entrent aussi en action.
Il faudra une grave bavure des forces de l’ordre, notamment la police qui est dépêchée au Palais de justice de Buea et qui matraquent les avocats anglophones, leur arrachent téléphones, robes et perruques pour que le pouvoir de Yaoundé se rende compte de l’ampleur que prend c e qui est devenu la crise anglophone. Les étudiants de l’université eux aussi entrent dans ce mouvement pour tout autre chose, à savoir contester une arnaque organisée par l’administration universitaire qui réclamait un payement de la somme de dix mille Fcfa camer.be pour chaque payement en retard des frais de scolarité sont eux aussi matraqués en mondovision une jeune étudiante de 17 ans à subi de la part des éléments des forces de l’ordre la pire des humiliations, le crime pour tout dire, que l’on puisse infliger à une femme. Ces incidents constituent l’ingrédient important de la crise anglophone qui prend alors une ampleur redoutable pour l’opinion, mais toujours négligée par le pouvoir.
Quand les avocats anglophones arrivent à boycotter le 31ème congrès annuel de la Conférence internationale des barreaux francophones qui se tient dans la capitale camerounaise en début décembre 2016, le pouvoir comprend bien qu’il y a anguille sous la roche de la crise anglophone. Car, les mots d’ordre de « villes mortes » lancées par les grévistes anglophones sont parfaitement suivis dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Les autorités administratives des deux régions, notamment les gouverneurs, qui ont d’abord embouché le clairon de la répression ont dû se raviser.
Le Premier ministre, fils et élites du Nord-Ouest qui a déjà effectué plusieurs missions dans sa région natale pour essayer de ramener le calme, appelle au secours la hiérarchie de son parti le Rdpc après autant d’échec. Mais le meeting du « Parti du flambeau ardent » prévu à Bamenda le 8 décembre 2016, et que devait présider le secrétaire général du Comité central, Jean Kueté qu’entourent d’autres hauts cadres influents, tourne à l’émeute. Le Rdpc s’est brisé les reins à Bamenda, la cité réputée être le berceau du parti au pouvoir.
Au-delà de la Répression…
Le pouvoir humilié montre ses muscles en procédant à des arrestations. Les cadres du Rdpc dont un certain Atanga Nji Paul, ministre chargé de missions à la présidence de la République, qui continuaient convaincre le chef de l’Etat qu’il n’y a pas de problème anglophone sont désillusionnés pris dans leur propre piège. Le gouvernement est obligé d’ouvrir les négociations, en mettant en place un comité ad hoc chargé de recueillir les propositions des contestataires. Le comité présidé par le Pr Ghogomu Paul Mingo, directeur de cabinet du Premier ministre arrive à se montrer conciliant, notamment en obtenant la libération de quelques grévistes incarcérés à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé. Mais la fermeté des leaders anglophones qui réclament désormais soit la sécession soit le retour au fédéralisme à deux Etats irrite le pouvoir.
Le Minatd sort le gourdin de la répression et interdit le Consortium anglophone qui réclame le retour au fédéralisme, et le Scnc qui milite depuis toujours pour la sécession. Comme il fallait s’y attendre, la répression du pouvoir s’intensifie par l’arrestation des leaders anglophones du Consortium et de la Scnc. Le dialogue est pratiquement rompu. Les populations des zones anglophones se radicalisent avec les « villes mortes » dans la plupart des localités des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest dont les deux chefs-lieux des régions. Dans son discours du 31 décembre 2016, comme message de fin d’année, le chef de l’Etat a martelé : « le Cameroun est un et indivisible, et le restera ». Hélas, face à ce durcissement, le vœu du gouvernement et des élites organiques anglophones de voir les écoliers, élèves et étudiants prendre le chemin des classes au deuxième trimestre sera un échec cuisant.
…obtenir un nouveau dialogue ?
Depuis un moment, et face au radicalisme du pouvoir qui n’a prêté aucune oreille attentive aux évêques des régions anglophones, ni même à la voix du cardinal Tumi qui ont appelé à la poursuite du dialogue et à l’arrêt de la répression, les régions anglophones sont dans une espèce d’impasse que toute la nation redoute aujourd’hui. On a cru que la fibre patriotique des Lions Indomptables, avec leur brillante victoire à la Coupe d’Afrique des Nations 2017 au Gabon amènerait ces régions à apaiser leur courroux. Le pouvoir à même voulu surfer sur l’issue de cet évènement sportif exceptionnel.
Trois fois hélas, « les villes mortes » le sont au Nord-Ouest et au Sud-Ouest. Voilà donc, après avoir montré le visage et l’humeur d’un homme convivial, ouvert, et rassembleur, respectivement lors de l’hommage de la nation aux quatre militaires qui ont péri suite à un accident d’hélicoptère sur le champ de bataille contre la secte islamiste Boko Haram, et lors de l’hommage aux Lions indomptables, victorieux de la Can 2017, Paul Biya dépêche des prélats à mission pour Bamenda. Les deux hommes de Dieu qui iront à Bamenda sont suffisamment crédibles.
Mais la mission est assez difficile, face à des populations frustrées et désabusées qui semblent conditionner le retour au dialogue avec le gouvernement de la République entre autres, à l’arrêt des poursuites judiciaires et la libération sans conditions des leaders et autres membres du consortium et du Scnc aujourd’hui emprisonnés à Yaoundé. Avec les prélats dont la Foi est certaine, il faut croire au prodige. Just wait and see.