Si le père de Fabrice Ondoa a fait un malaise, dans des familles et certaines rues, la joie a atteint son paroxysme .
22h50. Le temps s’est comme arrêté. Le silence est total. Dans la famille Moang au quartier Nkolbisson, les regards sont là, figés sur l’écran. Non. Plongés dans les gestes de Vincent Aboubakar. C’est le dernier tireur camerounais. Dehors, aucun vrombissement de moteurs. On peut entendre le vent souffler. La vie s’est comme arrêtée. Les Lions se livrent à la séance des tirs au but dans cette rencontre (0-0) de quarts de finale de la CAN contre le Sénégal.
Fabrice Ondoa, vient de sauver la frappe de Sadio Mané, la star du Sénégal, venue de Liverpool. La jubilation s’est vite arrêtée. Sur les visages, la peur. La survie des Camerounais ne tient donc qu’au tir d’ « Aboubakar. C’est toi qui peut nous sauver », lance sans conviction, Noël Mengoulouck, au milieu de ses cadets. Visage marqué, la clameur collective venue de l’extérieur sort le domicile de la tension. Le pénalty est transformé.
Le Cameroun est en demi-finale. A Ekounou, quartier d’enfance du gardien de but des Lions, on a aussi eu peur. Adèle Vanessa Ebogo Messina, sa sœur cadette, essaie de rappeler à la raison, un groupe d’une vingtaine de jeunes animateurs. « On veut boire ! », lancent-ils violemment. « Mama arrive »…personne ne veut l’entendre. Le groupe a vite versé dans l’injure, à peine masquée par le tambourin de fortune actionné.
Le modeste salon de la famille Ebogo ne peut pas tous les contenir. Serrés comme les sardines, les corps en sueur, ils veulent le « vin ». Le sergent-chef Alexis Edjodom,voisin, est appelé à la rescousse. Certains, juchés sur les fenêtres attendent. Pas moyen de voir où l’on pose le pied dans la cour. Chez les Ondoa, le match a commencé lors des tirs au but. Et, Thomas Ebogo, son père, n’a pas tenu. « L’émotion était grande. Il a fait un malaise. Nous l’avons conduit à l’hôpital. Il est avec maman », informe la cadette.
Son épouse, mama Cathy, Catherine Ondoa Ebogo, à l’Etat civil, n’a pas regardé le match à la maison. « Elle s’échappe tout le temps. Elle ne supporte pas regarder les matchs ici. On l’a appelé quand papa s’est senti mal », poursuit notre source. A 00h45, les voisins attendent toujours. Au quartier mini-ferme, arrêt obligatoire. Des badauds ont assiégé la chaussée. Difficile de circuler.
Des ustensiles ont été sortis des cuisines : pour en rajouter au vacarme. Corps en sueurs, ils trépignent, drapeau en main. La jubilation est asexuée dans cette partie de la ville. « Ils nous font ça. En plus un samedi. Quelqu’un ne va pas dormir aujourd’hui », lance un passager dans un taxi. Dans la foule, cette jeune dame vient de perdre sa sandale. Sa voix s’écrase dans le brouhaha. Le chemin jusqu’au carrefour Melen, elle le fait pieds nus.
Les drapeaux sont sortis. Au « siège » de la Fédération des supporters du Cameroun, Eric Siélenou, le président, est un homme heureux. Chez lui, à une heure du matin, l’adrénaline n’est toujours pas retombée. « Tu vois, je disais aux gens. Ces enfants… », sa phrase se terminera dans sa tête. A son interlocuteur de la compléter. Le regard pétillant, il esquisse quelques pas de danse.