Actualités of Tuesday, 26 July 2022

Source: www.camerounweb.com

Cameroun-France : une visite à risque pour Emmanuel Macron

D'après le média français D'après le média français "Le point", c'est une visite à risque pour Emmanuel Macron

Les faits et gestes du chef de l’État français seront particulièrement scrutés au Cameroun, où il se rend pour la première fois depuis son élection en 2017. Le président français a entamé ce mardi une tournée en Afrique centrale. Il est arrivé pour sa première visite au Cameroun avec l'objectif de relancer les relations politiques et économiques entre les deux pays, en perte de vitesse, dans un contexte où la présence de la France dans ses anciennes colonies est de plus en plus remise en cause.

Le menu est copieux pour le dirigeant français : de la sécurité dans le golfe de Guinée à la lutte contre Boko Haram en passant par le conflit opposant dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest depuis plus de cinq ans des groupes armés séparatistes aux forces de l'ordre, à l'économie, le programme est bien différent de celui de son prédécesseur, François Hollande qui avait effectué une visite éclair dans le pays, en 2015.

Mais surtout, Emmanuel Macron est attendu pour un entretien ce mardi matin avant un déjeuner avec Paul Biya et son épouse Chantal au palais présidentiel. L'entretien avec son homologue Paul Biya, 89 ans, qui dirige le Cameroun d'une main de fer depuis près de quarante ans, doit être l'occasion d'aborder tous les sujets, même ceux qui fâchent, dit-on. Emmanuel Macron avait provoqué l'indignation du pouvoir en déclarant en 2020, après avoir été interpellé par un opposant, qu'il avait « mis la pression sur Paul Biya » sur les violences « intolérables » dans ces régions.

Mais d'après le média français "Le point", c'est une visite à risque pour Emmanuel Macron.

« Aujourd'hui, la succession de Paul Biya est dans tous les esprits. Malgré un état de santé manifestement dégradé depuis quelques années, Paul Biya continue de donner le sentiment d'administrer seul le pays, en s'appuyant certes sur un cénacle très restreint, mais dont il nomme et bannit impitoyablement les membres à sa guise. Les plus chanceux ont connu la disgrâce, d'autres la prison. Au pouvoir depuis 1982, il ne fait plus que de brèves apparitions publiques, manifestement à la peine pour se déplacer, et ses rares discours enregistrés sont prononcés laborieusement. Dès lors, la rumeur enfle régulièrement sur un Paul Biya mort ou moribond, démentie à chaque fois par une vidéo ou des photos, tandis que parler de sa succession est tabou, même pour les plus proches. Personne n'a jamais osé sortir du bois, ni même esquissé, du moins publiquement, la moindre intention.

Le candidat qui sera promu par le tout-puissant Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) sera sans nul doute élu, comme le fut Paul Biya, sept fois sans coup férir au nom du RDPC. « L'opposition n'est pas suffisamment unie et solide pour briguer sérieusement la magistrature suprême », juge le politologue Jacques Ebwea, à l'AFP. D'un autre côté, le RDPC « risque de s'émietter en plusieurs factions à la mort du président » et de se diviser sur les prétendants, prévient son confrère Louison Essomba. Parmi les plus sérieux : le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, réputé proche de la très influente première dame Chantal Biya. Il exerce de facto par délégation une bonne partie du pouvoir exécutif et a placé ses pions au sommet de l'administration.

Une opposition toujours réprimée
Enfin, Paul Biya fait impitoyablement réprimer, notamment depuis sa réélection très contestée en 2018, toute opinion dissonante avec les arrestations et de lourdes condamnations de centaines de cadres et militants de l'opposition à la suite de marches pacifiques en 2020. En décembre dernier, une cinquantaine de personnes ont été condamnées à des peines de un à sept ans de prison pour « rébellion » et Amnesty International a accusé en janvier le pouvoir d'en avoir fait « torturer » certaines. Récemment sermonné ou blâmé par l'ONU, les ONG internationales et des capitales occidentales, dont la France, pour les atteintes répétées aux droits humains par les forces de sécurité et la justice selon elles, Paul Biya ne fait pas grand cas de ces critiques.

Un autre sujet préoccupe l'opposition, c'est celui concernant la question de la période coloniale. « Nous avons un contentieux historique avec la France. Ce n'est pas l'arrivée de Macron qui fait naître le problème. Nous saisissons l'occasion pour réveiller les Camerounais par rapport au problème avec la France qui est de remettre tous les crimes de la France sur la table et le solder définitivement si on veut avoir une relation apaisée », a déclaré Bedimo Kuoh, membre du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem), lors d'une conférence de presse à Douala.

Après la défaite de l'Allemagne en 1918, la Société des nations (SDN, ancêtre de l'ONU) avait confié la majeure partie de la colonie allemande du Kamerun à la tutelle de la France et le reste – la partie occidentale bordant le Nigeria – à la Grande-Bretagne. Avant l'indépendance du pays en 1960, les autorités françaises ont réprimé dans le sang les « maquis » de l'UPC (Union des populations du Cameroun), un parti nationaliste fondé à la fin des années 1940 et engagé dans la lutte armée contre le colonisateur et ses alliés camerounais, particulièrement en pays Bamiléké. Plusieurs dizaines de milliers de militants pro-UPC, dont le leader indépendantiste Ruben Um Nyobè, ont été massacrés d'abord par l'armée française, puis après l'indépendance par l'armée camerounaise du régime d'Ahmadou Ahidjo. Lors de la conférence de presse, Valentin Dongmo, également membre du Manidem, a appelé le chef de l'État français à « la reconnaissance des crimes de la France coloniale comme elle a commencé à le faire en Algérie »

La France en perte de vitesse
Sur le plan de la coopération bilatérale, la visite du président français intervient alors que la France, ancienne puissance coloniale, voit son influence s'éroder, en particulier sur les plans économique et commercial, face à la Chine, l'Inde ou l'Allemagne. Les entreprises françaises ne pèsent plus qu'environ 10 % de l'économie contre 40 % dans les années 1990. Il faut souligner, que malgré d'abondantes ressources naturelles (pétrole, bois, minerais, coton…), le Cameroun stagne dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la Banque mondiale.

Son économie n'est pas, et de loin, à la hauteur de son potentiel après quatre décennies de promesse d'un pouvoir accusé de corruption et de mauvaise gouvernance. Le pays est classé 144e sur 180 dans l'indice de perception de la corruption 2021 de Transparency International et ne parvient pas à attirer suffisamment l'investissement, notamment étranger, selon la Banque mondiale. Un tiers de ses 28 millions d'habitants vit avec moins de 2 euros par jour et le taux de pauvreté atteint près de 40 %, selon l'ONU. Seuls 10 % des actifs ont un emploi dans le secteur formel.

Dans ce contexte, le pays d'Afrique centrale s'est largement tourné vers d'autres partenaires ces dernières années, le ministre russe de la Défense a signé en avril un accord de coopération militaire d'une durée de cinq ans avec le Cameroun.

Cette visite doit être également l'occasion pour le président Macron de mettre en avant la jeunesse dans le sillage du sommet Afrique-France de Montpellier. Accompagné de plusieurs ministres dont Catherine Colonna (Affaires étrangères), il rencontrera des représentants de la jeunesse et de la société civile. Il terminera la journée dans « le village Noah », accueilli par l'ancien champion de tennis Yannick Noah, qui développe un centre de loisirs et d'éducation dans un quartier populaire de Yaoundé, où il vit plusieurs mois par an. »