Les autorités camerounaises doivent enquêter sur le recours à une force excessive et injustifiée ayant mené à la mort de deux à quatre personnes lors d’une manifestation à Bamenda, une ville du nord-ouest du pays, jeudi 08 décembre, a déclaré Amnesty International.
Des témoins ont signalé que des membres des forces de sécurité ont utilisé des balles réelles et du gaz lacrymogène en réaction à des jets de pierres, et ont dit avoir vu les corps de deux hommes qui avaient été abattus. Des articles de presse citant des sources policières indiquent qu’au moins quatre personnes sont mortes.
On a également vu les forces de sécurité répandre du gaz lacrymogène dans une zone semble-t-il sans relation avec les manifestations, et utiliser des balles réelles pour tirer en l’air.
«Les autorités camerounaises doivent faire la lumière sur les circonstances ayant fait des morts et des blessés, en ouvrant sans délai des enquêtes véritablement approfondies et impartiales. Les personnes dont on peut raisonnablement penser qu’elles ont une responsabilité dans ces décès doivent être traduites en justice», a déclaré Ilaria Allegrozzi, spécialiste de l’Afrique centrale à Amnesty International.
«Nous demandons aux autorités camerounaises de s’abstenir de recourir à une force illégale en réaction aux manifestations. Répondre à des faits de violence durant les manifestations en employant une force injustifiée ou excessive risque d’exacerber une situation déjà tendue et de mettre des vies supplémentaires en danger.»
Le matin du 8 décembre, des actions de protestation ont eu lieu à Bamenda afin d’empêcher la tenue d’un meeting du parti au pouvoir. Cela s’inscrivait dans la lignée de manifestations ayant débuté fin octobre 2016 dans plusieurs villes du sud-ouest et du nord-ouest anglophones du Cameroun, contre l’utilisation du français dans les tribunaux et les écoles.
Selon des informations reçues par Amnesty International, dans divers quartiers de Bamenda, les forces de sécurité ont tenté d’empêcher les rassemblements, et utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau pour disperser les manifestants. Vers 10 h 30 du matin, la police a érigé des barricades à l’entrée de l’avenue commerçante où des personnes commençaient à se rassembler. Des manifestants ont mis le feu à un poste de police entre 15 et 17 heures le 8 décembre.
Les forces de sécurité ont par ailleurs utilisé du gaz lacrymogène dans le principal marché de Bamenda alors que personne ne manifestait. Un témoin a expliqué à Amnesty International :
«Des vendeurs étaient assis à l’entrée principale du marché lorsque des policiers sont arrivés et ont décidé de casser des pare-brises, de faire tomber des vélos garés sur place et de répandre du gaz lacrymogène.»
[i «Les vendeurs disaient : nous ne savons pas ce que nous avons fait de mal, nous travaillons au marché, c’est tout. Lorsque les policiers ont lancé du gaz lacrymogène, vendeurs et badauds ont couru se réfugier au marché et ont fermé la porte principale à clé, et on pouvait voir toute la fumée et les émanations du gaz lacrymogène [à l’intérieur].»]
Complément d’information
Des avocats, des élèves et des enseignants sont en grève depuis des semaines pour protester contre ce qu’ils considèrent comme une marginalisation de la minorité anglophone.
Au cours du mois écoulé, les forces camerounaises de sécurité ont soumis des manifestants non violents à des arrestations arbitraires, et ont recouru à une force excessive pour disperser des rassemblements à Bamenda et Buea, faisant plusieurs blessés et au moins un mort parmi les civils. Le 26 novembre, plus de 100 personnes ont été arrêtées à Bamenda.
Amnesty International peut pour l’instant confirmer que deux personnes sont mortes à Bamenda, mais les médias, citant des sources policières, affirment que le bilan est de quatre morts.