Actualités of Wednesday, 5 October 2016

Source: cameroon-info.net

Maladie de Rigobert Song: le Dr Nghemkap édicte des conseils contre l’AVC

Dr Nghemkap Armand,médecin Camerounais Dr Nghemkap Armand,médecin Camerounais

Dr Nghemkap Armand : AVC encore appelé Accident Vasculaire Cérébral ou Attaque Cérébrale est une défaillance de la circulation sanguine au niveau d'une région plus ou moins importante du cerveau. Ce qui a pour conséquence la mort des cellules nerveuses qui sont de ce fait privées d’oxygène et d'autres éléments nutritifs essentiels à leur survie.

Y-a-il plusieurs types de l'AVC ?

On distingue en général 2 grands types d'AVC : Les AVC hémorragiques qui sont moins fréquents (20% des AVC), mais les plus graves et les AVC ischémiques qui sont les plus fréquents (80% des AVC) et heureusement les moins graves.

Les AVC hémorragiques sont en général liés à la rupture d'un vaisseau sanguin au niveau du cerveau alors que les AVC ischémiques sont provoqués par l’obstruction ou la thrombose d'une artère cérébrale. Il existe également un sous-type d'AVC ischémique appelé mini-AVC ou AIT qui résulte de la perte brutale d'une fonction cérébrale durant moins de 2 heures et qui est liée à une embolie ou à une thrombose vasculaire cérébrale transitoire.

En fait, le caillot qui l'obstruait s'est résorbé naturellement et spontanément sans laisser de séquelle. Dans ce cas, les signes annonciateurs de l'AVC disparaissent en moins de 2 heures et on parle dans ce cas de mini-attaque ou mini-AVC. Ces AIT sont en eux-mêmes des signaux d'alarme à prendre au sérieux, car peuvent être suivis d'un AVC plus grave au cours des 48 heures suivantes.

Il est capital de consulter un Médecin le plus tôt possible afin de faire des examens médicaux dans le but de limiter au maximum le risque de récidive d'AVC et non se rendre chez un tradi-praticien, sorcier et autre charlatan de la médecine ayant pignon sur rue comme certains le font malheureusement.

Et que comprendre par AVC hémorragique, celui dont a été victime l'ancien capitaine des Lions selon ses médecins ?

Comme je viens de le dire, les AVC hémorragiques sont en général liés à la rupture d'un vaisseau sanguin au niveau du cerveau. Dans le cas de l'ancien capitaine des Lions indomptables et si mes informations sont exactes il s'agit d'un AVC par rupture d'un anévrisme cérébral.

L'AVC est dans ce cas provoqué par le fait qu'il avait sans le savoir un anévrisme cérébral qui est une malformation artério-veineuse au niveau de sa circulation sanguine cérébrale. Et c'est cette malformation vasculaire qui a cédé sans doute sous l'effet de la pression sanguine qui s'y exerce.

On a beaucoup entendu parler au sein de l'opinion publique de rupture d'anévrisme pour le cas de Rigobert Song. Est-il différent d'un AVC hémorragique ?

Comme je l'ai précédemment dit, les AVC hémorragiques sont moins fréquents et représentent environ 20% des AVC, mais sont plus graves que les AVC ischémiques qui sont heureusement les plus fréquents, car couplés aux AIT ils représentent environ 80% des AVC). Tous les AVC hémorragiques ne sont pas liés à une rupture d'anévrisme.

Moins de 5 % en sont concernés d'après les études. Toutefois le facteur de risque principal en cause dans cette rupture demeure toujours l'hypertension artérielle (HTA) que je qualifie de « Tueur silencieux » des Camerounais et auquel j'ai d'ailleurs consacré un film éducatif pour informer et sensibiliser sur la problématique de ces AVC au Cameroun et même dans toute l’Afrique.

Docteur, revenons sur l'anévrisme. Vous dites que Rigobert Song avait un anévrisme qu'il ignorait certainement. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il l'ignorait ?

Je dois revenir sur la définition de l'anévrisme afin que vos lecteurs comprennent bien ce que je veux dire. Un anévrisme est une malformation artério-veineuse du fait d'une zone de faiblesse au niveau d'une artère ou d'une veine.

