Actualités of Monday, 11 December 2017

Source: cameroon-info.net

Haman Mana sera-t-il aussi arrêté pour 'Outrage au Chef de l’Etat'

Il pense qu’il y a un outrage plus fort, celui dont sont victimes plus de 20 millions de Camerounais Il pense qu’il y a un outrage plus fort, celui dont sont victimes plus de 20 millions de Camerounais

Sauf retournement de situation, Patrice Nganang sera présenté au procureur de la République au plus tard demain mardi 12 décembre 2017. Après avoir examiné les éléments recueillis par les policiers lors des interrogatoires qu’a subis Patrice Nganang, le procureur décidera de l’avenir juridicaire de l’écrivain qui est placé en garde à vue dans les locaux de la police judiciaire à Yaoundé depuis cinq jours pour avoir publié un texte au vitriol contre le Chef de l’Etat Paul Biya.

L’affaire Patrice Nganang suscite des opinions divergentes. Par exemple, le célèbre ancien bâtonnier maitre Charles Tchoungang condamne Patrice Nganang pour les menaces de mort proférées à l’encontre du président de la République. « Quand j’ai lu le texte querellé de Nganang, nous n’étions plus dans le cadre d’un outrage, nous sommes plutôt rendus dans la cadre d’une menace de mort. Il y a un débat entre ceux qui considérèrent que c’est un exercice d’art. Mais moi, je ne partage pas cette opinion. Je considère qu’on ne peut pas jouer avec la vie des gens pour se cacher ensuite sous le bénéfice de l’écriture ou de l’art » explique-t-il…

Par contre Haman Mana, éditorialiste et parton de presse, ironise d’abord en proposant qu’on mette une balle entre les deux yeux de Patrice Nganang, avant de démontrer ensuite dans un éditorial au ton acerbe paru ce lundi 11 décembre 2017, que la gouvernance de ce pays depuis 35 ans par Paul Biya est abominable. « L'outrage, disons-le, est lourd. D'autant plus qu'il a pour victime le gardien des institutions, le chef de l'État. Mais il y a un outrage plus fort : c'est celui dont sont victimes plus de vingt millions de camerounais, de la part de cet homme qui est leur chef depuis bientôt quarante ans. Dans une république, tant d'années au pouvoir, c'est déjà un outrage. Mais le plus grave, ce sont les incuries notoires qui concernent nos vies quotidiennes et dont la dernière, c'est l'absence du basique vaccin Bcg dans notre pays…Sous les yeux de tous, un pays se meurt. Et menace d'imploser. Et ses dirigeants, tels les passagers de Première du Titanic, continuent à commander du Champagne au bar, alors que les cales du navire sont déjà envahies » a écrit Haman Mana dans son éditorial paru dans l’édition du journal « Le Jour » de ce lundi 11 décembre. Maintenant qu’il a aussi osé critiquer sans complaisance le système Biya, le confrère Haman Mana sera-t-il arrêté comme Patrice Nganang ? L’avenir nous dira.

Ci-dessous, l’intégralité de l’éditorial de Haman Mana:

NGANANG: qu'on lui mette «une balle entre les deux yeux»

Au moment où l'intégrité territoriale du Cameroun est menacée de toutes parts, les forces de sécurité, grâce aux efforts conjugués des services de renseignement et de la police viennent de mettre la main sur l'une des menaces les plus lourdes qui pesaient sur la sécurité du pays et du régime en place: un certain Patrice Nganang.

Ce dangereux personnage est, selon le Code Pénal, coupable «d'outrage» au président de la république. C'est très grave...Notre président victime d'outrage. «Ô rage! Ô désespoir! Ô vieillesse ennemie!»...

L'outrage, disons-le, est lourd. D'autant plus qu'il a pour victime le gardien des institutions, le chef de l'État.

Mais il y a un outrage plus fort: c'est celui dont sont victimes plus de vingt millions de camerounais, de la part de cet homme qui est leur chef depuis bientôt quarante ans. Dans une république, tant d'années au pouvoir, c'est déjà un outrage. Mais le plus grave, ce sont les incuries notoires qui concernent nos vies quotidiennes et dont la dernière, c'est l'absence du basique vaccin Bcg dans notre pays.

Au delà de l'outrage, il y a l'insulte à l'intelligence des Camerounais, cette ambition que nous voyons tous poindre, cette envie, dès l'année prochaine, de se faire élire pour un énième mandat. Ah oui, sept ans encore! Les camerounais vont en reprendre pour sept ans...Avec ce système, qui pour se maintenir, garde le pays et ses hommes les pieds dans les sables mouvants des 'immobilismes à la camerounaise.

Sous les yeux de tous, un pays se meurt. Et menace d'imploser. Et ses dirigeants, tels les passagers de Première du Titanic, continuent à commander du Champagne au bar, alors que les cales du navire sont déjà envahies.

On accuse aussi la belle prise de nos services de sécurité, «d'immigration illegale»: selon toute vraisemblance, on aurait découvert sur ce dangereux personnage, deux passeports. C'est la révélation crue de incongruité et de la vaste hypocrisie camerounaise au sujet de la question de la double nationalité.

Ces petits arrangements, s'ils sont regardés de près concerneront tellement de hauts responsables du Système, et même parmi les plus insoupçonnés. Entre ceux qui veulent se faciliter tout simplement la vie et les rats qui s'apprêtent à quitter le navire, il y a du beau monde qui tombe sous le coup d'une loi aussi anachronique que contre productive. Mais ce contournement généralisé est révélateur d'une réalité de la vie camerounaise: l' hypocrisie généralisée, sur la question du «Chef» et de la modalité par laquelle il devra -fatalement- céder un jour le pouvoir suprême.

Revenons à Patrice Nganang: il paraît qu'on cherche à lui infliger une punition exemplaire. Pourquoi ne pas lui « mettre une balle entre les deux yeux»?

Haman Mana