Opinions of Saturday, 26 November 2016

Auteur: Partice Nganag

La solution Anglophone

Manifestations à Bamenda Manifestations à Bamenda

Ma surprise de ce fait est et demeurera toujours que le concept utilise pour le présenter veut qu'il y ait un 'problème anglophone', sinon d'ailleurs une 'question anglophone', quand en fait, dans les faits, les Anglophones viennent de nous donner une solution magistrale au problème national - aux problèmes nationaux camerounais si on veut.

Et je parle ici simplement de tactique. La première des choses est qu'il faut voir, et faut l'accepter que le problème national de notre pays, c'est le tribalisme. Le Cameroun est un Etat tribal, et cela depuis 1956 exactement, le cabinet ou il a été jeté à cette date la étant l'atavisme tribal qu'il est dorénavant inutile de décrire, mais impératif de détruire.

Or le tribalisme est la seule arme qu'a le pouvoir pour neutraliser toute forme d'organisation pour le changement, et c'est la seule arme, à part les balles bien sûr, qu'il a toujours utilise pour atteindre le but simple de se maintenir au pouvoir. Le tribalisme en effet, c'est le socle du 'diviser pour régner', or la particularité des Anglophones est que génériquement ils rendent - et cela s'est démontré encore à Bamenda - ils rendent caduque toute lecture tribale, toute question tribale dans la fronde, parce qu'ils adressent la question camerounaise au niveau pan-ethnique.

Les anglophones sont déjà une entité pan-ethnique, car comme nous savons, ils sont un conglomérat de plusieurs tribus qui réunissent autant les Sawa que les Bamiléké (beaucoup de Bangangte par exemple sont anglophones, les Bali par exemple) que les Haoussa, et ont donc des embranchements à travers tout le pays par des couloirs familiaux.

Courcircuiter le tribalisme ce n'est pas seulement faire un saut qualitatif, celui-là qui avec l'UPC depuis 1948, n'a toujours été fait qu'à travers l'idéologie (le panafricanisme par exemple), c'est surtout réunir le peuple camerounais captif de l'Etat tribal sur une plateforme fondamentalement détribalisée. C'est au fond donner une solution au cancer qui maintient notre pays dans le cabinet depuis 1956.

Mais Bamenda nous a montré plus, car une action ne devient pas politique à cause de son saut qualitatif, mais aussi et surtout, à cause de sa capacité quantitative. A cause donc, de la nouvelle relation de force qu'elle met en branle, celle-ci étant mesurable comme on le ferait en physique, comme on le ferait en mathématiques, ou d'ailleurs en statistiques et même en probabilités. Dit platement, il faut 'faire foule.'

Or les mathématiques de l'action politique - faire foule donc - sont fondées dans les coalitions possibles. Les évènements de Bamenda nous ont montré l'exemplaire d'une coalition qui jusque-là, et c'est-à-dire depuis 1990, a été impossible au Cameroun. D'abord les corps des métiers - avocats, enseignants, et puis étudiants.

Les trois corps de métiers, bourgeois, on dirait, ont mis en branle leurs plateformes respectives, dans des actions disparates mais consécutives de greve qui dans les faits ont paralyse leurs systèmes respectifs. Mais l'enjeu des classes professionnelles n'est pas seulement la greve, car celles-ci sont alimentaires, mais la popularisation de celle-ci car c'est leur population qui les rendent d'emblée politiques.

C'est ici en effet que la coalition avec les commerçants, avec les bend-skins surtout devient essentielle. Et cela a été mis en branle devant notre regard de manière magistrale le 21 novembre par une action dans le centre-ville, menée par un citoyen, Mathew BBC qui dans les faits n'a pas seulement paralyse la ville avec son cercueil sur la tête, et sur lequel il a parlé jusqu'a achever son discours dissident, mais a réussi l'exploit de le faire avec une revendication purement apolitique: la réfection des routes défectueuses.

Il aurait bien pu parler de l'eau, de l'électricité, de la pauvreté, de la misère, de je ne sais trop quoi, mais ce qu'il aura atteint ce sera populariser la revendication des classes plutôt bourgeoises qui faisaient la greve corporatiste, et de ce fait embraser la ville. Et surtout, quiconque aura écoute son discours sera surpris par son accusation des Chinois. Apolitique dans l'essence, son discours offensif, et pas défensif, a servi de plateforme nouvelle, de coalition qui aura mis les bourgeois - avocats, enseignants, élèves -, en contact direct avec le peuple.

Resummons

Saut qualitatif par la détribalisation de la fronde, plateforme quantitative par l'établissement d'une coalition entre les bourgeois et le peuple. Au niveau international, et c'est véritablement le gouleau d'étranglement de toute action pour le changement chez nous, le piège de notre génération d'ailleurs je dirai, les forces qui se battent pour chasser le tyran, se distinguent toujours de celles qui se battent pour chasser la France.

Les mouvements populaires des années de braise se sont ainsi sabordés le jour ou la greve des produits français a été mise sur la balance. C'est que notre génération se retrouve toujours a chasser deux lièvres, d'une part le tyran et d'autre part la France, et personne jusqu'ici n'a trouvé la solution qui permettrait de faire les deux en même temps.

Nous savons que qui mène une guerre sur deux fronts court le risque de perdre les deux, et la téléologie de la défaite camerounaise est dessinée au carrefour de ce choix - chasser Biya ou chasser la France, capturer le tyran, ou se battre contre la Francafrique? La beauté des Anglophones, et surtout du mouvement qui a eu lieu et est en train d'avoir lieu a Bamenda est qu'il est suit generis par-delà la France.


Enclave anglophone dans un espace francophone (Tchad, Congo, Gabon, Cameroun) pris par les tyrannies les plus longues du monde, les Anglophones nous ouvrent sur un voisin de taille entretemps démocratise, le Nigeria, mais surtout sur des pays - les USA, l'Angleterre, qui donnent une arrière effective à toute action politique.

La sortie rwandaise de la Francophonie rend palpable ce qui est chez nous encore une possibilité, une probabilité. Il est devenu inutile en effet de demander aux Anglophones de notre pays s'ils sont pour la France, car ils sont par-delà celle-ci et de ce point de vue posent la question de la démocratisation de notre pays de manière telle qu'ils apportent plutôt des solutions a la place de la théologie négative qui a constipe tous les mouvements politiques de notre pays.

Ces solutions sont: fédéralisme, élection des gouverneurs et des préfets, démocratie participative, proportionnelle, parlementarisme, et elles sont aussi évidentes que le projet d'une nouvelle république! Il n'y a pas de problème anglophone, mais bel et bien une solution anglophone au problème national camerounais.