Une saillie va se constituer au niveau de cette zone de faiblesse vasculaire et se développer sous forme de doigt de gant du fait de la pression sanguine qui s'y exerce. On peut en effet vivre avec un anévrisme toute une vie sans aucune dangerosité, car il est très souvent asymptomatique. Toutefois sous l'effet d'une poussée hypertensive, cette saillie va s'aggraver et provoquer une rupture du vaisseau en cause.

Ce qui est fatal, car la rupture de cet anévrisme provoque un éclatement du vaisseau en question. Je n'ai pas eu accès au dossier médical de Rigobert SONG, mais s’il est bien confirmé qu'il a fait un AVC par rupture d'anévrisme cérébral, cet anévrisme préexistait avant sa rupture, mais était inconnu du fait de son caractère généralement asymptomatique. Vous savez, 2 à 3 % de la population générale porte un anévrisme sans le savoir.

Sur le plan local, tout porte à croire qu'on n'a pas un plateau technique pouvant permettre d'administrer un traitement à point à la victime. L'on a parlé d'une évacuation en Europe et il a été évacué dans un hôpital parisien. Vous avez déclaré dans le journal LE MESSAGER que je vous cite «L'évacuation sanitaire n’est pas la solution ? »

Rigobert Song est un frère et un ami qui a d'ailleurs suivi avec engagement la formation que j'ai initiée en 2011 auprès des anciens Lions indomptables en collaboration avec la Croix Rouge sur la reconnaissance de l'arrêt cardiaque du sportif et l'apprentissage des gestes qui sauvent, dont le massage cardiaque et l'utilisation d'un défibrillateur cardiaque. Emmanuel Maboang Kessack et Raymond Kalla Nkongo avaient également participé à cette formation.

Par ailleurs je connais le capitaine courage depuis son séjour à Metz en 1998 et alors que moi j'étais encore un jeune Assistant des Hôpitaux français. Je suis en prière depuis l'annonce de son AVC et exhorte le seigneur pour qu'il veille à son prompt rétablissement.

Ceci étant dit, ma position sur les évacuations sanitaires est bien connue depuis 2010 où j'ai publié un article sur le site camerounlink intitulé «Évacuations sanitaires ou santé pour tous en l’an 2015».

Ce qu'il faut savoir est que, en matière d'AVC, l'évacuation sanitaire n'est pas la solution de première intention, car la prise en charge médicale d'un AVC doit être extrêmement urgente et doit se faire, pour garder toutes les chances de récupération complète ou du moins avec le minimum de séquelles possibles, dans les 3 heures après l'apparition des premiers signes d'alerte.

Compte tenu du fait qu’aucune Évacuation sanitaire ne peut avoir lieu dans ce délai, très souvent les patients évacués arrivent ici en Europe où j'exerce avec de graves séquelles pour lesquelles la communauté médicale, quel que soient ses compétences et son plateau technique, est totalement démuni.

C'est essentiellement pour ces raisons que je pense que pour une meilleure prise en charge des AVC au Cameroun, au lieu de recourir à des évacuations sanitaires qui ne peuvent être organisées dans les 3 heures requises, des solutions plus économiques existent.

En dehors de la sensibilisation des masses populaires au dépistage précoce des facteurs de risque et la vulgarisation de la reconnaissance des signes d'alerte, les pouvoirs publics devraient adopter une politique de modernisation des infrastructures médicales et de développement des plateaux techniques de haut niveau en matière de diagnostic et de prise en charge thérapeutique des AVC au Cameroun.

Je rappelle que le Cameroun dispose de compétences médicales de haut niveau en la matière. Il manque juste une volonté politique et je souhaite que le drame que nous venons de vivre éveille nos consciences, car nul n'est à l'abri d'un AVC au Cameroun et nous ne devons point nous résoudre qu'à la prière et à l'invocation d’une évacuation sanitaire salvatrice.

Est-ce qu’on guéri véritable d'un AVC ?

On peut véritablement guérir d'un AVC à condition que la prise en charge soit la plus précoce possible. La prise en charge médicale d'un AVC doit être extrêmement urgente et doit se faire, pour garder toutes les chances de guérison complète ou du moins avec le minimum de séquelles possibles, dans les 3 heures après l'apparition des premiers signes d'alerte.

On a généralement conseillé de faire du sport pour éviter l'AVC. Mais, quand on constate que de plus en plus des sportifs en sont victimes, il y a de quoi s'interroger non?

