Opinions of Thursday, 9 March 2017

Auteur: Alice SADIO

Point de vue: le 08 mars au-delà du pagne…

Alice SADIO, Présidente Nationale de l’Alliance des Forces Progressistes (AFP) Alice SADIO, Présidente Nationale de l’Alliance des Forces Progressistes (AFP)

La femme africaine contemporaine ressemble à une espèce d’hybride à la croisée des chemins, qui ne s’est libérée du joug des traditions ancestrales que pour s’embrigader dans les cachots parfois nauséabonds d’une « émancipation » idéologiquement très marquée…

Nous savons qu’étymologiquement, la République, « res publica », signifie la chose publique et désigne un système d’organisation sociétale dans lequel la souveraineté appartient principiellement au peuple qui exerce son pouvoir soit directement, soit à travers des représentants élus. Or, qui dit peuple dit les femmes et les hommes. Ces deux entités sont donc au fondement de la république et travaillent depuis la nuit des temps à bâtir le vivre ensemble, le mieux être mais aussi la perpétuation de l’espèce humaine, dans un partenariat tantôt harmonieux, tantôt conflictuel. L’histoire veut que les femmes et les hommes aient connus des hauts et des bas, soufflé le chaud et le froid, mais sans jamais renoncer à leur « togetherness » dans cette perpétuelle aventure d’édification d’un ordre sociétal aux défis toujours renouvelés et de plus en plus osés. Les complexités dans et à travers lesquelles nous expérimentons, par essais et erreurs nos potentiels infinis déroulent au fil du temps, nos victoires ainsi que nos défaites. C’est dans ce dualisme « genré » que la problématique de l’éthique appliquée à la situation des femmes en société se pose. En effet, et pour aller droit au but, dans toutes les civilisations humaines, la femme a toujours été envisagée par son partenaire masculin, comme une cadette, pour ne pas dire un être inférieur, d’où nos civilisations abondent de clichés qui témoignent à suffisance de combien le genre féminin a pu être le souffre-douleur de l’humaine condition dans divers champs d’expression existentiels. Dans le contexte africain, la femme est passée tour à tour par des stéréotypes discriminatoires mystifiés tant dans les champs culturel, religieux, politique, économique, scientifique, qu’artistique.

Nous avons tous grandi en entendant nos parents et aînés nous dire par exemple qu’il est interdit à la femme de penser ci ou ça, de faire ci ou ça, de manger ci ou ça, de croiser les pieds devant les hommes, de grimper sur tel arbre, d’aller à l’école, de faire la politique, de conduire une voiture, etc. Toutes ces postures « fémininement correctes » prescrites par nos traditions sous l’impulsion masculine sont aujourd’hui confrontées à de sérieuses remises en question. Depuis les grandes révolutions idéologiques et technologiques, NTIC avec, dont la femme a su se saisir pour secouer et même renverser les ordres établis, revendiquant à cor et à cri son droit à l’auto détermination. La fougue de protestation et de lutte pour le renversement des aspects tranchants et dégradants de nos traditions défavorables à la libre expression et au plein épanouissement de la femme a produit malheureusement autant de fruits digestes qu’indigestes à l’équilibre sociale. De sorte que, la femme camerounaise contemporaine ressemble à une espèce d’hybride à la croisée des chemins qui ne s’est libérée du joug des traditions ancestrales que pour dégringoler et s’embrigader dans les cachots parfois nauséabonds d’une « émancipation » idéologiquement marquée au sens de Claude Levi-Strauss qui dit dans Antropologie structurale que « rien ne ressemble plus à la pensée mythique que l’idéologie politique ». L’éthique appliquée à la situation de la femme camerounaise, africaine contemporaine nous interpelle donc à plus d’un titre.



Hier assignée à résidence et aux tâches domestiques, aujourd’hui sommée de travailler pour être respectée et prise en compte par l’homme et par la société, hier astreinte à la pudeur par un model vestimentaire « jusqu’aux-chevilles », aujourd’hui déshabillée et exposée tel un objet de désir sensuel dans les champs artistiques, publicitaires et cinématographiques, comme objet de suggestion, de projection et de satisfaction des instincts et appétits… hier astreinte à la soumission au mari et au foyer qu’elle soit heureuse ou non, aujourd’hui aux prises avec le rythme effréné d’ambitions, de revendications et d’imaginations exigibles dans son rapport au partenaire du point de vue sentimental, le tout encadré par une industrie cinématographique très souvent vendeuse d’illusions, la femme camerounaise, africaine contemporaine est un être manifestement insatisfait et dont le degré de déception est proportionnel aux démantèlements tous azimuts des cellules familiales, pourtant socle de la « Res Publica ! ».

En effet, l’évaluation à mi-parcours nous dévoile une femme africaine qui peut aujourd’hui tutoyer l’homme, se révélant jours après jours à elle-même ainsi qu’à la société, de par ses prestations et compétences dans tous les domaines, de la science au sport, en passant par la politique, l’art, la philosophie, la religion, la technologie, etc.
Et pourtant, et pourtant… aussi vrai que les tiers-mondes en général et l’Afrique en particulier reproduisent inconsciemment le model sociétal occidental dans leurs politiques de développement linéaires et par conséquent suivistes, les femmes africaines, nouvelles recrues de l’idéologie féministes, dans leur déploiement affichent une démarche qui semble singer dans une platitude extraordinaire le modèle, les valeurs, et l’éthique importés.

Si la finalité de tout changement évolutif c’est la réalisation du mieux-être pour soi-même et pour son prochain, peut-on dire au regard de tout ceci, et en toute objectivité que « l’être feminin » d’aujourd’hui est plus épanouie que mon arrière grand-mère ? Le processus d’appropriation du féminisme version occidentale est de toute évidence jonché de mutations dont les gains et désillusions qui en découlent nous interpellent en tant qu’ « animal politique » au sens aristotélicien du terme.

Notre thèse est que, autant l’Afrique de par sa position charnière et son potentiel incarne l’avenir du monde, autant nous misons sur la femme africaine comme gage de l’avenir de la femme tout court, à condition d’avoir l’audace d’envisager une approche novatrice de l’évolution, à condition d’avoir l’audace de fouiner dans les vestiges si peu explorés de notre donne culturelle et civilisationnelle aux fins d’envisager de nouveaux paradigmes de la lutte de la femme, par la femme, pour la femme et pour la postérité qui sache remettre en question les aspects irrecevables, les incongruités du model importé pour mieux s’envisager et s’approprier.

En clair, l’évolution, le développement, la construction d’une âme communautaire africaine qui se veulent pertinents pour aujourd’hui et demain ne peuvent faire l’économie de l’OFFRE ETHIQUE ET POLITIQUE que nous nous devons de mettre sur la table dans le processus de gestion des problématique fondamentales telles que le rapport de la femme politique africaine aux pouvoirs, à la violence, à la liberté, à la prostitution, à l’homosexualité, à la peine de mort… et j’en passe.

Quelles thèses seraient plus respectueuses de notre identité, de notre existé et de notre vivre ensemble dans le rapport que nous devons avoir vis-à-vis :
1) du rôle de la femme et de l’homme au foyer,
2) du rapport de la femme à l’argent et donc aux besoins tertiaires et autres bling bling,
3) des canons de beautés dictés par les mass medias qui rentrent fatalement en conflit avec la beauté que suggère naturellement la femme noire aux cheveux crépus et aux rondeurs affirmées, etc.

Une telle démarche épistémologique engendrerait une CONSCIENCE DE SOI AU FEMININE résolument accomplie à travers la décolonisation des référentiels idéologiques unilatéralistes, pour donner sa chance à UN FEMINISME PLURIEL, véritable socle de LIBERATION-ELEVATION de la femme africaine afin qu’elle aille enfin puiser dans ses nobles repères existentiels, en toute indépendance et joue enfin pleinement son rôle de cheville ouvrière d’une nouvelle donne sociétale où les conditions seraient réunies pour rétablir l’équilibre entre l’homme et la femme, le parent et l’enfant, le fort et le faible, le riche et le pauvre, le gouvernant et le gouverné.

En conclusion, si la morale est « le sentiment de l’idéal vécu dans l’action » comme le suggère Frédéric Rauh, alors comme on juge le maçon au pied du mur, c’est à l’épreuve de nos déploiements que nous, femmes politiques conscientes ou pas, avons l’opportunité d’impulser une plus value du point de vue qualitatif dans la dynamique sociale actuelle aux prises avec ses démons hérités d’une civilisation, d’une gouvernance par trop masculine. Nous, femmes pouvons choisir singer l’homme et donc répliquer à perpétuité ses tares ou alors, NOUS pouvons choisir de descendre dans l’arène des décideurs, armées d’un idéal et porteuses d’un projet éthique et politique salvateurs, à condition d’être:

1- Un exemple d’amour et de tolérance ;
2- Un exemple d’honnêteté ;
3- Un exemple de patriotisme ;
4- Un exemple de solidarité et de partage ;
5- l’Antidote du tribalisme et du racisme ;
6- Une référence au travail et au développement ;
Alors, chères mamans et chères sœurs, c’est ma foi en notre finesse d’esprit, notre capacité à rebondir pour rectifier le tir, que je me permets de vous dire non pas « bonne fête » mais plutôt « bon retour aux vrais combats