Lorsqu'on parcourt la littérature médicale, toutes les études scientifiques sont claires sur le sujet. Le sport n'est en aucun cas un facteur de risque d'AVC.

Il est plutôt un facteur protecteur du fait de son côté protecteur de maladies cardio-vasculaires. Pour lutter contre toute maladie cardio-vasculaire ainsi que les AVC, il faut adopter une bonne hygiène de vie à savoir adopter un mode d'alimentation saine et équilibrée, pas grasse, pas trop salée, pas trop sucrée, et riche en fruits et légumes.

Il faut bannir l'alcoolisme, le tabagisme et aussi lutter contre la sédentarité qui favorise la surcharge pondérale et l'obésité. C'est ici que le sport trouve toute sa place par le biais de l'activité physique qui permet de lutter contre la sédentarité.

Toutefois, la pratique de ce sport doit répondre à certaines règles. C'est en ce sens que j'ai publié il y a bientôt 10 ans les 10 commandements du sportif dont la connaissance protège des morts subites sportives.

Pratiquer le sport n'est en aucun cas dangereux face au risque d'AVC, mais il ne faut pas confondre la mort subite sportive comme ce fut le cas avec le regretté Marc-Vivien FOE et la survenue d'un AVC comme c'est le cas avec Rigobert Song. Ce sont deux situations bien différentes et deux cas cliniques bien distincts.

Qu'est-ce qu'il faut faire en termes de prévention ?

En matière d'AVC, l'adage « Prévenir vaut mieux que guérir » trouve toute sa signification. Aussi, le commun des mortels doit surtout savoir que les personnes qui ont une saine hygiène de vie réduisent de plus de 80 % leur risque d'être victime d'un AVC.

C'est pour cette raison que dans le cadre de la lutte contre les AVC au Cameroun et afin de réduire drastiquement le risque de survenue d'un Accident Vasculaire Cérébral (AVC) chez les Camerounais, il m'a semblé nécessaire d'édicter 10 commandements qui sont:

1- Avoir une bonne hygiène alimentaire avec une alimentation saine et équilibrée en glucides, protéines et lipides, car l'alimentation a une influence sur plusieurs facteurs de risque d'AVC.

Cette alimentation doit être surtout pauvre en sel, riche en potassium et en magnésium et doit également être riche en fruits et légumes. Ce qui permet de diminuer le risque de survenue d'une HTA, d'un Diabète, d'une Hypercholestérolémie, et d'une Obésité. Une tasse de café quotidienne est également conseillée, car elle réduit de 20 % le risque de survenue d'un AVC.

2- Avoir une activité physique régulière et quotidienne afin de lutter contre la sédentarité et ses conséquences qui sont la surcharge pondérale et l'obésité.

3- Surveiller régulièrement sa Tension artérielle. Ce qui permet de dépister précocement une HTA silencieuse.

4- Contrôler régulièrement son taux de glycémie dans le but de dépister très rapidement un Diabète sous-jacent.

5- Surveiller son taux de cholestérol afin de dépister précocement une Dyslipidémie sous-jacente.

6- Surveiller régulièrement son poids dans l'optique de détecter précocement une surcharge pondérale.

7- Éviter de fumer.

8- Éviter de consommer de l'alcool sans modération.

9- Éviter les situations de stress.

10- Consulter au moins une fois par an son Médecin, si on a des antécédents familiaux de maladie cardiaque, afin de dépister une maladie cardio-vasculaire sous-jacente et ignorée.

Un mot de fin ?

Les AVC sont désormais un véritable problème de Santé Publique au Cameroun, car les prévisions épidémiologiques très alarmistes indiquent qu'au Cameroun, le fardeau des AVC va augmenter et éventuellement apporter la contribution la plus importante à l'aggravation de la mortalité qui est déjà bien conséquente.

Toutefois, une prévention efficace par le dépistage précoce des facteurs de risque cardio-vasculaire, notamment de l'HTA, est nécessaire pour une prise en charge adéquate.

Aussi, en l'absence d'une politique de Santé Publique adéquate, le Cameroun demeurera confronté à une épidémie de maladies cardio-vasculaires au premier rang desquels les AVC représentent une cause majeure de mortalité.

Je souhaite une nouvelle fois un prompt rétablissement à mon frère et ami Rigobert Song Hahanag et une nouvelle fois je rappelle à tous qu’«En matière d’AVC au Cameroun, prévenir vaut mieux que guérir !».